Chapitre 79 - Praline

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Le temps passe lentement et je me sens plus vide que jamais. Même si revoir ma famille me fait du bien, je passe mes journées à m'occuper de toutes les tâches ménagères, à gérer les plus jeunes et à m'occuper des malades. Mon père passe ses journées dehors, à essayer de trouver la moindre nourriture à nous mettre sous la dent. 

Les journées sont dures et épuisantes. Je n'arrive pas à suivre la cadence et j'en viens parfois, le soir, à regretter mes journées auprès de Matthias. Même si Élizabeth et Lücas me donnaient du fil à retordre, je me sentais plus libre et je savais que je pouvais toujours compter sur Mirela ou  Matthias pour me protéger. 

Les soirs sont toujours les pires moments. Au moins les journées, avec toutes mes occupations, je ne pense plus à Matthias, mais quand vient le soir et que je me retrouve seule, j'en viens à me rappeler chaque souvenir que j'ai de lui. Et c'est toujours à ces moments-là que je craque. Je ne peux m'y résoudre et les larmes finissent par couler toutes seules. Mon cœur se brise constamment et je suis presque sûre de l'entendre se briser. J'essaye de me faire la plus discrète possible pour ne pas éveiller les soupçons, mais c'est dur. Parfois, je laisse échapper un ou deux sanglots et je prie pour que ça ne réveille personne. Je ne sais pas comment je réagirais si je devais expliquer la raison de mes larmes. 

Pour l'instant, j'ai réussi à éviter toutes les questions que l'on m'a posées depuis que je suis revenue à la maison. Le plus dur, c'est d'expliquer aux enfants pourquoi je suis revenue. Comment leur expliquer simplement que je suis revenue pour m'occuper d'eux, alors que toute mon âme et mon cœur sont emprisonnés et appartiennent à mon roi ?  

Comment puis-je avancer dans la vie quand ils me questionnent constamment sur ma vie au château ? 

" Comment était-ce là-bas ? Dis-nous en détail ! Comment est le roi ? "

" Je ne sais pas ! Je veux juste oublier. Laissez-moi tranquille ! "

Parfois, j'arrive à souffler cinq minutes, mais tout de suite, c'est à lui que je pense. Je me demande toujours s'il pense à moi ? S'il est en colère, ou bien même s'il me déteste. Je ne suis pas grand-chose dans sa vie, mais à notre dernière discussion, il m'a dit que j'étais importante pour lui, alors j'imagine que mon absence a dû le bouleverser. Ou alors, je me trompe royalement et il m'a déjà oublié. 

De temps en temps, quand je prends la peine de me poser cinq minutes, je regarde la vie de ma famille continuée de bouger et parfois, quand je m'attarde un peu trop sur mes jeunes frères et sœurs, c'est Mirela que je vois. Je la revois à travers leur sourire enfantin et innocent. Évidemment, ça me déchire encore plus le cœur, alors je feins d'être heureuse et continue de m'occuper d'eux. 

- " Ma chérie ? " 

Je me sens toujours étrange quand je regarde autour de moi. Cette demeure que j'ai quittée il y a six mois, je la retrouve, dans le même état, comme si rien n'avait changé depuis mon départ. Comme si... Je n'avais jamais existé. Comme si ma place a toujours été au château. J'ai du mal à me sentir chez moi, même si je sais que je suis en grande partie responsable de la création de cette maison. Plus jeune, j'ai beaucoup aidé ma famille à construire les murs, déplacer les meubles, labourer les champs. Je ne sais pas combien de temps j'ai consacré à tout cela. Peut-être toute ma vie ? 

- " Mon enfant... ? " 

Les murs sont troués et ne tiennent que par la grâce de Dieu. Les meubles, eux, je ne sais pas comment ils survivent. Les insectes les ont dévorés jusqu'à la moelle. La structure du buffet peine à tenir et je crains toujours qu'une feuille de trop suffise à la renverser. Nous n'avons jamais pris la peine de peindre les murs. À quoi bon, de toute façon ? Nous savions très bien que ça ne tiendrait pas et puis, nous n'avions certainement pas les moyens de nous offrir la peinture. 

- " Praline ? " 

- " Qu-quoi ? " 

La douce voix de ma mère me sort de ma rêverie. Elle se tient devant moi, la main tendue et me caresse la joue. Du pouce, elle essuie la larme qui me glisse discrètement sur la joue. Je ne l'ai même pas sentie couler et je n'imagine même pas le nombre de larmes qui m'ont trahi. 

- " Maman, ne reste pas debout. Va t'allonger. "

Malgré la douleur, elle continue de me sourire, comme si le monde allait parfaitement bien. Ce sourire seul à le don de me rendre heureuse en ce moment. C'est pour ce sourire que je suis revenue ici. 

- " Ma chérie, qu'est-ce qui te rend si triste ? " 

Sa voix inquiète me brise le cœur. Comment pourrais-je lui dire ? 

" J'ai lâché l'homme que j'aime pour venir vous aider, mais je me sens brisée à chaque seconde qui passe ?  "

Autant me jeter dans la gueule du loup tout de suite. Personne ne pourrait comprendre et ils se moqueraient certainement de moi. " Un amour impossible. " 

- " Ce n'est rien, maman. Je... Je suis juste un peu fatiguée. As-tu besoin de quelque chose ? Je vais te l'apporter au lit. " 

- " Je n'ai besoin de rien, sauf de t'entendre me parler. Je sens que ton cœur n'a pas sa place ici. Où est-il ? " 

- " ... " 

- " Ou, à QUI est-il ? " 

Évidemment, elle l'a deviné. Un petit sourire triste s'installe sur mon visage, mais ce sont mes yeux qui me trahissent. J'éclate en sanglots, parce que de toute façon, elle le sait et que je suis fatiguée de me cacher. Je n'ai pas envie d'en parler, seulement d'arrêter de le cacher et elle le comprend. Elle me tend ses bras fragiles et je m'y engouffre comme si le monde ne se limitait qu'à ça. Elle caresse mes longs cheveux, tandis que je pleure, sans me soucier de rien. Je tremble, je bave, je redeviens un petit-enfant qui a un bobo. Mais cette fois, pas même un bisou magique ne pourra m'aider. 

- " Je ne sais pas quelle est l'étendue de ta souffrance, ma chérie, mais je te promets de t'aider à le réduire, comme je le peux. " 

Elle continue de jouer dans mes cheveux, en me chuchotant des mots rassurants. 

- " Tes cheveux ont bien poussé depuis la dernière fois. Laisse-moi les coiffer un peu, tu veux bien ? " 

Je me redresse, essuie la morve et les larmes qui ont coulé et hoche la tête. J'adore quand on joue dans mes cheveux, ça m'endort immédiatement. On se dirige lentement vers le lit de ma mère et pendant qu'elle s'y assit, je pars chercher un peigne et... des ciseaux. Pourquoi pas ? Après tout, j'ai besoin de me rafraîchir. 

Je tends la paire de ciseaux à ma mère qui les observe et m'observe à son tour. 

- " Tu en es sûre ? " 

Pour réponse, je m'accroupis au pied du lit et me cale entre les jambes de ma mère. Même si elle a perdu énormément de poids, ma mère est la plus belle de toutes les femmes et sa coiffure m'a toujours rendue jalouse de sa beauté. Aussi longtemps que je m'en souvienne, elle a toujours arboré fièrement sa coupe au carré et je me suis toujours demandé si je serais aussi belle qu'elle en grandissant. Puis, les années ont commencé à devenir un calvaire pour la famille et j'ai abandonné l'idée de prendre soin de moi. L'idée d'être belle était tellement loin pour moi. 

- " Si tu es sûre, alors j'y vais. Jusqu'où je coupe ? " 

Du bout des doigts, je lui montre où et d'un seul coup de ciseaux, elle coupe une moitié de mes cheveux. Sur mon dos, je sens les bouts morts glissés sur le sol. 

- " Ça y est, plus de retour en arrière. " 

Elle rigole et je souris. Elle a raison, plus de retour en arrière. Il ne faut plus regretter maintenant. Il faut juste... accepter et continuer. Mes cheveux vont faire leur vie et je ferais la mienne. 


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Hellow ! Juste à titre informatif, on est plus ou moins au trois quart de l'histoire... Gné :( Ça passe trop vite à mon goût :(((

Luv, 

May.

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Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant