Chapitre 52 - Matthias

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Quelle sorte de sorcellerie m'a-t-on lancée ? Pourquoi le monde s'acharne-t-il pour me faire souffrir ? Qu'est-ce que je dois faire pour qu'il arrête de me tourmenter ? 

Dès que la regarde, je sens mon cœur sombrer un peu plus dans le vide. Petit à petit, je sens l'espoir me quitter. 

Le ciel s'assombrit peu à peu. L'hiver est bien-là. Dans quelques jours, la première neige tombera et moi aussi. Le château est froid. Plus rien ne le réchauffe. Plus rien ne réchauffe mon cœur. J'ai froid et j'ai chaud. J'étouffe dans ce maudit royaume. 

Aucun endroit au monde ne saurait me libérer de ma détresse, pas même mes jardins. Rien, ni personne n'arrive à me combler autant que ma Praline à su le faire durant ces cinq derniers mois. J'ai vu le temps changer et il m'a vu changer, tout cela, grâce à cette seule et unique personne. Mon cœur s'est si vite abandonné à elle. Il lui a fait confiance en si peu de temps et lui a promis l'amour et fidélité éternelle. 

Un si petit être a réussi là où personne n'a eu le courage d'essayer. Elle m'a prouvé que le monde pouvait être aussi beau, même sans parents. Elle a su combler le vide qui m'habitait depuis si longtemps. Comment pourrais-je faire face maintenant qu'elle n'est plus là ? Qu'elle ne vit plus à mes côtés ? 

Qui sera-là pour faire flotter mes papillons ? Qui sera-là pour me faire rire, sourire et me faire rougir ? Qui viendra me faire des baisers surprises ? 

Qui sera-là pour ma sœur ? Qui va la rendre heureuse quand je ne serais plus là ? Qui va lui remonter le moral avec des biscuits ? Je n'ai pas ce pouvoir... Elle, elle l'a. 

Qui est cette personne qui va me rendre fou quand elle sera loin de moi ? Qui pourra me faire perdre la tête avec un seul regard ? 

Je ne comprends pas comment en si peu de temps, mon monde a basculé. 

Il y a deux semaines encore, le ciel était aussi éclatant qu'un millier d'étoiles et aujourd'hui, le voilà aussi terne et gris que la fumée de la cheminée. Les nuages sont bas dans le ciel et je ne vois rien à l'horizon. Seul mon reflet fatigué se reflète sur les vitres de ma chambre. 

Mon souffle s'écrase sur les vitres et vient créer un cercle de buée. Discrètement, de fines gouttes se forment et glissent le long des fenêtres. D'un regard las, je regarde la course endiablée des gouttes. À mesure que les gouttes glissent, mes yeux se dirigent vers le sol brillant de ma chambre. L'envie de m'y allonger et de ne jamais me relever me prend et le sol fini par m'accueillir à grands bras ouverts. 

Le froid du sol me mord la peau et je commence à trembler. Depuis son incident, je ne prends même plus la peine de m'habiller correctement, laissant entrevoir des parcelles de mon corps. Mirela m'a déjà reproché le fait de m'habiller avec si peu de vêtements, au risque que je tombe malade, mais je n'y peux rien. Je n'ai même plus la force. J'attends impatiemment le verdict final. J'attends de voir si elle va survivre ou non. À quoi bon faire un effort vestimentaire pour que personne ne le voie. À quoi bon se rendre beau, pour que la personne qu'on aime ne nous admire pas. 

Alors j'attends. J'attends qu'elle daigne bouger un doigt. J'attends que son rythme cardiaque reprenne de plus belle. J'attends d'entendre sa voix cristalline pour reprendre goût à la vie. Quand elle vivra, je vivrai. 

Pour l'instant, je suis incapable d'aller la voir. Est-ce indigne ? Va-t-elle m'en vouloir ? Je ne sais pas, je veux juste oublier. Pas elle. Juste la douleur. J'ai tellement peur de la perdre. J'ai passé trop de temps à pleurer la perte de ceux que j'aime. J'ai passé trop de temps à espérer un peu d'amour. Est-ce pour ça que je suis devenu si repoussant et médiocre aux yeux de tous ? Le suis-je à ses yeux ? Je n'en ai pas l'impression. Malgré tout ce que j'ai bien pu faire, elle est restée à mes côtés. 

Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant