Chapitre 97 - Matthias

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- " Entrez. "

La porte s'ouvre délicatement et le visage de mon frère apparaît à travers l'ouverture. Je ne mentirais pas en disant que je suis déçu de le voir. Ce n'est pas lui que j'imaginais quand des coups ont résonnés contre la porte de mon bureau. 

- " Lücas. Je ne m'attendais pas à te voir ici. Que me vaut cette visite ? " 

- " Est-ce vrai ? " 

Je sais de quoi il parle. Je ne veux juste pas que ça vienne de moi. 

- " Qu'est-ce qui est vrai ? " 

- " Ne fais pas semblant, Matthias. Tu sais très bien de quoi je parle. " 

Je secoue la tête en guise de réponse. Je le sens s'énerver un peu, serrer les poings, mais finalement les relâcher. 

- " Élizabeth. "

- " Et bien ? Que veux-tu savoir qu'elle ne t'a pas déjà dit ? " 

- " Le roi est vraiment en route ? " 

- " Oui. " 

- " Alors, c'est réel. Elle va vraiment partir. " 

- " En effet. "

- " Je... Je ne sais pas quoi en penser. " 

- " J'imagine que la vie sera plus dure sans ta jumelle. Je suis navré de t'enlever ta sœur, mais tu dois comprendre que ce n'est pas une décision que j'ai prise à la légère. "

- " Hum... " 

Certainement que Lücas va me détester pour ça, mais je n'ai plus le temps de me préoccuper de ceux qui me repoussent. Je vais aller de l'avant pour ceux qui m'aiment réellement. Et je sais que dans cette vie - aussi misérable soit elle - une personne m'aura vraiment aimé. Et cette personne m'attend dans mon lit. 

Je replace mes papiers et me redresse de ma chaise. Lücas continue de m'observer, tandis que je m'apprête à passer à ses côtés et rejoindre ma paysanne. 

- " Je ne t'en veux pas, de me séparer d'Élizabeth. J'aurais juste aimé que tu m'en parles. " 

Je m'arrête et me retourne pour lui faire face. Son visage est marqué par la fatigue et la tristesse. 

- " Je n'aurais jamais pu t'en parler. Nous n'avons jamais parlé, toi et moi. Et encore moins quand il s'agit de notre sœur. Vous êtes liés par un lien que je ne pourrais jamais comprendre, mais, toi qui es si proche d'elle, tu devrais comprendre mieux que quiconque qu'elle ne nous faisait pas que du bien. Je sais que tu le savais. Maintenant, il faut savoir avancer. Je ne peux plus me résoudre à laisser passer ses accès de colère et de rage, sinon, elle détruira tout sur son passage. "

- " Je sais comment elle est. Je n'ai jamais dit que je validais ses faits. Je voulais juste ne pas être écarté de tout cela. Malgré tout ce qu'elle a pu nous faire, elle est la seule qui a été là pour moi. Toi, tu n'as jamais pris la peine de savoir comment j'allais. À la mort de nos parents, tu m'as délaissé et j'ai été obligé de supporter Élizabeth. Tu ne t'es jamais retourné derrière toi pour savoir si on suivait, ou si on tenait le coup. C'est ce qu'Élizabeth t'a toujours reproché. Elle n'est pas mauvaise, mais incomprise. "

- " Vraiment ? Lücas ? Crois-tu vraiment que je ne me suis jamais préoccupé de vous ? Crois-tu réellement que je suis le monstre que tu décris ? Ne crois-tu pas que j'ai, moi aussi, souffert de la mort des parents ? J'ai tout perdu ce jour-là. J'ai perdu ma famille entière. Je savais bien que je vous perdrais, mais je n'ai pas eu le choix. On m'a forcé au trône, avant même que je ne connaisse le vrai métier de roi. On m'a poussé au plus bas et on m'a utilisé. Tout cela, pour avoir mon pouvoir. Je me suis battu pour nous sauver de tout ça. Je me suis forcé pour continuer de nous offrir cette vie de roi. Crois-tu que tu aurais encore droit à tous ces privilèges si quelqu'un d'autre avait pris ma place ? J'ai choisi de vous perdre, plutôt que de vous voir tous au fond du trou. Alors, pardonne-moi de ne pas m'être retourné, ne serait-ce qu'une seule fois. Pardonne-moi d'avoir choisi votre bonheur, plutôt que le mien. "

- " Matthias... " 

- " Je ne veux pas que tu croies que je suis un monstre. Je n'ai pas eu le droit à un choix, comme vous tous. Vous avez le droit de partir, d'être heureux loin de tout cela. Mais vous avez choisi de rester, alors, apprenez à vivre selon mes règles. Je ne veux plus entendre que tu es malheureux, ici. "

Il continue de me fixer. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête, mais je n'ai plus la force de me battre pour qu'on me comprenne. J'ai juste envie de me loger dans les bras de ma femme et de ne penser qu'à elle. Seule, elle, pourra me réconforter. 

Je m'avance finalement, jugeant que la conversation s'arrêtera là, mais à la dernière seconde, je m'arrête. Sans me retourner, j'interpelle une dernière fois mon frère, car malgré tout, je lui dois bien des remerciements. 

- " Merci, petit frère. " 

Dans le silence, je l'entends se retourner dans ma direction. Dos à lui, je ne cherche pas à scruter ses émotions. 

- " Merci d'avoir ramené Praline à la maison. "

Je n'attends pas sa réponse et longe les couloirs qui me mènent aux bras de ma douce. Comme je le pensais, elle m'attend, assise devant les fenêtres de ma chambre. Elle me tourne le dos, mais dès qu'elle m'entend, elle se relève et court se jeter sur moi. Ses bras s'enroulent autour de mon cou et sa tête se loge sur mon torse. Je berce son corps contre le mien et souffle de soulagement. Sa présence arrive toujours à me calmer. 

- " Qu'est-ce qui t'a fait arriver en retard ? " 

- " Rien... Ne t'inquiète pas. Tout est réglé, maintenant. " 

" Tu es sûr ? Tu as l'air triste. " 

- " Ce n'est rien. Juste une discussion un peu houleuse avec mon frère, mais c'est terminé. Je ne veux plus y penser. Je veux juste profiter de toi. " 

- " D'accord, alors. Allons dans le lit ! " 

Elle redescend et se jette immédiatement sur mon lit. Elle se mêle à mes draps et m'invite à m'y installer à mon tour. 

Alors que je m'allonge, elle se cale contre moi et pose sa main sur mon torse. Elle s'amuse à jouer avec ma chemise et la chaleur qui se dégage d'elle, finit par me détendre et petit à petit, je sens le sommeil me rattraper. Elle continue de me bercer, tandis que je sombre lentement vers une nuit mouvementée. 



Luv, 

May.


Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant