25/ Les espoirs de l'héritière

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Francesca ne dit rien. Elle fixe la porte qui s'est refermée brutalement. Elle accepte. C'est de sa faute si Lombardi est furieux. Elle va devoir discuter avec lui pour lui faire comprendre qu'elle fait ça pour elle. Même si c'est un peu un mensonge. Elle fait aussi ça un peu contre lui ? Pour lui ? Elle ne sait pas trop.

Quand Francesca a évoqué Alice Baggersmith pendant leur discussion, son grand-père n'a rien voulu savoir la concernant. Il s'était même mis en colère quand il avait entendu son nom. Ce qui indique qu'il en avait déjà entendu parler. Qu'avait bien pu dire Lombardi à propos de l'anglaise ? A-t-il conscience de ce lien que la jeune femme tente de tisser entre eux ? Francesca n'a pas insisté de peur de provoquer une réaction fâcheuse de la part de son grand-père. Et par fâcheuse, elle entend bien sûr, une disparition spontanée de son amie.

Parce qu'elle a beau se dire que la conversation qu'elle a eue avec lui ressemblait fort à une conversation tout à fait normale entre un grand-père ambitieux et sa petite-fille prometteuse, elle ne doit pas oublier ce qu'il est, et de quoi est probablement capable sa famille. Elle n'a aucune preuve de malversations ou d'actes de violence quelconque, mais elle a l'intuition que certains obstacles ne sont pas éliminés de manière conventionnelle et légale. Comme elle soupçonne que certaines affaires n'ont rien de licites. Elle s'occupera de ça en temps voulu. Pour le moment, elle doit accéder au niveau supérieur. Et le passage de ce niveau implique d'arriver à satisfaire son grand-père, accompagnée de Dante Lombardi.

Vittorio lui avait remis un dossier sur lui pour qu'elle arrive à mieux le cerner. Pour qu'elle parvienne à établir un lien. Il a insisté sur le lien en question en la fixant dans les yeux. Pour le moment, elle n'a parcouru que les premiers feuillets qui concernent la mort d'un garçon nommé Silvio. Elle ne voit donc pas encore ce que sous-entend son grand-père. Mais elle comprendra sans doute plus tard. Vittorio de Luca ne fait jamais rien par hasard.

L'existence même de ce dossier est une preuve que quelque chose existe de suffisamment important sur Lombardi pour éveiller une certaine curiosité. Notamment concernant le lien qui l'unie à Vittorio. Lien aussi mystérieux qu'étrange selon elle.

Quoiqu'il en soit, et malgré ce dossier, Francesca se sent en porte-à-faux vis à vis de Dante. Il est au fait de tant de choses qu'elle n'a, pour l'instant, qu'effleurées. Il a été un homme de confiance de son grand-père, et bien qu'il n'ait que trois ans de plus qu'elle, il paraît être beaucoup plus adulte. Elle sait que Dante a l'habitude de faire peur, d'imposer son autorité par sa seule présence ou par ses poings. Et surtout, il a l'habitude de côtoyer des hommes comme lui. Le rapport de force ne l'effraye pas. La situation dans laquelle le place Vittorio et Francesca, lui impose une configuration sociale à laquelle il n'est pas familier. Il n'a pas l'habitude de la légèreté. Il a oublié.

Francesca a donc décidé de lui rappeler. Pour le mettre à sa hauteur. Pour rééquilibrer le rapport qu'ils vont devoir développer, et composer une toute nouvelle partition avec lui. En premier lieu, elle le met à portée de ce qui pourrait devenir une faiblesse, lui qui ne paraît en avoir aucune. Pas qu'elle le veuille moins efficace. Elle le veut plus humain. Elle veut lui rappeler que la vie n'est pas seulement obéir au clan. Elle va donc lui imposer ses amis étrangers, et Alice Baggersmith. Alice, la seule femme à ne pas avoir peur de lui. La seule capable d'ébranler ses certitudes. La seule capable de le changer ? Elle prend le pari, même si elle tremble pour son amie.

Son amie.

Quand elles se sont vues, seules, à l'aube, l'italienne a compris que son cœur ne serait pas dévoré par ses sentiments non partagés, car son attirance pour Alice ne prend pas racine dans une passion amoureuse incontrôlable. Il est autre. Il est plus complet. Plus entier. Ce qu'Alice ressent pour Lombardi est incompréhensible pour Francesca, mais trop puissant pour qu'elle envisage même de le contrer. Contrairement à ce qu'elle a dit, c'est elle qui ne fait pas le poids.

Quant à Dante, vu sa réaction, pour le moment, il pense pouvoir gérer. Il songe sans doute que le problème « Alice Baggersmith » est temporaire puisqu'elle est en séjour d'étude. Il n'a pas encore conscience des « guai » dans lesquelles il se trouve. Et ce d'autant plus qu'il ne sait pas encore tout de ce que veut faire Francesca. Tout ce qu'elle a prévu. Car elle entend bien convaincre Alice de rester près d'elle à la fin de l'année scolaire.

Elle a compris que l'anglaise pouvait devenir bien plus qu'une amie étrangère, dont le lien amical se distendrait avec le temps. Alice est intelligente et excelle dans son domaine d'étude. Avec les nouvelles perspectives qui s'ouvrent à Francesca, un tel atout à ses côtés pourrait faire la différence. Elle en a conscience. Tout comme elle sait qu'il va lui falloir trouver d'autres personnes de confiance durant les mois, les années à venir. Comme Vittorio, elle doit affermir sa base pour parvenir à affronter la tempête quand elle s'abattra sur elle. C'est à dire, quand son grand-père imposera sa dernière volonté en la désignant comme héritière de l'entreprise de Luca.

Alors Dante Lombardi va devoir s'adapter. Et elle aussi.

L'obstination d'Alice BaggersmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant