Chapitre 37 - Praline

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En sortant de la chambre de Matthias, j'avais l'impression qu'il était vraiment au bord du gouffre. J'ai préféré sortir pour lui laisser du temps, même si j'aurais voulu le réconforter encore un peu. Ses yeux scintillaient et ils étaient rouges. Allait-il pleurer ? Son état m'inquiète, mais je suis obligée de continuer les préparatifs pour le roi de Monake et sa famille. Je ne sais vraiment pas pourquoi Matthias les a invités, surtout qu'il n'aime pas avoir du monde dans son château. C'est vraiment inhabituel, sachant qu'en plus, il avait l'air perdu quand je l'ai croisé dans les couloirs, ce matin.

D'après Maria, la famille royale de Monake est arrivée deux heures après midi et qu'ils étaient en train de se reposer dans leurs chambres. Je sais que le voyage a été long pour eux. D'après Maria, il faut environ deux jours de route pour arriver aux portes d'Éronde et encore une demi-journée pour faire tout le trajet jusqu'au château de Matthias. Le royaume d'Éronde est vraiment grand et il faut beaucoup de temps pour traverser ses innombrables villages et forêts. De plus, les routes ne sont pas très sûres la nuit.

Depuis plus de trois heures, tous les cuisiniers sont occupés à préparer un véritable festin. Maria ordonne à tout le monde de s'occuper d'au moins un repas chacun. Elle continue de me parler entre temps, mais je suis surtout préoccupée par Matthias. Et je crois que Maria le ressent parce qu'elle s'arrête de parler et me fixe tendrement. Je lui accorde un simple sourire pour la rassurer, mais mon esprit est ailleurs.

Les heures avancent et les plats se terminent. Le souper va bientôt commencer et les humeurs sont aux festivités. C'est la première fois, depuis que je suis au château qu'il y a des invités. Et pas n'importe quels invités. Une autre famille royale. Quel honneur. Et même pour certains personnels, ça fait bien des années qu'il n'y a pas eu de si gros festins. Cependant, les humeurs de certains sont aussi à l'inquiétude. Le stress monte rapidement et les mouvements affluent à droite et à gauche.

La cloche indiquant qu'il est l'heure d'apporter les plats sonne et nous voilà, avec un groupe de dix personnes, en train de monter les premiers plats. Mon cœur s'emballe. Je n'ai jamais vu la famille royale de Monake, à part dans les livres historiques. Mais les voir en vrai sera différent et certainement oppressant. Je ne dois pas faire de mauvais pas. D'ailleurs, je ne sais même pas comment me comporter face à eux. Dans la précipitation, je me décale et me positionne à la fin de la queue de servants, pour pouvoir les observer et faire comme eux.

Quand les portes de salle à manger s'ouvrent, un puissant éclairage m'aveugle et avec justesse, j'arrive à me ressaisir et à continuer mon chemin. Ce que je vois m'éblouit. Le roi de Monake est installé face à Matthias, à l'autre bout de la table. À ses côtés, je peux distinguer une magnifique femme et trois garçons. Le plus vieux devrait avoir l'âge de Matthias et le plus jeune, l'âge de Mirela. De chaque côté de la famille de Monake, se trouvent des personnes un peu moins distinctes, mais qui semblent avoir une certaine prestance. Des nobles.

Contrairement à Éronde, la couleur de Monake doit être le doré, au vu de toute cette teinture que je vois sur les chemises de la famille royale. De l'autre côté de la table, je retrouve Matthias avec ses frères et sœurs, à leur place habituelle. La table est vraiment grande, ce qui laisse amplement de place pour les deux familles et nobles.

De là où je suis, j'arrive à distinguer le visage de Matthias. Comme tout à l'heure, il ne semble pas heureux, mais plutôt triste et apeuré. Ses yeux sont baissés vers ses couverts vides quand un cuisinier annonce la venue des plats. Instinctivement, le regard de Matthias se relève et vient traverser la pièce de tout son long, à la recherche de quelque chose. Ou quelqu'un.

Son regard se pose finalement sur moi et comme s'il renaissait, il finit par se détendre et relâcher ses muscles. De loin, je lui adresse un léger sourire, que seul lui pourrait distinguer. À son tour, il m'adresse un sourire qui s'efface aussitôt quand il remarque que sa sœur Élizabeth le fixe. Les servants se dirigent alors vers la table pour y déposer les plats qui commencent à devenir lourds et je les suis. Je pose délicatement le plat de dinde rôti sur l'épaisse table de bois et me recule. Je scrute discrètement les autres servants pour voir ce qu'ils font. Soudain, chacun d'eux s'avance et se pose devant la famille royale. Ils finissent par se courber pour faire la révérence, toujours en silence de mort. Je me déplace et fais de même, tremblante de tous mes membres.

Les servants se reculent alors et vont se placer devant Matthias et sa famille, et se courbent de nouveau. Je m'exécute en silence, ne sachant pas quoi faire d'autres. D'habitude, je reste toujours avec Matthias pour les repas. Je n'y mange pas, mais je reste près d'eux, comme me l'avait demandé Matthias. Pourtant, là, je ne sais pas quoi faire. Je suis dans une situation embarrassante, perdue entre mon devoir de servante personnelle et simple servante.

Décidant de suivre le reste du personnel, je me déplace pour quitter la pièce, pourtant, le regard insistant de Matthias me fait arrêter. Dans son regard, je peux comprendre qu'il me demande de ne pas le laisser seul. Ses yeux me fixent encore et soudain, viennent changer de direction pour m'intimer de me placer à cet endroit. Je m'exécute en silence et viens me placer derrière le prince Lücas, mais légèrement en retrait. Matthias me sourit doucement et hoche la tête, comme pour confirmer que je suis parfaitement bien placée. Je souffle intérieurement et me permets de me détendre, tout en gardant mes sens en alerte.

De là où je suis placée, je peux voir Mirela de face. Elle me regarde de temps en temps et me sourit. Je lui rends toujours ses sourires, mais discrètement. Je ne devrais pas être ici, normalement, alors je tente de me faire la plus discrète possible. Pourtant, je remarque qu'Élizabeth semble agitée. Comme si quelque chose la gênait et je comprends alors que ce quelque chose, c'est moi. Elle se penche vers Lücas pour lui chuchoter quelques mots que je ne suis pas sûre de distinguer correctement, mais j'arrive à entendre mon prénom et "ici". Je crois que ça ne lui plaît pas que je sois là. Lücas, quant à lui, hausse les épaules et retourne à son festin.

Pendant quelques instants, je remarque que Matthias ne touche pas à son plat. Son regard est perdu dans le vide. Il ne semble plus répondre correctement à son rôle de roi. À plusieurs reprises, la famille royale de Monake lui pose des questions. Troublé, Matthias bégaie et tente d'articuler quelques sons. Son état me préoccupe, mais je ne comprends pas pourquoi il réagit comme ça.

Mirela semble aussi ressentir son état et ne cesse de le regarder.

Soudain, le regard de Matthias se dirige vers le mien et il y plonge dedans. Il tente d'interagir avec mon âme. Je peux sentir qu'il appelle à l'aide jusqu'à mes entrailles.

Ôh, mon roi, comment pourrais-je te sauver ? Je ne suis qu'une pauvre servante. Je ne peux pas te délivrer de ce mal qui te ronge. Pardonne-moi.

Je tente de lui apporter un regard sain et bienveillant, mais ses yeux se mettent à briller. Qu'est-ce qu'il se passe ?



Attention ! Ça va commencer à se chauffer !

" Mon roi " ❤️😍❤️

Luv,

May.

Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant