62/ Perdre enfin

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Deux bras viennent enserrer le torse de Dante et arrête son mouvement. Son poing est seulement à quelques centimètres du visage de Vittorio qui saigne déjà de la lèvre. L'état général du vieil homme montre qu'il a déjà pris plusieurs coups. Mais son attitude témoigne de sa volonté de ne pas se défendre. C'est à cette seule condition qu'il pense pouvoir récupérer son petit-fils. Il compte sur un sursaut de conscience. Il ne s'attendait pas à ce que ce sursaut arrive grâce à elle.

La crevette blonde survitaminée est agrippée au combattant enragé. Elle s'est arrimée à lui comme à une bouée. Elle ne le lâchera sous aucun prétexte, car elle est convaincue qu'il s'effondrera tout à fait sinon.

Laissant Vittorio glisser au sol en gémissant, Dante recule d'un pas, et Alice suit le mouvement.

— Puta ! Tu es encore là, toi !

— Qu'est-ce que tu crois ! Que je vais te laisser tout ravager, y compris toi-même ! Bloody hell ! Tu es le pire asshole que je connaisse ! Jamais tu réfléchis ?! Jamais tu penses à quelqu'un d'autre qu'à toi ! Prick ! crie Alice sans se détacher cependant.

— Ouais ! Je pense qu'à ma gueule ! Lâche-moi maintenant !

— No way.

Il tire brusquement sur l'un de ses bras, lui arrachant un cri, et la repousse, puis il sort sous le regard consterné de Vittorio.

— Ça m'a fait plaisir de vous voir M. de Luca. Mais de toute façon, Furioso a encore deux combats avant de pouvoir quitter l'arène ce soir, dit alors Spatallone que Rafaelo avait maintenu contre un mur dès l'entrée d'Alice dans le vestiaire.

Son petit sourire suffisant fait bouillir Vittorio de Luca, mais le patriarche n'est pas en position de force et le sait. Alors qu'Ettore l'aide à se relever, et que Spatallone va pour sortir, Alice s'élance. Elle repousse le petit italien méprisant en passant, le faisant trébucher contre la porte.

Elle court dans le couloir crasseux aussi vide que la vie de ceux qui le parcourent pour atteindre l'arène. Elle ne tarde pas à rejoindre la silhouette haute et déterminée de Dante.

Elle l'interpelle pour qu'il se retourne, - Ce qu'il fait parce qu'il est contrarié qu'elle insiste -, et lui saute dessus. L'élan, la surprise, les réflexes font le reste. Elle se retrouve agrippée à lui. Jambes autour de sa taille. Bras autour de cou.

— Et maintenant ? Tu vas me frapper, asshole ! lâche-t-elle avec un regard noir et un geste du menton provoquant.

— Je pourrais.

— Alors vas-y ! Vas-y, si ça peut te soulager ! Vas-y ! Détruit tout ! Comme ça tu auras de bonnes raisons d'être malheureux ! Tu pourras geindre ! Te morfondre ! Tu pourras hurler à la mort ! Tu auras de bonnes raisons ! Asshole ! Mais ne t'attend pas à ce que je me laisse faire. Moi aussi, je sais me battre.

Le jeune homme ferme les yeux une seconde et soupire. Il ne peut empêcher un demi sourire de s'inviter sur ses lèvres. La fureur qui l'habitait jusqu'à présent, lui semble brusquement vaine. Étrange. Étrangère à lui. Comme si un grand coup de vent avait emporté tout ce qui alimentait sa colère. Il a su à l'instant où elle l'a enlacée dans le vestiaire que tout cela n'avait aucun sens. Rien n'en a jamais eu. Sa vie jusqu'à présent. La mort de ses parents. Les mensonges. La colère.

Il ouvre les yeux et plonge dans le regard contrarié d'Alice. Ses bras viennent alors la soutenir et l'enlace. Puis, il l'embrasse. Il l'embrasse comme il n'a jamais embrassé personne. Pas parce qu'il a besoin d'extérioriser la violence et la rage, mais parce qu'il en a envie.

Parce que cette fille est comme une drogue. Une fois que vous y avez goûté, impossible de s'en passer.

Parce que cette fille est un ouragan qui balaye sa peur la plus profonde, celle de finir seul comme un chien qu'on abandonne parce qu'il a mordu.

Personne n'en a encore conscience, mais le Furioso vient de trouver un adversaire à sa mesure et a été mis au tapis. Enfin presque.


L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant