58/ Le véritable enfer de Dante

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— Alors, il doit déjà savoir où chercher. Il ne peut pas avoir oublier ce que faisait Dante avant qu'il ne le sorte de là. Il doit se douter qu'il y est retourné. Qu'il est retourné à l'endroit qu'il pense mériter.

— Qu'il pense mériter ? Pourquoi tu dis ça comme ça.

— Vous savez quoi sur lui ? Rien, je suppose.

— Mon grand-père m'a donné un dossier sur lui.

— Un dossier, lâche Gina, méprisante en haussant les épaules. Un dossier ! Peuh ! Dante est autre chose que des lignes noires barrées de rouge. Dante a perdu ses parents à 7 ans. Ça l'a fracassé. Les Lombardi n'ont jamais aimé Salva. Ils avaient accepté le mariage avec leur aîné parce que ce dernier ne leur avait pas laissé le choix. Mais il n'était pas question de supporter leur engeance. Dante a fui leur brutalité. J'étais déjà amie avec lui à l'époque. Nous allions à la même école, même si j'étais plus âgée. Il était comme un petit frère pour moi. Alors quand il s'est enfui, je lui ai naturellement proposé de venir à la maison. Mais c'était trop prévisible, et mes parents... peu importe. Finalement, on a fui ensemble. J'avais 11 ans et lui, 9. La rue nous a avalés. On a fait tout un tas de choses pour survivre, pour partir de Naples et vivre une vie meilleure ailleurs. Pour Dante, l'une d'entre elle a été de se battre. Bon dieu ! Vous l'auriez vu à 10 ans ! Une vraie teigne. Mauvais et sournois. Même plus âgés, ses adversaires n'avaient aucune chance. Il avait un don pour ça. D'autres l'ont remarqué aussi. Les maîtres de l'Arène. Ils ne l'ont pas jeté dedans immédiatement. Ils ont attendu qu'il grandisse. Ils l'ont entraîné. Dante pensait avoir trouvé une nouvelle famille où le respect remplaçait l'amour qu'il avait perdu. À 13 ans, il est entré dans l'arène. Le plus jeune combattant victorieux à ce jour.

Francesca voit les phalanges de Gina blanchir autour du volant. Elle sent sa colère, mais ne l'interrompt pas. Le temps de l'apaisement n'est pas venu.

— Il prenait soin de moi et de mon petit frère, Roberto, qui nous avait rejoint dans la rue quelques années après notre propre fugue. Dante voulait éviter que je finisse comme toutes les filles comme moi : droguée et prostituée. Nous savions tous les trois que tant qu'il serait sous la protection des maîtres de l'Arène, il ne m'arriverait rien. C'était un enjeu du deal qu'il avait accepté.

— Vous étiez ensemble ? Je veux dire, amants ? demande vivement Alice qui s'est accoudée entre les deux fauteuils.

— Jalouse ? questionne Gina avec un petit sourire. Tu ne devrais pas. C'était une vie merdique, même si on s'en contentait. Alors oui, on a couché ensemble. Une fois. J'avais 17 ans, lui 15. Ça n'a rien donné de probant. Alors on est passé à autre chose. On s'est contenté d'être comme frère et sœur. En plus, c'était moins compliqué à gérer. Et pour ta gouverne, il a commencé très tôt à fréquenter des filles. Bien avant moi. C'était un moyen de faire passer la violence des combats.

— Pourquoi as-tu appelé Vittorio ? Et comment as-tu appris son existence ? demande alors Francesca.

— Un soir, Dante est rentré en sang, à moitié mort d'un combat. Ce soir-là, j'ai su qu'il fallait que ça s'arrête. Les maîtres de l'Arène ne sont pas des bienfaiteurs. Ils exploitaient Dante tant qu'il pouvait tenir debout. Ils profitaient de sa rage. Mais la rage ne fait pas tout. Surtout quand le type en face fait 120 kilos de muscle. Je suis allée chez les Lombardi et j'ai essayé de les amadouer. Je voulais qu'ils s'occupent de lui. Je voulais que Dante retrouve une vie normale. Je voulais le meilleur, parce que lui ne l'espérait plus. Pire, il pensait ne rien mériter d'autre que cette vie minable et brutale. Il ne voyait que l'abandon et le mépris. Il ne se souvenait plus de l'amour et de la joie. Je voulais qu'il retrouve ce qu'il avait perdu.

— Et ?

— les Lombardi m'ont ri au nez. La vieille m'a même dit qu'elle ne voyait pas de qui je parlais. J'étais effondrée. Impuissante. Ils m'ont jetée dehors non sans m'avoir donné toutefois une boite contenant les seules traces de l'existence de Salva et de son fils. J'ai erré un long moment pour finir sur le front de mer. Je me souviens qu'il y avait du vent et que j'avais peur qu'en ouvrant la boite, tout ce qu'elle contenait s'envole. Ça n'avait pas l'air de peser bien lourd. Et en effet, ça ne pesait rien. Deux photos. Un collier. Quelques lettres. Elles provenaient toutes d'un certain Vittorio de Luca. J'ai commencé à les lire et j'ai compris que si quelqu'un pouvait faire quelque chose, ce serait lui. J'ai écrit. La suite, tu la connais.

— Pas vraiment. Je sais qu'il est entré dans le clan et qu'il a été dressé pour faire les basses besognes.

— Les basses besognes ?! Tu es vraiment une petite privilégiée, toi ! Dante a fait ce qu'on lui demandait. Dante a obéi à l'homme qui lui offrait une vraie vie et du respect. Du vrai respect. Vittorio de Luca l'a toujours bien traité et il lui a donné plus que qui que ce soit dans sa vie.

— Mais il l'a trahi, lâche Alice d'un ton sinistre.

— Pourquoi dis-tu ça ? Il ne l'a pas trahi. Il a juste caché quelque chose.

— Ça te paraît pas important ?

— Si. Bien sûr. Mais Dante aurait dû être capable de supporter la nouvelle sans colère. Il y a eu autre chose, finit-elle en jetant un œil dans le rétroviseur et en fixant ses yeux sur Alice.

L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant