Chapitre 60 - Lücas

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Je ne comprends rien. Je ne comprends plus rien. 

Qu'est-ce qu'il se passe dans ma tête ? Qu'est-ce qu'il se passe dans ma vie ? 

Quelles sont ces sensations bizarres qui me rongent de l'intérieur ? Pourquoi elles émergent ? Pourquoi maintenant ? Pas après tout ça. Pas après tout ce que j'ai pu faire, ce n'est pas possible. 

Mon cerveau surchauffe et je me noie dans tout ça. Je ne sais même pas comment réagir devant ce qu'il se passe. Je vois mon monde changer et je suis incapable d'y mettre un terme. Je ne suis même pas capable de donner un vrai sens à ça. 

Qu'est-ce que c'est que "ça" ? 

Pourquoi je doute, pourquoi mes actions se limitent alors que j'ai le pouvoir entre mes mains ? Pourquoi "ça" m'empêche d'avancer, m'empêche d'être sûr de moi. 

Pourquoi il me bloque dans mon lit depuis plusieurs semaines ? Depuis exactement un mois et presque deux semaines, je suis dans un état second, comme elle. Elle qui attend sagement qu'on la libère de son sommeil éternel, elle qui semble vouloir prolonger cette éternité de souffrance. Ne voit-elle point à quel point les gens souffrent autour d'elle ? Ne voit-elle point à quel point je la déteste pour ce qu'elle nous fait ressentir ? Me fait ressentir ? 

Ne peut-elle pas comprendre que depuis son plongeon dans le néant, moi, je me bats pour essayer de rester à la surface ? Je ne comprends plus rien. Tout tourne autour de lui. Autour d'elle et de lui. Pauvres amants qu'on essaye désespérément de séparer. Pauvres personnages au dénouement triste. Mais on le sait très bien. On connaît très bien la fin de cette histoire. Tout le monde le sait. À la fin, les personnages sont heureux. À la fin, ils sont amoureux, plus que jamais. À la fin de cette histoire, il n'y a que lui qui souffrira. Lui, ce personnage secondaire qui, depuis le début, souffre, mais le cache du monde entier. 

Parce que oui, le voilà le problème. Nous sommes dans un conte de fées et les personnages principaux, ce sont eux. Matthias, mon cher frère. Ce pauvre roi démuni, haït de son peuple, mais malgré tout, aimé par cette seule personne qu'il a enlevé à sa famille. Et elle, cette pauvre paysanne, qui a eu le malheur - ou peut-être la chance - d'avoir voler ce petit bout de pain, un soir d'été. Qu'est-ce qu'on leur offre à eux, pour qu'ils soient autant heureux ? 

Et moi ? Facile à deviner. Je suis le personnage secondaire. Ce personnage qui se bat en arrière-plan pour sauver les petites fesses des personnages principaux, pour leur permettre de vivre leur amour compromis. Que faut-il comprendre de tout ça ? Il faut comprendre que nous, les personnages d'arrière-plan, nous sommes voués à un malheur constant. Nous sommes des moins-que-rien. A-t-on déjà vu un conte de fées avec un personnage secondaire heureux ? Non. 

Pourtant, il en existe au moins un. Du moins, il va en exister au moins un. Je ne suis peut-être pas mon frère, mais j'ai au moins une chose que lui n'a pas. J'ai le droit. J'ai le droit d'aimer. J'ai le droit d'être heureux. Je ne suis pas roi, pas encore. Alors, j'ai encore le droit. J'ai le droit de l'aimer, autant que lui. J'ai le droit de l'aimer bien plus que lui et de lui apporter ce que lui, n'apportera jamais. 

Je peux l'aimer inconditionnellement, sans restrictions et sans peur. Quoi de mieux que d'être secondaire dans la vie, quand on n'est pas obligé de respecter les règles de bienséances. Je n'ai aucun compte à rendre, à personnes. Et encore moins à un peuple qui va me juger ou me décapiter pour avoir aimé une personne qui n'est pas du même rang. 

Quoi de mieux que d'être dans l'ombre de son frère pour l'aimer. Elle, cette femme qui continue de gésir dans son lit. Merde, mais que me fait-elle ? 

Praline...

Son nom est dit et redit dans ma tête. L'effet est toujours le même. Mon cœur vrille quand j'entends son nom faire écho dans mon cerveau. C'est assez étrange comme sensation, mais j'aime ça. J'aime l'idée d'éprouver des sentiments pour elle. J'ai longtemps essayé de lutter, mais comment faire quand elle ne cesse de traîner au château. Je sais que je ne suis pas le seul et que les sentiments de Praline sont pour mon frère, mais j'ai espoir qu'un jour, elle saura lire en moi et qu'elle comprendra mes sentiments. 

À vrai dire, je ne sais pas comment c'est arrivé. Je me souviens juste d'être avec ma jumelle, comme d'habitude, puis elle est arrivée. Au début, je n'éprouvais rien, en dehors de ce sentiment de haine provoqué par ma sœur. Puis, petit à petit, je suis rentré dans un jeu de découverte. Et ce jeu s'est transformé en jeu d'intrigue et l'intrigue a fait place à de l'inquiétude, de l'envie et enfin de l'amour. Si Élizabeth venait à découvrir mes sentiments, je pourrais dire adieu à ma tête. À mesure qu'on grandissait, j'ai compris que ma sœur était diabolique. Malgré son apparence enivrante, elle peut détruire la vie d'un peuple entier. 

Doucement, j'ai appris à rester caché dans son ombre, même si je suis plus âgé d'elle de quelques minutes. Elle a su s'imposer rapidement au sein de notre famille. À la mort de nos parents, elle a développé un puissant sentiment de haine envers Matthias et Mirela. Elle en voulait à Mirela d'être née et d'avoir tué notre mère et elle voulait encore plus à Matthias d'avoir laissé notre mère porter cette enfant. Matthias devait prendre soin de nous, c'était son rôle, en tant que grand-frère. Il devait nous montrer le bon chemin à suivre, mais il a préféré se taire dans l'oublie et dans la désolation. En tant qu'ainé de la famille, il devait savoir que notre mère était souffrante. Il voyait que mère souffrait de cette grossesse, mais il a laissé faire. Il demandait sans cesse à notre mère de garder l'enfant, d'être forte. Il voulait que l'enfant naisse, malgré les indications contraires du médecin. Mon père était aveugle à cette situation. Il en avait déjà trop à faire avec le royaume, pourtant, on savait très bien que notre mère était la personne la plus importante à ses yeux. Quand elle est morte, il a perdu quatre ans de sa vie à essayer de survivre sans elle. Élizabeth a déjà supplié Matthias d'enlever le bébé du ventre de notre mère, pour la sauver, mais il a refusé d'écouter. Depuis, elle lui porte une rage extrême. Elle veut qu'il paye pour tout le mal qu'il a causé. 

J'ai longtemps essayé de donner raison à ma sœur. Pour moi, elle était tout. Ma jumelle, mon âme-sœur et mon amante. Je me suis laissé bercer par ses belles paroles et j'ai lui ai laissé le droit de venir me voir, quand elle le voulait. Je ne lui ai jamais rien interdit - peut-être était-ce de la peur - et plusieurs années plus tard, ces rapprochements se sont transformés en désir. Elle seule me comprenait et moi seul la comprenais, alors quoi de plus naturel que de nous aimer, peut-être un peu trop. J'ai souvent pensé que je ne serais rien sans elle et qu'elle serait toujours là pour me guider et pourtant, cette paysanne est arrivée et elle m'a déstabilisé. 

Au début, je pensais que je la détesterais vraiment et j'y croyais réellement. Je ne l'aimais pas. Elle rendait ma sœur hors de contrôle et elle venait saccager tous les plans de ma sœur. Mais maintenant, je ne la vois plus comme ça. Maintenant, je vois une femme pleine de vie, d'espoir et d'amour à revendre et je suis prêt à recevoir cet amour, quoi qu'il en coûte. 



Chapitre spécial aujourd'hui ! Cadeau :)

Luv, 

May.



Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant