Chapitre 114 - Mirela

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Mon souffle se coupe et mes os me tiraillent. Est-ce réel ? Je me relève, faisant entrechoquer mes os et observe cette scène inimaginable. 

- " Praline... ? " 

Je n'ose pas parler plus fort, craignant de faire réveiller les morts. Les décombres ont éclaté sur le sol, pouvant briser la moindre vie sur son passage. 

- " Praline ? " 

Je tente de hurler, craignant de découvrir le massacre. Pourquoi ne me répond-elle pas ? De côté, je remarque que Lücas s'est rapproché, le visage ensanglanté. Il commence sans tarder à fouiller dans les décombres, s'arrachant de la peau au passage. Sans m'y rendre compte, mes mains se mettent aussi à fouiller, déplaçant toutes les roches que je peux, m'écorchant à vif. Du sang coule sur mes bras et mes pieds et je sens mes larmes couler sur mon visage meurtri. Elle ne me répond toujours pas. 

Lücas s'acharne sur un gros bloc de pierre et tombe à la renverse quand le bloc lui glisse des mains. De justesse, il évite les bouts pointus de son adversaire. Il se relève sans tarder et se rejette sur le bloc. Je le sens s'énerver dessus et lancer des coups de pieds à tout-va. Malgré la fatigue, Lücas et moi continuons de fouiller, espérant découvrir Praline en vie, pourtant, intérieurement, je sais qu'il est trop tard. Je refuse cependant de laisser son corps tout seul et continue de me frayer un passage. Je n'entends presque plus rien, en dehors de ma respiration haletante et les bruits métalliques autour de nous. Les cris de douleur ne font qu'écho entre les murs, mais jamais, je les laisse pénétrer mon cerveau, au risque de défaillir à mon tour et d'abandonner.

- " Mirela, va chercher de l'aide ! " 

Je me retourne vers Lücas, ignorant le bout de pierre qui me rentre dans la main. Pendant une fraction de seconde, je découvre la peur et l'horreur dans son regard. Pourquoi craint-il autant pour la vie de Praline ? J'ai longtemps cru qu'il la détestait. Est-ce pour Matthias qu'il fait ça ? 

- " Dépêche-toi ! " 

Sans attendre, je me redresse, acquiesce et pars en courant, vers la moindre source de vie, capable de m'aider. Je ne sais pas sur qui je vais tomber, mais j'avance. J'ignore volontairement les cadavres et les blessés et cours vers la première source de voix que j'entends au loin. Priant pour que ce ne soit pas des Sutraniens, je cours et les interpellent et par chance, ce sont nos soldats Érondiens. 

- " Je vous en prie, aidez-moi ! " 

- " Princesse, vous devez-vous mettre à l'abri. Venez avec nous. " 

- " Non ! Vous devez m'aidez. La reine est emprisonnée sous les décombres. Nous n'arrivons pas à la sortir de là... Je ne sais même pas si elle est encore en vie... " 

Je prononce ces derniers mots dans un souffle, avant de perdre la voix. Pourquoi est-ce si dur de l'admettre ? J'ai certainement perdue ma sœur et Matthias a perdu sa femme. En l'espace de quelques heures, il aura tout perdu. Praline n'aura même pas tenu un moi au trône et son règne s'est déjà éteint. 

Les gardes passent devant moi et je les dirige vers le lieu du massacre. Avant même de passer dehors, j'aperçois un groupe de soldats ennemis faire leur entrée dans la cour, où se tient Lücas. Au loin, je le vois se tendre à leur vue et je sens passer un courant d'air électrisant. Il est seul face à cinq soldats. Il ne s'en sortira jamais. J'ordonne alors aux gardes de passer à l'action, tandis que je me rétracte vers un endroit plus sûr, afin de réfléchir. Faudrait-il que j'aille chercher Matthias ? Non, il est déjà occupé ailleurs. Je ne peux pas prendre le risque de le faire tuer. C'est à moi de l'aider. C'est à moi de les sauver. Respirant un dernier coup, je me jette dans la foulée, attrapant au passage une épée et attaque le premier soldat devant moi. Par je ne sais quelle magie, il réussit à parer tous mes coups et je me retrouve seule et essoufflée devant lui. Prise au piège, je sens ma fin arrivée, mais le garde finit par s'écrouler au sol, une épée plantée dans la gorge. Je vomis le peu de repas qu'il me reste dans l'estomac et me redresse, chancelante. Le bras de Lücas me tire vers lui et sa main me caresse le dos, m'apportant un peu de réconfort dans cette euphorie sanglante. 

Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant