Chapitre 3 - Praline

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Je ne sais pas combien de temps je me suis écroulée, mais ce que je sais, c'est que la surface sur laquelle je suis est glaciale et humide. Je ne sens plus mon bras gauche et mes articulations me font souffrir. Après plus d'une vingtaine de minutes endolorie, je tente une première tentative pour me relever, mais je ne m'attendais pas à me reprendre aussi violemment la surface de pierre en pleine face. La douleur me prend au visage, et je sens déjà le liquide rouge se déverser sur ma joue. Je me mets à pleurer à chaudes larmes, d'abord parce que ma blessure me tiraille, mais aussi parce que je me retrouve aussi pitoyable que ce rat qui attend le prochain cadavre pour se nourrir. La douleur me lance soudainement, et ma tête se remet à tourner violemment. Je n'ai plus le choix que de refermer mes yeux et me laisse sombrer dans le néant. 

Mon réveil se fait encore plus violent quand j'entends le garde frapper de toutes ses forces sur les barreaux de la cellule. Mes yeux s'ouvrent plus vite que le reste de mon corps. Je tente finalement de me relever, forcée par ce garde de métal. Je ne peux m'empêcher de me regarder dans le reflet de son armure. Quelle horreur. Même déformée par l'armure, je remarque que je suis complétement recouverte de boue, et très certainement d'excréments. Mon visage, je ne le reconnais même plus. Le sang séché s'est mélangé à la boue. Je ne suis pas belle. 

Après plusieurs tentatives pour me relever, le garde me prend par le bras et me tire. Je ne saurais dire si mon bras s'est cassé par ce mouvement, mais je ne peux m'empêcher de lâcher un cri de douleur, même si celui-ci ressemble plus à un étouffement. Le garde me traîne alors pour me ramener au Roi. Je n'arrive même pas à comprendre la moitié de ce que me dit cet homme.

En passant devant les autres cellules aussi délabrées que la mienne, je vois un homme à moitié dévoré par les rats et insectes. Je me fais violence pour ne pas vomir. Cette vue me brûle les yeux. On ne voit même plus le visage de l'homme. Seules ses jambes et son bas-ventre sont encore visibles. C'était donc ça l'odeur qui émanait depuis trois jours. Depuis combien de temps cet homme pourrit dans cette cellule ? Pourquoi personne n'est venu jeter son cadavre ? 

Encore obnubiler par ce macabre, je ne manque pas de trébucher de tout mon long, entrainant avec moi le garde qui me tient toujours le bras. Celui-ci se remet directement sur ses pieds. Je pense que ma chute a dû le surprendre, car je ne suis pas bien lourde. Jurant de tous les noms possibles, le garde m'assène un violent coup de pied dans les côtes. Je n'ai même pas le temps de comprendre ce qu'il s'est passé que cet homme de métal me soulève et me repose sur mes pieds. Je suis tremblante, encore sous le choc du coup. J'ai envie de vomir, mais je n'ai rien dans le ventre. Je veux tomber, mais je me retiens avec force pour ne pas me reprendre les foudres du garde. J'ai les yeux inondés par les larmes et je ne remarque pas tout de suite l'homme qui se tient devant nous. 

Le roi se dirige vers le garde qui me tient toujours fermement. Je l'entends vaguement parler avec le garde.

- " Comment avez-vous pu tomber avec cette paysanne ? Je vous croyez plus fort que ça. Je vais devoir vous remplacer si vous n'êtes même pas capable de retenir un rat. " dit-il aussi calmement que brutalement. 

J'imagine sans peine que le rat, c'est moi. Je ne prends même pas la peine de regarder les deux hommes qui sont devant moi. Je veux juste m'allonger et recracher le sang qui s'est accumulé dans la bouche. 

Je sens alors le regard brûlant du roi sur moi. 

- " Quand votre Roi est présent, vous devez faire preuve de respect et faire la révérence. " m'ordonne-t-il avec dédain.

Comme sous son emprise, je me courbe du mieux que je peux en sa direction. Le coup que le garde m'a envoyé me fait souffrir. Je sens déjà la fracture de côtes. Je me suis déjà cassé un os, celui du bras, quand j'étais petite, mais je ne me souvenais pas d'une telle douleur. En me redressant, je tente un regard vers le roi. J'ai à peine le temps de distinguer ses traits durs que je sens ma joue droite chauffée. Le roi m'a giflé. 

Je le sais parce que le voit encore se mouvoir, et me cracher au visage. 

- " Et quand le Roi vous parle, n'osez même pas le regarder dans les yeux ! Je vais vous apprendre ce qu'est la politesse ! " Je sais déjà que ses yeux sont rouges de colère. Les yeux de mon père devenaient aussi rouges que le sang quand il se mettait en colère. Mais contrairement à mon père, je ne porte aucun respect envers ce roi. Je n'ose plus bouger. J'attends simplement les ordres. Après tout, je suis là pour ça. Obéir au roi, servir le roi, écouter le roi. Tout pour le roi. Mais rien pour nous ! Le roi n'a jamais rien fait pour nous. Ce n'est qu'un homme orgueilleux, prétentieux, et immonde. 

Le roi se retourne enfin, et monte les marches en direction des pièces du château. Quand j'étais petite, je m'imaginais vivre dans ce château, comme toutes les petites filles, aux côtés du Prince. Il était dit que le Prince était d'une beauté enivrante, même pour son jeune âge. Maintenant, on a grandi, et on sait maintenant que le roi n'est qu'un homme cruel. Certes, il est dit qu'avec le temps, sa beauté n'en fût que plus surprenante, mais plus personne ne souhaitait vivre à ses côtés. Plusieurs personnes ont rapporté que plus de la moitié de son personnel s'était suicidé. Mais aujourd'hui, c'est à mon tour de vivre avec lui. J'aurais préféré qu'il me laisse à mon sort. Enfin, je crois. 

Les couloirs du château sont habillés de drapeaux aux couleurs du royaume. Je n'ai jamais su pourquoi les couleurs qui représentent Éronde étaient le rouge et le noir. Ce n'est pas très original, ni même accueillant. Sur le chemin, je ne croise que deux employées. À la vue de leur tenue, j'imagine qu'elle sont femmes de chambre. Le visage de la première femme de chambre était tristement tiré par la fatigue. La deuxième ne semblait pas être en meilleur état que la première, bien qu'elle soit physiquement plus jeune. 

Nous avons bien monté deux étages, et traversé une vingtaine de salles, toujours en suivant le roi. Je ne sais pas à quoi vont ressembler mes journées avec le roi. Je sais juste que je vais devoir apprendre à prendre sur moi. J'ai toujours en moi, depuis mon arrestation, cette boule qui ne cesse de me rappeler que je suis condamnée. 

Ça m'a paru duré une éternité quand enfin nous arrivons devant les portes d'une salle. Ces mêmes lourdes portes de bois et d'acier qui m'ont vu accorder ma sentence et qui m'ont séparé de ma famille. Je me souviens de mon père et de son visage apeuré. Je ne sais pas si un jour, je pourrais les revoir. J'aimerais leur dire à quel point je suis désolée, et à quel point je les aime. Je veux juste les serrer dans mes bras une dernière fois. Cette pensée me fit monter les larmes aux yeux, que je chassai du revers de la main. 

Les lourdes portes s'ouvrirent dans un lourd fracas, et je fus surprise par la luminosité de la pièce. J'eus du mal à distinguer ce qu'il se passait, tant la pièce baignée dans la lumière. Mais je distingue déjà plusieurs voix dans la salle. 



Troisième chapitre ! Est-ce qu'il est assez long ? Ou trop ? 

Merci de suivre mon histoire ! Dites moi ce que vous en pensez !

Luv, 

May. 



Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant