L'obstination d'Alice Baggersmith

51/ Remuer la vase et trouver un trésor

Francesca est contrariée. Elle fixe son écran de PC sans ciller, la main en suspens sur la souris de l'ordi. Cliquer ou ne pas cliquer ? Ouvrir ou ne pas ouvrir ce dossier que vient de lui envoyer son grand-père ? Il est intituler « Alice ». Et Vittorio a cru drôle sans doute de mettre le sigle de Umbrella corporation juste sous le prénom. Elle se demande fugitivement comment son grand-père a entendu parler de Resident Evil ? Quoiqu'il en soit, il lui a transmis un dossier sur son amie.

Francesca aurait dû se douter qu'il ferait faire une enquête approfondie sur la jeune anglaise après qu'elle lui ait annoncé ses intentions à son égard. Et ce, même si elle-même n'a encore rien discuté avec Alice. Elle voulait attendre le bon moment.

Et maintenant, elle est là à hésiter. A-t-elle envie de s'immiscer dans les secrets de son amie sans son autorisation ? Sa curiosité est grande bien sûr, mais elle aime trop Alice pour la trahir de cette manière.

Étrangement, elle repense au dossier sur Dante Lombardi qu'elle n'a pas fini de lire, ne dépassant pas les deux premiers feuillets concernant la mort d'un jeune homme nommé Silvio, abattu dans les rues de Naples. A-t-elle eu les mêmes scrupules que pour Alice ? Non. Pas exactement. Pour lui, elle a surtout eu peur de découvrir des choses trop dures et sombres qui n'auraient qu'accentué son impression négative de lui. À présent, elle se sent prête à tout lire. Parce que sincèrement, elle ne pourra pas avoir d'image pire que ce qu'elle a déjà du jeune homme.

Sylvester avait raconté à toute la colocation ce qui s'était passé à la Fortezza. Et ce qu'il avait dit n'avait que conforté ce que Francesca pensait déjà. La seule inconnue concernait maintenant Alice qui semblait être redevenue elle-même. Était-ce la reprise de sa vie ou l'étrange échange à la Fortezza qui en était la cause ?

Quoiqu'il en soit, Lombardi était rentré la veille au soir sans passer par l'appart. Il n'avait fait qu'une apparition le matin même pour s'assurer que Francesca n'irait pas seule en cours. Alice avait fait mine de se précipiter vers lui, mais il l'avait arrêté d'un geste. L'anglaise avait rigolé en croquant dans un cornetti alors qu'il disparaissait.

Le bal des hésitations va-t-il reprendre comme avant ? Tout est possible entre ces deux-là.

Francesca éteint le PC sans toucher au dossier envoyé par Vittorio de Luca après trois jours d'enquête. Elle attrape le dossier papier dissimulé sous son matelas. Il est tard. Tout le monde est couché. Elle est sûre d'être tranquille. Dante n'aura bientôt plus de secret pour elle.

Francesca s'assoit sur son lit, et retourne le dossier pour commencer par les éléments les plus anciens. Un acte de naissance. Une photo. Francesca fixe longuement le couple souriant enlacé devant la mer. L'image est nette. Les visages sont parfaitement reconnaissables. Et le cœur de Francesca manque un battement en observant la femme. Elle bondit sur ses pieds sans se préoccuper d'éparpiller les feuilles du dossier.

Elle attrape un petit album photo un peu vieillot que sa grand-mère lui a donné il y a longtemps. Il contient des photos de toute la famille. Certaines sont anciennes. L'une d'elle intéresse particulièrement Francesca. Vittorio s'y tient, fier, derrière ses trois fils qui ont entre 10 et 15 ans.

Francesca rapproche la photo des parents de Dante de celle de son grand-père et de ses fils. Elle respire vite et est incapable de quitter des yeux les visages. Ces visages si semblables. Ces visages dont elle partage certains traits. Elle ouvre sa porte et se précipite vers celle du studio.