63/ Se croire seul et ne pas l'être

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— Et maintenant

— Maintenant ? Maintenant, on nettoie ton bordel et on rentre !

— Mon bordel ?! répète-t-il avec un petit rictus au coin des lèvres. Je...

— Tu retournes dans l'arène, Stronzo ! Tu me dois deux combats ! Alors tu y retournes, fissa, hurle Spatallone en arrivant sur le couple encore enlacé, Vittorio et ses hommes sur les talons. Mais personne n'a le temps de s'inquiéter de la colère du maître de l'arène, car un cri jailli d'un couloir secondaire.

— Alice !

Francesca et Gina déboulent comme deux furies et dépassent Spatallone qui s'arrête, stupéfait de l'invasion de son territoire par autant de femelles hystériques. Les deux jeunes femmes enlacent sans manière Alice et Dante comme si leur monde venait enfin de retrouver son soleil.

— Porca Puttana ! Mais qui vous a autorisé à... Voltarelli ? Qu'est-ce que tu fous là ?

Les hautes silhouettes de Lucio et de ses frères se profilent derrière les jeunes femmes avec nonchalance. Ils semblent comme des poissons dans l'eau ici. Lucio se fend même d'un sourire quand il voit le patriarche.

— Ciao. M. de Luca. Ça fait un bail.

— Ça fait longtemps, en effet, Lucio. Je vois que tu te portes bien.

— Pas vous manifestement...

— Disons que j'ai connu mieux, dit le vieil homme en rectifiant sa mise débraillée.

Lucio Voltarelli se tourne enfin vers Spatallone et le regarde avec un air de mépris non dissimulé. Entre ses deux-là, il y a encore des contentieux non réglés que le ni l'un, ni l'autre n'ont envie de solder ici.

— Spatallone, je crois que Marteli et Pazzino te cherchent. Y'a ton champion qu'a eu un souci...

— Mon champ... puta ! Lombardi, suis-moi !

— Lombardi ne va nulle part avec toi, Spatallone. Je paierai les compensations. Dis-le à Marteli et Pazzino. Non ! Je vais faire mieux. Je vais le dire moi-même. Luigi , Renzo ! Avec moi !

Vittorio de Luca s'engage alors dans le couloir secondaire. Lucio fait un signe à ses frères qui se mettent à suivre les trois hommes, tandis que lui reste avec Lombardi. Spatallone hésite une seconde, puis finit par suivre le patriarche. Finalement, l'abandon de furioso lui rapportera sans doute beaucoup plus que ses combats.

— Alice ! Comment as-tu pu me faire ça !!! J'étais si inquiète ! J'ai cru que tu avais été enlevée !

— Je te l'ai dit que personne n'enlèverait un farfadet pareil ! La seule qui est en danger, ici, c'est toi ! lance Gina avant de s'adresser à Dante, et toi ! Cavolo ! Il fallait que tu reviennes ici ! Que tu me fasses courir ! Dans mon état ! Mais qu'est-ce qu'il y a dans ta foutue caboche !? Tu pouvais pas venir me voir !! Porca miseria ! Je suis ta sœur, Rompiscatole ! Je devrais être celle qui sait tout avant tout le monde !

Dante ne dit rien. Il est environné d'un ensemble de sentiments contradictoires perturbants. Il voudrait fuir. Ne pas avoir à répondre. À rien. De rien. Il préférerait être dans l'arène. Au moins là-bas, il n'a pas besoin de réfléchir. Mais il sait qu'il n'échappera à rien de ce qui l'attend désormais. Ni au regard incendiaire de Gina, ni à la force d'Alice. Ni au reste. Ni à tout le reste.

Est-ce que Lucio Voltarelli a compris que le gaillard ne s'en sortirait pas seul ? Possible. Il est plus probable qu'il veuille surtout rejoindre au plus tôt l'air libre. Il veut aussi lui donner l'opportunité de choisir son camp. Il est temps qu'il prenne une décision. Et pas sous le coup de la colère. Une décision rationnelle cette fois. Enfin, il l'espère.

Sans façon, Lucio attrape Alice toujours arrimée à son Roméo et la pose sur son épaule.

— On sort, dit-il simplement. Si tu veux ta Juliette, gamin, tu suis le convoi.


L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant