23/ Rester de marbre

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Dès que la jeune femme franchit le seuil de la petite maison, Sylvester s'élance vers elle doigt accusateur pointé vers elle.

— Toi ! L'italienne ! Tu vas tout de suite... Ahhhhhh ! Mais il est malade, ce type !

Dante, surgissant brusquement, a intercepté l'anglais avant qu'il n'ait atteint Francesca, et lui a fait une clé de bras pour l'immobiliser.

— Dan... M. Lombardi ! s'exclame alors Alice joyeusement, avant de s'élancer vers le sombre italien en pleine action.

L'effet est immédiat. Il lâche aussitôt Sylvester, et, les mains en l'air, comme si la jeune anglaise était une pestiférée, il fixe avec horreur les bras enserrant sa taille, et le visage enfoui dans sa chemise impeccable jusqu'à présent.

— Cazzo ! Alice est sa kryptonite ! s'exclame Sylvester en éclatant de rire tout en se frottant le bras.

Le regard noir que lui lance Dante le fait taire aussitôt.

— Paz ? Hans t'attend devant la maison, dit Francesca en souriant à la jeune espagnole qui saute aussitôt de sa chaise pour se précipiter dehors en disant qu'elle reviendrait par ses propres moyens ce soir. Il est facile d'imaginer qu'elle a déjà tout combiné avec Hans, avec qui elle échange des messages depuis la nuit dernière.

— Je crois qu'il faudrait que tu relâches M. Lombardi, Alice. J'ai besoin de lui au maximum de ses capacités, dit Francesca à regret, tant la position de Dante l'amuse.

— Ok, dit Alice en s'écartant d'un mètre comme une enfant sage. Mais son regard couve le jeune homme comme s'il avait été une friandise dans la vitrine d'une boulangerie.

Un ange passe. L'italien recule en remettant convenablement sa chemise et son costume. Il reprend ensuite une pose stoïque près de la porte, regard lointain et visage fermé. Alice ne peut s'empêcher de le trouver encore plus mignon comme ça. Elle se retient à grand peine de se recoller à lui, mais Francesca la prend dans ses bras.

— Ils savent ? murmure-t-elle.

— Non. Mais ils aimeraient bien.

— C'est pour ça...

— C'est pour ça.

Francesca s'écarte de son amie, et fait face à Sylvester. Elle lui tend la main comme pour le saluer. Il la regarde incrédule, se demandant ce qu'elle veut exactement. C'est Pierre qui le devance, voyant que l'anglais ne réagit pas.

— Merci, dit alors Francesca en serrant la main de Pierre. J'ai confié un lourd secret à Alice. Je le regrette. Mais j'avais besoin d'en parler à quelqu'un. Et elle est mon amie...

— Elle est ton amie depuis seulement quelques jours ! lance Sylvester les bras croisés sur la poitrine.

— Et nous, quelques semaines, si tu y réfléchis bien, dit simplement Pierre en posant une mains sur l'un des bras de l'anglais pour l'apaiser. Mais Alice fait cet effet à tous ceux qui l'entourent, n'est-ce pas mademoiselle Baggersmith ? finit le français en faisant un clin d'œil malicieux à son amie rayonnante près d'eux.

Alice lui offre un beau sourire qui fait discrètement lever l'un des sourcils de Lombardi.

— Ça n'empêche qu'Alice n'aime pas les secrets, rétorque Sylvester.

— C'est vrai. Parce que d'habitude je les juge inutiles. Je les trouve dérisoires et nocifs. Mais celui-là vaut la peine d'être gardé. Francesca risque gros. Et elle est mon amie, Syl. Comme toi, Pierre et Paz.

— Tu oublies, ton Apollon.

— Lui n'est pas mon ami. Il est beaucoup plus, dit Alice en se tournant résolument vers l'intéressé qui soupire de contrariété sans bouger cependant.


Dante s'est préparé à subir ce genre d'assaut verbal toute la nuit. Il a encore du mal avec les contacts physiques de la jeune fille, mais il s'y habituera. Il en est capable. Il est assez fort. Il le faut. Il a maintenant une mission de la plus haute importance : préserver la vie de Francesca de Luca, établir une relation de confiance, devenir son bras droit.

Vittorio de Luca n'a rien voulu savoir quant au problème Alice Baggersmith. Pour lui, elle n'est qu'un grain de sable facile à balayer. C'est une étudiante étrangère. Dans quelques mois, elle retournera sur son île. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il a confiance en Dante. Il le pense à la hauteur. Alors il le sera. Il ne le décevra pas.

— Bon. Ok. Si on ne peut pas savoir... finit par soupirer Sylvester.

— Non. Ce serait trop dangereux. Par contre... j'ai une requête à vous faire, finit Francesca en s'asseyant sur la chaise laissée vacante par Paz.


L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant