Chapitre 47 - Matthias

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Je crois bien que c'est la première fois de ma vie que je n'ai pas aimé aller dans mes somptueux jardins. La présence de ces majestés m'a tendu au plus haut point. Non seulement parce que je ne les aime pas, mais aussi parce que la reine n'a pas arrêté de se plaindre. " Oh, ces roses ne sont pas belles. Oh, il y a des feuilles qui traînent partout sur le sol, ce n'est pas joli. Oh, il fait bien trop froid ici... " 

Oh seigneur, pourquoi me faire souffrir autant ? 

Mais finalement, c'est grâce aux plaintes de la reine que j'ai pu me libérer d'eux. Elle n'a point cesser de se plaindre du froid et c'est donc ainsi, qu'à la moitié du parcours, elle s'est décidée à rentrer dans l'enceinte du château, agrippant en même temps les bras de son époux, le forçant à rentrer, lui aussi. 

Me laissant finalement seul dans les jardins, j'arrive à prendre un peu de temps pour souffler. Ces derniers jours ont été catastrophiques et épuisants. Je n'ai pas eu le temps de me poser un peu et de réfléchir. Même si la présence des majestés m'a brouillé le cerveau, j'arrive quand même à me détendre et profiter de l'air floral des jardins. Ils sont toujours aussi somptueux. Même si l'hiver approche à très grands pas, les jardins n'en restent pas moins fleuris. En cette fin d'automne, quelques fleurs ont encore la force de survivre et je me rends alors compte que dans très peu de temps, la neige commencera à tomber sur le royaume d'Éronde. Cette idée me redonne le sourire. La neige. Comme ma mère, j'aime tellement ça. Même s'il fait froid à en mourir, j'arrive toujours à apprécier ces petits flocons qui tombent. Petit, j'adorais courir dans la neige et faire des bonhommes de neige. À chaque nouvelle neige, ma mère venait me réveiller tôt le matin et nous courions dans la cour royale, pour se battre avec des boules-de-neige ou simplement pour profiter des perles blanches flottantes dans le ciel. 

C'étaient ces moments-là qui me rendaient le plus heureux. J'aimais jouer et courir avec ma mère. Je sais qu'à chaque fois que l'on sortait pour s'amuser, mon père était toujours là pour nous observer. Jamais très loin de nous, il regardait ce que nous faisions, même si je suis sûr que c'est surtout ma mère qu'il regardait. Ces deux êtres s'aimaient à en mourir. Ils ne passaient pas un jour sans qu'un deux ne vienne embêter l'autre. J'aimais voir ça, et même si au début, ça me gênait de les voir s'aimer aussi facilement, j'espérais intérieurement pouvoir vivre ça un jour. Ma mère me disait toujours qu'un jour, une femme m'aimerait et me suivrait partout où j'irai. Même après sa mort, j'y croyais toujours. Parce que je voyais mon père essayé de vivre sans elle et je comprenais qu'il existerait certainement quelqu'un pour m'aimer autant. Mais après leurs morts, j'ai arrêté de croire en cette magie. Je suis devenu cet homme que tout le monde déteste. Et pourtant, il y a Praline. Je sais que ça fait moins de cinq mois qu'elle est dans mon château et malgré tout, j'ai l'impression qu'elle me change. Elle me rend meilleur et j'aime ça. Parfois, en restant simplement avec elle, j'ai le sentiment de vivre exactement ce que vivaient mes parents. J'ai toujours cette impression que quoi qu'il arrive, Praline sera toujours à mes côtés, comme l'avait dit mère. Elle avait raison. Elle est là, la femme qui m'aimera et me suivra partout où j'irai. Elle est là, ma Praline. 

Dans un élan de courage et parce que le froid me mord atrocement la peau, je rentre dans mon château et me dirige vers le seul endroit où je dois être. Il n'est pas trop tard. Même si le plan n'a pas marché au début, je sais que j'ai encore de l'espoir et je n'abandonnerais pas. Mon cœur bat vite et sans m'en rendre compte, mes pas accélèrent. Arrivé devant sa grande porte, je souffle et frappe doucement dessus. Pas de bruits. Je refrappe et attends patiemment, mais toujours aucun bruit ne m'autorise à entrer. Agacé, je souffle et repars en direction de mes appartements. Lentement, je fais demi-tour et longe les murs de mon château. 

Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant