Alice pose son café sur le comptoir et soupire en suivant la silhouette de Dante Lombardi s'éloigner vers sa chambre.
— Il ne t'a rien dit ? C'est ça ?
— Pas un mot.
— Je te l'ai dit que ça ne marcherait pas.
— Je ne vais pas abandonner si facilement.
— Tu ne peux rien contre l'indifférence. Et j'ai bien peur qu'il soit super fort pour ça, dit Francesca laconique en posant sa tasse dans l'évier.
— C'est vrai. Il est plus fort que prévu. Mais je sais que c'est une barrière derrière laquelle il se cache.
— Comment peux-tu être si sûre ? dit alors Sylvester en attrapant la tasse qui lui est destinée. Peut-être qu'il ne t'aime pas. Point barre. Tu sais, c'est possible. Même si j'ai moi-même du mal à le concevoir, finit-il en embrassant le front d'Alice.
— No way ! Je sais ce que je ressens et je suis sûre qu'il ressent quelque chose aussi ! C'est impossible autrement.
— Quelle tête de mule !
— Merci, répond l'intéressée en déposant un baiser sur la joue de Sylvester avant de s'éloigner vers sa chambre.
— Tu en penses quoi ? demande alors Sylvester à Francesca.
— Je ne sais pas. Il ne dit rien ou presque. Et quand il s'exprime, il est aussi têtu qu'elle. Je crois qu'il gère beaucoup de choses nouvelles. Je n'aurais peut-être pas dû lui imposer cette colocation.
— Hé ! Ça se passe plutôt bien entre nous, non !
— Sylvester ! Je croyais que tu ne supportais pas nos affaires dans la salle de bain !?
— Partout ! Vos affaires, partout ! Vous laissez traîner des trucs dans tous les coins !
— Dit le type qui fait sécher son petit linge sur la fenêtre.
— Je fais comme nos voisins. Et puis, je ne vois pas le problème. Le linge qui pend entre les immeubles, c'est italien...
— Ce que tu peux être bouffi de préjugés... Sylvester ! Ouvre les yeux. Tu ne vis pas dans un film de Dino Risi ! soupire Francesca en s'apprêtant à partir.
— Attend ! Je m'inquiète pour Alice.
— Moi aussi. Mais ça ne fait que dix jours. Dante va peut-être fléchir. La soirée de samedi va peut-être l'aider à se décoincer.
— C'est vrai que la semaine dernière, nous n'avons pas eu notre soirée karaoké...
— Nous verrons.
— Nous verrons.
Dante s'est assis dans l'un des canapés du salon pour attendre Francesca. Il consulte distraitement ses messages quand un bruit infime lui indique que quelqu'un s'approche. Inutile de lever le visage, il sait déjà qui s'est. Il la reconnaît à l'odeur. Une effluve agréable et sucrée. Un parfum unique dont il ignore l'origine, car il n'a rien senti dans la salle de bain qui puisse donner ce résultat. Il en a conclu que c'est son odeur naturelle. Inattendu. Comme tout le reste.
Une tête se pose sur ses genoux sans s'annoncer. Comme si sa position était tout à fait naturelle, Alice consulte aussi ses messages sur son téléphone. Elle est vêtue d'un simple tee-shirt blanc un peu grand et d'un jean retroussé sur ses chevilles. Ses pieds nus aux ongles vernis de plusieurs couleurs sont en appui sur l'accoudoir. Classique venant d'elle. Elle sourit.
Dante soupire, croise les jambes pour se débarrasser de la tête blonde. Elle se redresse, mais n'abandonne pas. Sans quitter son écran des yeux, elle s'adapte et s'adosse à son épaule. Il ne prend même pas la peine de réagir verbalement. Il se lève simplement et va se poster près de la porte d'entrée. Il voudrait ne pas la regarder, mais feindre l'indifférence a parfois des limites, même pour lui. Un simple coup d'œil, et il croise son regard rieur. Elle lui tire la langue et se cale dans le canapé pour se replonger dans son écran.
Il retient un nouveau soupir et lui tourne ostensiblement le dos. Une seconde. Deux. Trois. Deux bras viennent le ceinturer avec douceur avant de s'effacer. Quand il se retourne, elle est déjà partie vers sa chambre. Cette fille est vraiment impossible. Il ne comprend pas lui-même son obstination. En parler avec Francesca est impossible et quand il en a vaguement parlé avec Gina, elle a rigolé. Pourquoi personne ne prend au sérieux son problème ? Comme si la ténacité d'Alice n'avait aucune importance. Aucune conséquence... Alors que c'est loin d'être le cas. Malgré sa volonté, il se surprend à ne plus être aussi catégorique dans ses réponses face à ses attentions. Parfois quelque chose remue en lui qu'il veut ignorer. Il ne doit pas baisser les bras. Il n'est pas là pour aimer.
Sa mission. Sa vie. Son monde. Rien ne cadre avec Alice Baggersmith. Il lui faut trouver une autre stratégie.
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L'obstination d'Alice Baggersmith
ChickLitIl n'y a qu'une Alice Baggersmith. Et c'est heureux ! Le monde ne se relèverait pas s'il y en avait deux. Son obstination est légendaire, comme sa bonne humeur et son langage de charretier. On l'aime ou on la déteste. Au choix. Mais l'indifférence n...