47/ Retrouvaille

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L'adrénaline pousse Dante, le porte. Il rattrape Alice avant qu'elle n'atteigne la limite d'un entrelacs de ruelles dans lequel elle entend le semer. Elle est si frêle qu'il n'a aucun mal à l'arrêter et dans son élan, la plaque contre la muraille qu'elle longeait jusqu'à présent.

Ils sont face à face, à quelques centimètres l'un de l'autre. Et contrairement à tout ce qu'elle avait pu espérer quand elle le taquinait, Alice n'apprécie pas cette position. Elle la rend vulnérable. Sa colère est là qui s'agite. Elle voit la même dans ses yeux à lui. Ils tentent de contenir leur respiration hiératique, saccadée. Leurs cœurs, eux, sont trop emballés pour s'apaiser aussi facilement.

Et puis, sans avoir rien dit, ni annoncer, Dante embrasse Alice. Comme ça. Aussi brusquement qu'il la repousse d'habitude.

Leurs lèvres collées ne s'entrouvrent pas. Il n'y a pas d'amour, ni de passion dans ce baiser en toc. Juste de la rage. L'envie de submerger l'autre. L'envie de vaincre.

Il n'y aura pourtant pas de vainqueur, car ça ne dure pas. Quelqu'un tire Dante en arrière et lui assène un violent coup de poing dans la mâchoire. Il chancelle de surprise, mais ne tombe pas. Puis, il fait face à son agresseur, le bras armé, prêt à riposter, mais ne fait rien.

Sylvester est là encore plus blême que d'habitude. Il a attrapé Alice par les épaules et la serre contre lui.

— Espèce de salopard, grogne-t-il à l'encontre de l'italien qui n'a pas bougé. Tu t'avises de la toucher encore une fois et je te tue !

— Faudrait savoir. Il y a quelques semaines, tu me reprochais de ne pas m'intéresser à elle, dit froidement Dante en restant fixé sur le regard d'Alice.

Regard qu'il n'arrive pas à sonder. Depuis leur première rencontre, c'est la première fois qu'il voit le visage de la jeune femme sans expression.

— Je te reprochais de la repousser. Maintenant c'est différent. Elle ne veut plus de toi. Tu as laissé passer ta chance, asshole !

Alice sent la tension qui anime Sylvester. Elle sent la vibration de ses muscles. Il est prêt à bondir, à se jeter sur son adversaire, à se battre. Pour elle. Pour la protéger. Alors elle enlace sa taille pour le retenir près d'elle, pour l'empêcher de faire une idiotie, comme tenter de se battre contre un type entraîné à tuer, par exemple. Elle prend conscience que ce grand gars, qu'elle ne connaît que depuis peu en somme, s'est attaché à elle au point de risquer son intégrité physique pour elle. Il agit comme mu par un profond amour fraternel. Du plus loin qu'elle se souvienne, cela ne lui est jamais arrivé avant. Et certainement pas avec les membres de sa propre famille.

Ce constat aussi simple qu'étonnant, qui la remplie entièrement d'un sentiment de joie, fait éclater quelque chose en elle. Cette bulle blanche de frustration et de colère. Cette bulle qui la rongeait en silence, elle qui s'était promis de ne plus jamais céder à ce genre de sentiment négatif.

Alors, soudain libérée, elle sent un rire irrépressible s'emparer d'elle et elle le laisse jaillir hors d'elle. Elle laisse son éclat s'élever sous les regards stupéfaits de ses deux compagnons. Et comme si sa libération en entraînait une autre, elle sent la tension de son ami fondre entre ses bras.

Sylvester ne se préoccupe plus de Dante, il serre Alice contre lui en soupirant d'aise.

— Te revoilà enfin, ma Alice. Tu sais que j'étais à deux doigts de lui faire une tête au carré au rital ?!

— Je n'en doute pas une seule seconde. En parfait gentleman que tu es... mais je crois que je te préfère en un seul morceau.

— Qu'est-ce que tu insinues, vilaine fille ! Alors que je viens de te sauver !

Dante reste muet devant cet étalage d'affection. Il se détourne et commence à suivre le chemin qui mène à la Fortezza. On n'a plus besoin de lui ici. Que l'anglais suive sa gazelle et qu'ils lui foutent tous la paix.

L'italien ne veut pas penser à ce qu'il vient de faire. Comme il refuse de ressasser le moment où il a abandonnée Alice sur le parking avant l'agression, alors qu'il avait une mauvaise impression. Tout ça est beaucoup trop confus. Beaucoup trop dangereux. Alors qu'il s'apprête à monter les marches qui s'élèvent le long du rempart, il entend quelqu'un courir derrière lui. Puis deux bras blancs viennent enlacer sa taille par derrière.

Il s'est arrêté. Il ne fait rien. Ne dit rien. Mais quand la jeune femme desserre son étreinte sous les injonctions de son compatriote resté à quelques mètres, et le laisse seul, Dante sourit malgré lui. Cazzo ! Ça lui avait vraiment manqué !

L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant