Plonger dans le passé de Dante à travers ce dossier, c'est remonter le temps et s'apercevoir que les drames cornéliens sont toujours d'actualité. Que les temps ont beaux être modernes, la voie royale est étroite, les bas-côtés vastes et peuplés de misères et de tristesse.
Francesca et Alice s'immergent dans chaque paragraphe. Chaque rapport. C'est comme une longue descente aux enfers. Cela commence avec ce Silvio, mort seul dans une rue de Naples, vidé de son sang par de multiples plaies par balles. Elles apprennent qu'il était le seul ami que Dante ait eu là-bas. Qu'il l'avait laissé en suivant Vittorio.
Puis ça continue encore et encore. La vie de Dante à Naples a été parsemée de blessures, de trahisons, de confrontations et de brutalités. La main tendue de Vittorio a été sa bouée de sauvetage qu'il avait su saisir. Mais pourquoi le patriarche est-il intervenu si tardivement ?
— Il ne savait pas.
— Attend, il a un dossier complet qui part de sa naissance et tu dis qu'il ne savait pas.
— Regarde les documents qui correspondent à sa jeunesse sont tous datés de l'époque où ils se sont rencontrés la première fois. Il ne savait pas.
— Mais quelque chose est arrivé qui l'a mis au courant.
— Pas quelque chose. Quelqu'un.
— Qui.
— Gina Conti. Regarde.
— Et elle est où maintenant cette Gina ?
— Ici. À Florence.
Les deux jeunes femmes entrent ensemble dans le bar. Elles savent qu'elles ne sont pas à leur place. Pas à cette heure de la nuit. Mais elles n'ont pas le choix. Elles doivent trouver Dante au plus vite, et Gina Conti est la clé. Elles en sont sûres. Si elles ont bien lu les rapports, cette fille était comme une sœur pour Dante. Il est probable qu'il ait gardé des contacts. Peut-être même qu'il est avec elle. Qu'il cuve dans un coin de son bar. C'est ce qu'elles espèrent.
Leur entrée ne passe pas inaperçu. Enfin surtout celle de Francesca. Une fille comme elle, ça crée des convoitises dans ce genre de quartier. Surtout si elle est seule. La fille-farfadet qui l'accompagne ne compte pas vraiment.
Gina est occupée à servir une table quand les deux filles entrent. Immédiatement, elle sent les ennuis que ça va créer. Elle file au bar, pose son plateau, avant de se précipiter vers les deux gazelles. Marco qui sert, a compris lui aussi. Il faut faire sortir les deux gamines avant que les occupants des tables du fond ne les voient.
Une fille pas assez vêtue et trop maquillée, se précipite vers Francesca et Alice avec l'air de quelqu'un qu'il ne faut pas contrarier. Elle les empoigne par le bras et les entraîne à sa suite à l'extérieur aussi vite que possible sous les sifflets de certains clients. Ceux les plus proches de la porte n'ont rien raté du spectacle. Marco remarque quelques têtes au fond s'inquiéter de ce qui provoque le tumulte des premières tables, mais personne ne bronche vraiment. Il soupire de soulagement. Que venaient faire ces gamines ici ?
— Vous êtes malades ou quoi ? hurle Gina en propulsant les deux filles loin d'elle, dégagez d'ici !
— Mais... On est venu voir quelqu'un.
— Quelqu'un vous a donné rendez-vous ici ? Puta ! C'est un mec, je parie ! Vous êtes quoi ? Les oies blanches de l'année ! Vous ne connaissez pas le quartier ? Vous ne savez pas ce qui s'y passe la nuit ? Cazzo ! S'il vous a donné rendez-vous ici, c'est pour vous droguer et vous vendre à des clients !
— On n'a pas dit qu'on avait rendez-vous ! éclate Alice qui n'a que faire du danger qui rode. Elle veut retrouver Dante au plus vite. C'est tout ce qui importe.
— On a dit qu'on venait voir quelqu'un. Une certaine Gina Conti !
— Qu'est-ce... qu'est-ce que vous lui voulez à Gina ?
— Vous la connaissez ?! Il faut qu'on la voit absolument ! C'est à propos de Dante Lombardi.
À l'évocation de ce nom, Gina blêmit.
— Qu'est-ce qui se passe ? Il est arrivé quelque chose à Dante ?
— Vous... Vous le connaissez aussi ?
— Je suis Gina ! Cazzo ! C'est moi, Gina Conti ! Qu'est-ce qui est arrivé à Dante ? s'écrie-t-elle en attrapant Francesca par les épaules et en la secouant énergiquement.
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L'obstination d'Alice Baggersmith
Literatura FemininaIl n'y a qu'une Alice Baggersmith. Et c'est heureux ! Le monde ne se relèverait pas s'il y en avait deux. Son obstination est légendaire, comme sa bonne humeur et son langage de charretier. On l'aime ou on la déteste. Au choix. Mais l'indifférence n...