41/ Une faute d'appréciation

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Paz a le visage défait. On voit qu'elle a pleuré. Pierre et Sylvester ont aussi la mine sombre. Francesca, quant à elle, se tient, immobile et blême, près du canapé. Pas de Dante Lombardi.

Après un bref passage aux urgences, ils ont réintégré l'appartement. Alice a juste une épaule démise et quelques contusions. Elle porte le bras en écharpe, mais refuse de se comporter en convalescente. Trop d'énergie. Giuseppe Salvano a promis de la tenir au courant de son enquête, et elle refuse de se morfondre ou de basculer dans la peur.

Aucun de ses colocataires ne sait qu'elle a déjà vécu la violence des hommes. Aucun d'entre eux ne peut comprendre qu'elle force sa désinvolture pour effacer les traces de l'ombre rampante qui s'est invitée dans son existence. Il suffit qu'elle regarde Francesca pour ne rien regretter de ses choix. Elle veut retrouver la joie.

— Bon maintenant, ça suffit ! Il va falloir faire quoi ? On ne va pas rester enfermés ! On est étudiants, bordel ! Et puis, pourquoi ? Francesca ! Tu nous dois une explication !

Personne ne s'attendait à ce que ce soit Pierre qui réagisse le plus violemment. Pourtant, il n'arrive pas à contenir toute la rage qui l'a envahi depuis qu'il a appris l'agression dont a été victime Alice. Il est furieux, comme Sylvester, qui ne l'exprime que par un silence lourd et une attention décuplée au moindre désir de sa compatriote.

— Pas d'inquiétude, Pierre ! Tout ça n'a rien à voir avec Francesca ! C'est un hasard. Giuseppe pense que c'est un malade. D'ailleurs, il était là parce que justement, il a eu des agressions de ce type dans des endroits fréquentés par des coureurs !

— Un hasard ! Putain ! Ça fait beaucoup de hasards ! D'abord, un dealer prêt à éliminer la clientèle. Ensuite, un coureur psychopathe qui s'attaque à des inconnus ! C'est quoi la prochaine étape ? Un tireur fou ? Une attaque suicide ? De la bouffe empoisonnée...

— Tu exagères ! Pierre ! Arrête !

— C'est sûr que ça fait quand même beaucoup de coïncidences, Alice, dit Paz doucement.

Francesca va pour dire quelque chose quand la porte du loft s'ouvre et laisse apparaître un Dante Lombardi nonchalant, ignorant tout du drame qui vient de frapper la colocation.

— Ah ! Le voilà, lui ! Le garde du corps inutile ! Bravo ! Bravo ! Vous pouvez être fier de vous ! Jamais là quand on a besoin de lui ! hurle Sylvester qui a bondi vers l'italien dont le regard passe sur chacun des occupants de la pièce sans comprendre.

— Alice s'est fait agresser dans le parc de la Fortezza, lâche simplement Francesca d'une voix blanche.

— Agressée ! Elle a failli mourir en étant balancée dans le vide, putain ! crie à son tour Pierre en frappant un grand coup sur le comptoir de la cuisine.

— Elle a énervé quelqu'un de trop ! lance Lombardi dans un accès de morgue bien mal placé.

Sa tentative de minimiser l'évènement enflamme les occupants de la pièce, et il se retrouve brutalement insulté sans aucun frein. Plus personne n'a peur de lui en cet instant. Il est le sale con, qui non seulement repousse Alice, mais en plus, se moque de ce qui pourrait lui arriver.

Sylvester se rue sur lui, mais échoue à le frapper. L'italien esquive, puis lui donne un coup d'épaule qui l'écarte de son chemin, avant de rejoindre son studio dont il claque la porte.


Adossé à la porte, Dante accuse le coup. Dans sa tête une vague déferle et emporte tout. S'il ne lui avait pas tourné le dos. S'il l'avait invitée à monter pour la ramener. S'il avait pris en compte le soupçon qu'il avait eu avant de partir. S'il n'avait pas été aussi en colère après elle... tout cela aurait sans doute pu être évité.

Mais c'est de sa faute aussi ! Si elle n'était pas aussi horripilante ! Aussi collante ! Il n'aurait pas laissé libre court à son désir de la blesser. Dante ne se questionne pas sur ce désir. Il frappe la porte du plat de la main et prend son téléphone.

Il a obtenu les informations dont il avait besoin. Le dealer lui a donné un indice qui ne manquera pas d'intéresser Vittorio de Luca. Et si l'agression d'Alice a un rapport avec celle de Francesca, alors rien ne sert de discuter avec les étudiants. Ce qu'il faut s'est agir. Et lui seul en est capable dans cet appartement. Lui seul peut trouver l'agresseur et faire justice.


L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant