60/ Avoir soif de vengeance

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Dante est assis sur un banc dans une pièce aussi froide que sombre et humide. Un type qui se dit soigneur, lui change ses bandages. Il ne s'occupe pas de la lèvre qui saigne de nouveau, ni de l'arcade sourcilière qui en a pris un coup. De toute façon, le cycle de combats n'est pas terminé. Si le champion s'en sort en vie, il verra ce qu'il peut faire pour ses blessures. Inutile de gaspiller des produits pour le moment.

La porte de la pièce s'ouvre. Un petit homme entre avec un sourire mielleux aux lèvres. La cinquantaine bien avancée, costume impeccable, des tatouages qui montent le long du cou, Angelo Spatallone est l'un des maîtres de l'Arène. Ils sont trois au total. Trois gars qui trempent dans toutes sortes de trafics et qui tiennent cet endroit d'une main de fer. C'est leur œuvre. Leur jouet. Ils définissent les règles. Comme les empereurs romains en leur temps, ils choisissent qui peut vivre et mourir à l'issue des combats.

— Bien joué, furioso. Tu n'as pas perdu la main. J'irais même jusqu'à dire que ces dernières années aux ordres du vieux de Luca t'ont été profitables... Je vais devoir te trouver des adversaires à ta mesure...

— Ça ne va pas se faire, Spatallone, dit alors une voix masculine depuis la porte restée ouverte.

Dante relève la tête. Ses poings se sont serrés instinctivement. Il est prêt à massacrer de nouveau. Spatallone sourit avant de lancer :

— Vittorio de Luca en personne ! Quel honneur !

Luigi, Renzo et Ettore encadrent le patriarche. Mais qu'importe, Dante ne voit que Vittorio. Un mauvais sourire s'étire sur ses lèvres.

— Vous n'auriez pas dû venir.

— Bien sûr que si, mon garçon. Il faut bien que je te sorte de là. Encore.

— Non.

— Dante. Tu ne peux pas tomber de nouveau.

— Tomber de nouveau ? Je ne suis pas tombé ! Je suis descendu et je n'entends pas remonter. En fait, je pense même que je n'aurais jamais dû sortir d'ici. Je n'aurai jamais dû vous suivre. Vous n'êtes qu'un menteur parmi la multitude. Un de plus. Ici, on ne m'a jamais menti. La loi du sang n'autorise pas le mensonge.

Vittorio s'avance encore.

— Je ne t'ai pas menti.

— Vraiment ? Oh ! C'est vrai vous n'avez jamais dit que je n'étais pas de votre lignée. Vous n'avez rien dit du tout. Vous m'avez maintenu dans l'ignorance en me faisant croire à votre grande générosité. Vous vous êtes donné le rôle du bienfaiteur, de l'homme au grand cœur qui sauve un pauvre gosse perdu. Mais je n'étais pas perdu ! J'avais juste choisi un chemin que vous ne tolériez pas !

— Tu marchais vers la mort.

— Et alors !? Et alors !? La mort nous fauche tous un jour. Elle a pris Salva sans que vous réagissiez ! Alors pourquoi ma mort aurait-elle de l'importance ! s'écrie Dante en se dressant face à Vittorio.

Il est plus grand que le patriarche. Plus fort aussi. Pourtant Vittorio de Luca ne bronche pas. Il a appris à maîtriser les grands fauves, les prédateurs. L'une des premières règles est de ne pas montrer sa peur.

La seconde est de s'affirmer en tant que dominant. Il regarde Dante droit dans les yeux et le gifle avec vigueur.

La tête de Dante encaisse le coup. Puis son regard revient se fixer sur le patriarche.

— Je me demande qui se préoccupera de la vôtre, de mort, susurre-t-il avant de se jeter sur celui qui cristallise toute sa haine.


L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant