Chapitre 90 - Praline

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- " Je... Je vous en prie. Vous devez venir avec nous, au château. " 

Je la regarde, sans comprendre son soudain désarroi. 

- " Princesse ? " 

- " Je... J'ai perdu mes parents. Je n'ai pas connu ma mère et je le regrette. Mon grand-frère m'a dit qu'elle était morte en me donnant la vie. Je comprends que vous ne vouliez pas laisser vos enfants seuls, mais je ne peux pas me résoudre à vous laisser souffrir sans rien faire. Je ne veux pas que Praline connaisse la même douleur que moi. J'adore Praline, elle est ma sœur. Et, par conséquent, je me permets de vous considérer comme mes parents. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais autant attachée à vous, alors qu'on ne se connaît même pas, mais je sais pourquoi maintenant. C'est parce que vous êtes comme mes parents que je n'ai jamais eu. Et... l'idée même de vous perdre alors que je n'ai pas eu le temps de profiter de mes parents me déchire de l'intérieur. Je n'ai pas connu mes vrais parents, alors je veux profiter de ceux qui m'ont été donnés aujourd'hui. "

Mes larmes n'ont jamais autant coulé qu'aujourd'hui. Je ne pensais pas que Mirela pouvait ressentir ce genre d'émotions à l'égard de ma famille. 

- " Alors, je vous en conjure. Ne me laissez pas tomber. Ne laissez pas tomber Praline. Battez-vous encore et acceptez de venir au château. J'ai... J'ai besoin de vous tous. " 

Cette fois-ci, Mirela fond en larmes et se jette dans les bras de ma mère. Ce geste me rend malade. Parce que Mirela se sent bien avec ma famille. Je n'aurais jamais pu être aussi heureuse qu'en cet instant. Ma mère resserre sa prise sur Mirela et la berce dans ses bras. Comme le ferait sa mère. 

Je me relève et regarde mon père. En un seul regard, je comprends ce qu'il veut dire. Ma main se pose sur l'épaule de Mirela et elle redresse le visage vers moi. Ses yeux sont inondés de larmes et ses joues sont rouges. Elle se relève, mais avant que je ne puisse parler, Lücas apparaît. Dans toute cette folie, je l'avais oublié. Pourtant, c'est quand même grâce à lui que Mirela et le médecin sont là. Je lui suis redevable aujourd'hui. 

- " Mirela, il faut qu'on rentre au château. Le soleil va bientôt se lever. " 

Mon cœur se serre. Elle va partir et nous serons de nouveau loin. 

- " Laisse-moi encore quelques minutes, Lücas, s'il-te-plaît. " 

Il hoche la tête et passe à côté de moi. Je sens son regard sur moi, mais je feins de le sentir. Il ne faut pas qu'il voie à quel point il me déstabilise. 

- " Praline. On peut le faire. Il faut juste que vous veniez tous au château. "

- " Mais comment ? Nous ne pouvons pas déloger une famille entière aussi facilement ! " 

- " Écoutes, je ne veux pas être méchante, mais ta famille n'a pas beaucoup de biens à transporter. Vous pourriez prendre le strict minimum et partir ce soir. "

- " Mais nous ne rentrerons pas tous dans le carrosse ! C'est de la folie. Et nous ne pourrions pas partir tout de suite. "

- " Alors, partez demain. " 

- " C'est impossible, Mirela. Les villageois vont se demander où nous sommes passés. "

- " Praline, tu te fais trop de soucis. Nos voisins ne nous remarquent même pas. Ils ne viennent jamais nous voir, ils ne verront même pas que nous sommes partis. " 

Mon père s'est avancé. Je sais que l'espoir de voir sa femme et ses enfants en sécurité le fait vivre, mais il faut quand même réfléchir à tout. 

- " Et Matthias, as-tu pensé à lui ? Que va-t-il penser ? " 

- " Je me fiche bien de ce que peut penser Matthias en ce moment. Il n'a pas le droit d'ouvrir sa bouche. C'est moi qui prends les décisions aujourd'hui. " 

Je ricane et secoue la tête. Elle est tellement plus forte que ce que je croyais. Et même si son plan est pure folie, j'encourage sa ténacité. 

- " Mirela. Nous devons partir, maintenant. " 

Elle me regarde intensément. Elle attend certainement mon approbation. Mon cœur me joue des tours et je pense à tout ce qu'il pourrait arriver. Et si on se faisait prendre ? Que les villageois nous découvraient ? Et si le voyage se passait mal ? Et si Matthias me détestait tellement, qu'il mettrait ma famille dehors ? Tellement de questions et de doutes me submergent en ce moment, mais c'est le temps qui presse qui me fait finalement choisir. 

- " D'accord. Comment va-t-on faire ? " 

Mirela saute dans tous les sens en criant de joie. Je soupire, redoutant le pire, mais heureuse après tout. Ma mère et mon père se câlinent et s'embrassent et l'espace d'un millième de seconde, je pense à moi et à Matthias, et m'imagine faire de même. J'imagine la sensation de ses lèvres se poser sur les miennes et sa langue jouée avec la mienne. J'imagine le goût de sa bouche et mes papillons refont leurs entrées. Voilà bien longtemps que je ne les avais pas sentis en moi. Je repousse malgré moi ces merveilleuses sensations et me replonge dans le présent. Car oui, il faut trouver un plan maintenant. Et un plan qui marche, de préférence. 

- " Préparez vos affaires. N'emportez que ce dont vous avez vraiment besoin. Le reste, on s'en occupera au château. Le trajet en carrosse dure deux heures, il faudra que vous soyez patient. Prévoyez de la nourriture en conséquent. Demain soir, Tobias viendra frapper à votre porte et dès lors, vous partirez avec lui, en carrosse. Il faudra vous montrer discret. C'est compris ? N'en parlez à personne. " 

Toute ma famille hoche la tête à l'unisson. Son plan est clair et précis, comme si elle y avait pensé depuis longtemps. 

- " Alors, soyez prêt pour demain soir. Nous ne pourrons pas venir, pour que vous puissiez tous avoir de la place, mais je vous promets que je serais là, pour vous accueillir à l'entrée. " 

Mirela se lance vers moi et me câline. J'accepte volontiers son câlin et la remercie du plus profond de mon cœur. Personne n'a jamais fait ça pour moi. 

- " Tout va bien se passer, Praline. Je te le promets. " 

- " Fais bonne route. Sois là, demain. " 

- " Promis ! Je n'en parlerais pas à Matthias, avant que vous ne soyez tous là. "

- " J'ai peur. Et s'il n'acceptait pas ? Et s'il était trop en colère contre moi, pour que je revienne ? "

- " Praline, on sait très bien toutes les deux que ce n'est pas vrai. Et de toute façon, il n'a pas vraiment le choix. " 

Elle éclate de rire et se dirige vers la sortie. D'un seul geste de la main, elle nous dit à tous au revoir et du coin de l'œil, je vois Lücas me regarder. Son regard est toujours serein et tendre envers moi. Je me promets de le remercier personnellement plus tard, au château. 



Luv, 

May.


Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant