Chapitre 64 - Matthias

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Le temps passe si lentement. Quelle sorte de sorcellerie est-ce ? Me voilà, assis sur mon trône, depuis plus de deux heures, attendant le verdict final. Seront-ils bientôt là ? Seront-ils la solution au problème de Praline ?

Depuis maintenant plus de deux heures, le garde s'est envolé vers les contrées boueuses du royaume d'Éronde. Ça ne devrait pas prendre plus d'une heure de rejoindre le village de ma tendre et douce paysanne. Le plus dur sera de trouver sa famille. Praline m'a déjà dit qu'elle habitait proche d'une école. Il ne doit pas y en avoir des centaines quand même.

Je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Mon cerveau tournait dans tous les sens, à ce demander comment ça allait se passer. Comment réagiront la famille de Praline ? Et les retrouvailles, comment ça va se passer ? Ils verront que je n'ai pas pris soin de leur fille. Ils me haïront encore plus que ça ne l'est déjà. La dernière fois qu'ils ont vu Praline, elle vivait encore, mais était frêle. Je l'avais condamné à une vie de souffrance et c'est finalement arrivé. Un violent frisson de dégoût s'empare de moi et s'en est trop. Je me relève brusquement de mon siège, sentant mon cœur me lâcher. Il faut que je me dégourdisse les jambes.

Je me ressaisis et commence une inspection profonde de chaque recoin du château. La salle du trône est véritablement la plus belle salle du château. Tout brille de mille feux. Je sais que les domestiques ont fait un travail exemplaire et ça me ravit. Mon cœur continue de battre la chamade et je sens une envie de vomir. Mes intestins se nouent et mes jambes tremblent. Je ne tiens plus en place et quand j'ai finalement espoir d'entendre la porte s'ouvrir, je remarque que ce n'est que Mirela, qui s'est visiblement levée plus tôt.

- " Matthias, calme-toi. Ils vont bientôt arriver. Tout va bien se passer. "

Malgré ces mots réconfortants, mon cœur continue de vouloir se faire la malle. Je me mords la joue de l'intérieur et croise mes doigts si fort que mes jointures virent au blanc. Je souffle du mieux que je peux pour faire évacuer l'angoisse et alors que je pensais m'évanouir, les portes s'ouvrent de nouveau, mais cette fois, deux gardes s'avancent, accompagnés par une personne que j'ai du mal à reconnaître et une autre, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à mon aimée.

Mon souffle se coupe et je bouillonne sur place. Les gardes se détachent devant moi et j'ai en face de moi, le père de Praline et un petit garçon qui se tient tranquillement sur place. Les deux personnes s'avancent vers moi et le père de Praline se courbe devant moi, lentement et intime au plus jeune de faire pareil. Je me sens mal de les voir faire une révérence, alors je m'approche d'eux, délicatement pour ne pas leurs faire peur.

Je toussote un peu, mais rien ne sort de ma bouche. Je reste tétanisé devant eux. Le père de Praline se redresse et ses yeux viennent croiser les miens. Dans ses yeux, je suis capable de lire toute la tendresse du monde, mais aussi la douleur et la fatigue. Il doit certainement porter toute la douleur du monde sur ses frêles épaules. Pendant ce court instant où personne ne se parle, j'ose détailler l'homme qui se tient devant moi.

Ses cheveux gris reflètent une longue vie derrière lui. Ses vêtements ne sont pas très propres, mais j'imagine sans peine que c'est ce qu'il a de plus soigné. Il se tient un peu courbé en avant, preuve qu'il a longtemps soulevé des choses sur son dos. Ses yeux sont intensément bleus et malgré la fatigue, je m'y perds facilement. Je retrouve le même petit nez en trompette que ma paysanne et un petit détail me donne le sourire. Il a la même façon que Praline de baisser la tête. Je prends mon courage à deux mains et m'apprête à faire une présentation digne de ce nom que je me répète en boucle depuis hier, quand une masse chevelue me coupe la parole, passe à toute vitesse à côté de moi et vient se jeter dans les bras du vieil homme.

Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant