Chapitre 91 - Praline

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Que sommes-nous en train de faire ? Pourquoi sommes-nous tous entassés dans ce carrosse, en direction du lieu qui m'a fait connaître l'amour ? Et pourquoi mon cœur bat aussi vite ? 

Peut-être parce que je redoute ce qu'il va se passer dans les prochaines minutes. Dans à peine quelques minutes, nous arriverons, nous descendrons du véhicule et nous passerons officiellement les doubles portes qui mènent droit au hall d'entrée du château. 

SON château. Mon cœur est prêt à exploser et je sens que si je ne sors pas dans les prochaines minutes, je vais étouffer. Mais heureusement pour moi, ma mère est là, à côté de moi. Sa main se pose sur la mienne et elle resserre sa prise. Ses doigts glissent entre les miens et avec son pouce, elle me caresse la peau. Même si je suis submergée de terreur, je me sens heureuse pour elle et ma famille. Au moins, ils auront droit à de dignes soins et ils pourront profiter, ne serait-ce qu'un peu, du confort d'un vrai foyer. 

Je relève la tête vers elle et elle continue de me fixer, avec toujours ce même regard. Un regard remplie de fierté et d'amour. Pourtant, je ne comprends pas pourquoi je mérite un tel regard. Je ne mérite pas ce sentiment de fierté. Je n'ai rien fait pour le mériter. Tout ce que j'ai fait, c'est faire souffrir ceux que j'aime et j'ai peur d'être toujours la cause de leurs souffrances. 

Le carrosse continue de faire sa route. Heureusement pour nous, nous avons quitté le village sans nous faire remarquer. Dès que le garde a toqué à la porte, on a fermé nos bouches et nous sommes autorisés à parler qu'après une heure de route. Seul le bruit des sabots du cheval se faisait entendre à travers la forêt. Au loin, à travers la fenêtre, j'aperçois les hautes tours du château. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et je me rends compte que je me suis arrêté de respirer. 

Cette sensation, c'est la même que le premier jour. Le jour où j'ai été emporté dans la cage qui nous a menés aux cachots. Ce jour-là, je me suis convaincue que je ne reverrais jamais ma famille, ni même la lumière du jour. Quand on m'a jeté aux cachots et qu'on m'a mené au roi, j'ai cru que ce serait mon dernier jour sur terre. Pourtant, il m'a accordé une grâce. Il m'avait promis une vie de souffrance à ses côtés, mais malgré cela, je suis tombée amoureuse de lui. Même si les débuts ont été difficiles, je me suis vite accrochée à lui et à sa souffrance interne et il s'est figé une place dans mon cœur. 

- " Tout va bien se passer, ma chérie. N'aie pas peur, d'accord ? "

Je regarde ma mère et hoche la tête. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il faut que je garde espoir, car enfin, nous nous arrêtons. La porte du carrosse s'ouvre et l'air glacial me fouette le visage. Cet air me fait du bien et me fait oublier la peur. À quelques minutes près, je serais en train de vomir dans le véhicule. 

Je prends une grande respiration avant de sortir et de m'enfoncer dans la neige. C'est vrai que personne ne vient au château. La neige a eu le temps de s'accumuler depuis bien longtemps. 

Le reste de ma famille sort et le garde nous aide à décharger les deux petites valises qui contiennent toute notre vie. Nous n'avons presque rien ramené, vu que nous n'avions déjà rien. Quelques pièces du château sont encore éclairées, mais de là où nous sommes, je ne peux pas voir si la chambre de Matthias est allumée. J'imagine sans peine qu'il est enfermé dans celle-ci et qu'il s'est enroulé dans ses draps. 

- " Venez. La princesse nous attend. " 

Lentement, nous suivons le garde et montons les quelques marches qui mènent aux doubles portes. Du coin de l'œil, je vois mon père aider ma mère à monter les marches. Intérieurement, je suis soulagée de savoir que nous sommes là pour elle. J'ai grand espoir que bientôt, elle pourra monter ces marches toute seule. 

Les doubles portes s'ouvrent dans un lourd grincement et je sens mon corps trembler. C'est maintenant que tout va se jouer. Si Matthias décide de nous virer de son château, je pourrai dire adieu à tous mes espoirs. Je ne pourrais plus jamais revenir auprès de lui et ma famille devra retourner dans notre misérable demeure. Ils devront continuer de se battre tout seul face à la maladie, jusqu'à ce qu'elle emporte tout le monde sur son passage et qu'elle me laisse moisir, seule et sans rien. 

Le hall est vide. Seuls quelques gardes se tiennent droits, prêts à répondre aux attaques. J'aperçois finalement Mirela, qui a déjà sauté dans les bras de mes parents. Ses aveux d'hier m'ont chamboulé. Mes parents m'en ont reparlé peu après son départ, mais je ne voyais que de l'amour et de la tendresse à son égard. Si Mirela les considère comme ses parents, alors je suis heureuse que ce soit eux qu'elle ai choisi. Je sais qu'elle sera sincèrement aimée. 

- " Praline, je suis contente de te voir. Tu as fait le bon choix. " 

- " J'espère, princesse. J'espère sincèrement que tu as raison. " 

Elle m'agrippe le bras et nous rapproche du groupe. La chaleur du château me réchauffe immédiatement et je commence à me défaire de mes fourrures. 

- " Praline !! " 

Je me retourne face à cette voix et mon cœur fait plusieurs bonds dans ma poitrine. 

- " Maria ? " 

Immédiatement, je me jette dans ses bras et me dandine dans tous les sens. Ça me fait tellement de bien de la sentir auprès de moi. Mes larmes coulent sans s'arrêter et après cinq minutes de câlins, je me redresse, heureuse. 

- " Ma chérie, comme tu as maigri. Oh bon sang, il va falloir qu'on rattrape tout ça. Il faudra que tu manges au moins cinq repas par jours et tu dois te goinfrer de biscuits, n'est-ce pas ? D'ailleurs, as-tu mangé les biscuits que je t'ai faits ? " 

- " Les biscuits ? Quels biscuits ? " 

- " Et bien, ceux que j'ai fait quand Mirela est partie à ta recherche. " 

Soudain, je comprends et me retourne vers la personne concernée. Celle-ci n'ose pas nous regarder et fait semblant de siffler. 

- " Ah d'accord, je comprends. Maudite enfant pourrie gâté. " 

Je ricane, tandis que Mirela nous fait une moue d'enfant. 

- " Ce n'est pas grave, je te ferrais des biscuits, que toi seule pourras manger. " 

En disant cela, elle fait des gros à Mirela, qui lui répond avec des yeux de chien battu. Soudain, Maria se décale de moi, pour observer ma famille qui se tient en arrière. 

- " Mais qui sont ces petits bouts de chou ? Que vous êtes adorables. Je pourrais vous croquer tout cru ! " 

Les enfants se cachent derrière mes parents et je rigole. Ils vont devoir supporter le côté maternel de Maria, comme j'ai dû le supporter. 

Mirela s'approche de moi et elle m'attrape le bras. 

- " Je suis tellement soulagée de te voir. Tu ne me quitteras plus, n'est-ce pas ? " 

- " Non, je ne le ferais plus. " 

- " Promis ? " 

Je me tourne vers elle, pour pouvoir la prendre dans mes bras, mais une porte s'ouvre violemment et fait vibrer les murs autour de nous. C'est à ce moment-là que je me sens mourir. Je sens la terre se dérober sous mes pieds et je suis certaine qu'à tout moment, je pourrais me faire aspirer par le sol. 

Matthias se tient devant nous. Il est vêtu d'une chemise de nuit et d'un simple bas ample. Ses cheveux ont grandement poussé, en l'espace de deux semaines. Tout de suite, je remarque ses cernes et ses joues creusées. Mon absence l'a marqué à ce point ? Malgré cela, sa beauté me fait chavirer. Il est toujours aussi beau, comme au premier jour. Mon cœur est sur le point de me lâcher, alors qu'il avance lentement vers moi. 



Luv, 

May.


Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant