Le Busquador est installé dans un vieux hangar à la périphérie de la ville. Même s'il ne passe pas un week-end sans incident dramatique, les étudiants aiment s'y perdre, car la fête y est toujours plus exubérante qu'ailleurs. L'endroit est si vaste qu'il est effectivement facile de s'y perdre. Ici, pas de vestiaire, une hygiène douteuse, une sécurité au minimum, mais la musique est toujours incroyable, l'alcool y coule à flot, et la drogue y circule librement. Un principe vieux comme le monde. Une formule toujours gagnante, même si certains et certaines finissent la nuit à l'hôpital, et n'en sortent parfois que par le côté de la morgue.
La musique est assourdissante, mais c'est si bon. Les filles dansent comme des furies dans la foule qui gesticule autant qu'elles. Elles sont perdues dans la masse. Elles sont enivrées de bruit et d'alcool. Parce qu'elles ont bu. Pas autant que l'on pourrait croire, mais l'excitation et la chaleur ont fait tomber la pression et monter l'adrénaline.
Francesca hurle sur la chanson qui sature l'air, et sa voix se perd avec celle des autres dans les vibrations des basses. Elle se sent libre, joyeuse, insouciante. Le poids qui lui pèse sur les épaules depuis trois semaines semble s'être volatilisé. Elle n'est plus l'héritière de Luca. Elle est une étudiante qui profite de sa soirée. Elle n'est personne de particulier. Elle est une ombre qui ondule sous les lumières qui clignotent. Elle est une silhouette prise dans la fumée artificielle qui rampe sur le sol.
***
Dante Lombardi surgit dans le salon comme un beau diable et fait sursauter les deux garçons qui s'étouffent avec leur gorgée de bière et lâchent leur manette.
— Fucking italian ! Qu'est-ce qui te prend !! lâche Sylvester en se levant prêt à en découdre.
— Où est Francesca ?
— Comment ça, où est Francesca ? dit Pierre en se plaçant judicieusement devant Sylvester.
— Elle était censée être avec vous ce soir. J'avais une autre... J'avais un truc à faire... Elle devait être avec vous !!! Cazzo !
— Ben non. Les filles ont décidé de s'octroyer une soirée. Elles sont sorties.
— Et ça ne vous est pas venu à l'esprit de me prévenir !
— Hé ! On pensait que tu savais ! C'est toi le toutou de madame ! Asshole !
Dante s'est avancé avec un air sombre. Il est furieux. Pierre qui se trouve entre les deux hommes commence à se demander s'il a eu une bonne idée de vouloir empêcher l'inévitable combat qui devra un jour avoir lieu entre eux deux.
— Je rappelle l'objet du conflit ? Francesca ? Disparition ?
— Elle n'a pas disparu. Elle est avec Alice, Paz et Giulia... lâche Sylvester en continuant de fixer Dante qui en fait autant.
— Autant dire qu'elle est à découvert... ajoute l'italien, mâchoire et poings crispés.
— Ok ! Je jette l'éponge ! Allez-y ! Foutez tout en l'air une bonne fois pour toute ! Je m'en bats les couilles ! Après tout, je ne suis là que pour un laps de temps négligeable et je suis bien trop intelligent pour m'emmerder avec vos conneries ! Je comprends parfaitement pourquoi les filles ont voulu s'offrir une soirée ! Trop de testostérones et pas assez de neurones par ici ! Putain ! Sylvester, il est passé où le gentleman ! dit Pierre en les écartant pour passer.
La colère de l'anglais disparaît d'un coup. La main de Pierre sur son torse qui n'a fait que l'effleurer pour le pousser, son haussement d'épaules de résignation, ses paroles tranchantes le secouent plus que tout autre chose.
— Excuse-moi, Pierre, finit-il par dire en fourrageant dans sa tignasse blonde.
— Elles sont où ?
La question lancée d'un ton dur, enflamme de nouveau Sylvester. Il fait volte-face et se trouve nez-à-nez avec l'italien. Cette fois, pas de Pierre entre eux.
— Je n'ai pas de temps à perdre avec toi, gamin ! Où est Francesca ? dit méchamment Dante en projetant l'anglais sur le sol sans ménagement.
Pierre s'est précipité pour que Syl reste à terre. Une main sur le torse de l'anglais, il se tourne vers Dante.
— Elles sont au Busquador. Et je ne vois pas le problème.
— Non. Tu ne vois pas le problème. Aucun d'entre vous ne le voit. C'est peut-être même bien ça le problème, lâche Dante en se dirigeant vers la porte.
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L'obstination d'Alice Baggersmith
ChickLitIl n'y a qu'une Alice Baggersmith. Et c'est heureux ! Le monde ne se relèverait pas s'il y en avait deux. Son obstination est légendaire, comme sa bonne humeur et son langage de charretier. On l'aime ou on la déteste. Au choix. Mais l'indifférence n...