Chapitre 61 - Élizabeth

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C'est quoi cette mascarade ? 

Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ce qui est en train de se passer ? C'est quoi cette merde ? 

Je n'arrive pas à y croire. Comment est-ce arrivé ? Pourquoi est-ce que tout le monde est en train de quitter l'enceinte de ce château, avec leurs bagages ? 

Pourquoi est-ce que personne ne les retient ? Et pourquoi ils ne sont pas en colère ? 

Je me décale d'un seul bond de ma fenêtre. Les rideaux qui me collaient virevoltent dans tous les sens et se mêlent dans mes jambes. Cette fois-ci, s'en est trop. J'explose. J'ouvre grand la bouche pour laisser un cri strident rempli de haine. Mon cri me fait mal aux oreilles, mais je m'en fiche. Pourquoi tout ne se passe pas comme prévu. 

Dans la rage, je cours vers la salle principale. Là, je trouve toute famille royale invitée, heureux. Le roi vient enlacer Matthias dans ses larges bras et je l'entends rire de bon cœur. Mon sang ne fait qu'un tour dans ma tête. Ma rage explose et je me retiens de toutes mes forces pour ne pas hurler et faire un scandale. Du coin des escaliers, je les regarde tourner définitivement le dos et quitter l'enceinte du château. Les doubles portent se referment et la lumière s'estompe. Le silence se réinstalle et je vois Matthias lâcher un grand souffle. Malgré tout, la vie continue de reprendre son cours et les domestiques accourent dans tous les sens pour leurs tâches. 

Lentement, Matthias se retourne et reprend le cours de sa vie. J'ai envie de lui courir après et de lui arracher les yeux, mais je me retiens à la dernière minute. Comment peut-il rester impassible devant cette scène ? Pourquoi a-t-il laissé la famille royale partir ? Et surtout, pourquoi étaient-ils heureux ? 

La couleur continue de monter en moi et j'ai une soudaine et puissante envie de décharger toute cette haine. D'un pas rageux, je fais demi-tour et cours presque vers sa chambre. Je sais qu'il m'écoutera, même si en ce moment, il est plutôt distant. 

Devant sa porte, je ne prends même pas le temps de frapper. Je n'ai pas le temps pour ces sottises. Comme toujours depuis un mois, il est allongé, les bras derrière la tête, le regard dans le vide. Je me demande bien à quoi il pense, mais je ne cherche pas à lui demander. Il y a bien plus important en ce moment que ses crises existentielles. 

- " Lücas ! " 

J'ai beau crié, il ne daigne même pas poser les yeux sur moi. J'ai envie de lui exploser le crâne, mais il faut que je parle à quelqu'un. Alors je prends sur moi et m'approche de lui. 

- " Lücas, tu m'entends ? Il faut que je te parle de quelque chose ! " 

- " Mmh ? " 

Je lui enfoncerai bien mon poing dans la figure, mais je n'ai pas le temps. 

- " Es-tu au courant ? " 

- " De ? " 

- " Merde, mais tu es aveugle ou quoi ? "

Plus je le regarde et plus je le trouve étrange. Face à ma remarque, il souffle simplement. Habituellement, il m'aurait déjà prise en sac à patates et m'aurait cloué contre un mur pour me baiser. 

- " Lücas, la famille royale de Monake est partie ! À l'instant, je les ai vu prendre leurs bagages et disparaître. Ils sont plus là. C'est fini, notre plan n'a pas marché ! " 

- " Ah oui ? Mince, c'est dommage... " 

- " Dommage ? C'est tout ce que tu trouves à dire ? "

- " Que veux-tu que je te dise de plus Élizabeth ? Ils sont partis et bien tant pis. " 

- " Mais enfin, Lücas, c'est quoi ton problème ? Pourquoi tu t'en fiches ? " 

Je l'entends souffler bruyamment et il se redresse enfin. Son regard croise le mien et je comprends définitivement que quelque chose ne va pas. 

Dans son regard, je lis beaucoup de choses, mais une chose m'intrigue plus que les autres. Son regard a changé. Il est plus... doux ? Je ne vois plus la haine, ni la fougue d'autrefois. Maintenant, je vois les yeux d'un vieil homme qui aurait déjà vécu toute sa vie et qui est prêt à enfin se reposer dans un long sommeil éternel. La colère continue de brûler mes veines et la frustration commence à prendre le dessus. 

Je ne sais plus quoi faire et les larmes commencent à monter. Je ne comprends plus rien et je me sens plus seule que jamais. 

- " Lücas, mais réagit ! Qu'est-ce qu'il te prend enfin ? " 

Je commence sérieusement à m'impatienter. Son comportement est digne d'un enfant. Il lève les yeux devant moi et se rabat lourdement sur son lit. Ses bras reprennent leurs positions de tout à l'heure et je comprends que je n'obtiendrai rien de lui aujourd'hui. Tant pis. Je vais m'en sortir moi-même. 

Agacée, je tourne les talons et claque violemment la porte de sa chambre. Je veux lui faire comprendre qu'il m'a énervé et peut-être que ça lui fera réfléchir. Peut-être que s'il se rend compte que je ne veux plus lui parler, il reviendra me voir en rampant. 

Je longe les murs à la recherche d'une solution miracle. J'ai besoin de me défouler et de hurler. Dans ces circonstances, j'aurais bien accepté une partie de jambes en l'air, mais visiblement, la seule personne capable de me satisfaire est en congé. 

Je tourne en rond dans ma chambre et brûle d'impatience à l'idée de tuer encore plus vite la paysanne. Je sais que sa condition s'améliore de jour en jour, alors il faut vite que je fasse quelque chose. Cependant, Matthias a ordonné qu'elle ne soit jamais seule. Chaque minute, de chaque heure de sa vie est surveillée par un stupide pion. Si ce n'est pas ces incapables de domestiques, c'est cette idiote de sœur ou cet imbécile de Matthias qui est là. 

Je bous de l'intérieur. Malgré le froid qui s'immisce dans les pièces du château, je brûle. Mon cœur émet une sorte d'aura de chaleur autour de moi. J'ai envie de tout casser et de tuer quelqu'un. Mes plans tombent tous à l'eau et personnes ne m'aident. Je suis obligée de me débrouiller toute seule. La colère prend bien trop vite le dessus sur mes émotions et mes larmes finissent par tomber toutes seules. Je déteste pleurer. Ça me fait paraître si faible et je refuse de l'être. Je refuse d'être comme eux. 

Je refuse d'être comme ma famille, faible et misérable. Tous. Tous les membres de cette famille sont misérables. À commencer par mon père. Cet homme déchu qui a pleurer pendant bien trop longtemps la mort de sa femme. Il a laissé pourrir son royaume pour sa femme qui s'est laissé mourir pour un enfant. Et mon grand-frère. Lui aussi est misérable. Il est incapable de gouverner correctement. Il est haït du peuple et des royaumes voisins et a succombé à l'amour pour une simple paysanne. Mirela n'est qu'une pauvre enfant pourrie-gâtée, insupportable et sans une once d'intelligence. 

Je croyais que mon jumeau et moi étions les seuls à comprendre la véritable nature de mon frère. Je croyais que nous étions deux contre le reste du monde, mais je découvre maintenant une nouvelle facette de ce jumeau qui a partagé le même ventre que moi. Soudainement, je me questionne. A-t-il toujours été comme ça ? En réalité, faisait-il semblant ? A-t-il réellement été de mon côté ? Je ne sais pas, je ne sais plus. 

Les questions se bousculent dans ma tête et je suffoque. Ma tête explose.

La vérité, c'est que j'ai toujours été seule. Je me retrouve finalement seule, dans ce brouillard. Je me sens trahie et au plus profond de moi, je suis prête à me venger. Je vais me venger de ce qui m'ont abandonné, de ceux qui m'ont menti et trahit. Je les haïs. 

Ma vengeance sera terrible. Ils ne sont pas prêts. Je le suis. 


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Luv, 

May. 

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Sa Majesté d'Éronde [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant