Enée se demanda si elle avait le niveau pour assister à ce cours. Elle avait arrêté l'école à la fin du premier cycle, à dix-huit ans, comme toutes les héritières. La suite de son apprentissage consistait à apprendre différentes facettes en accord avec son statut. Il s'agissait aujourd'hui du second cycle. Le cycle supérieur. Des élèves brillants, et venant de Hautes familles qui travailleraient certainement pour l'une des Cinq Maisons. Pour elles. Elle devait se montrer impénétrable. Elle aurait de nouveau à faire à certains d'entre eux, c'était certain. Elles se jetèrent toutes un regard complice. Chacune devait être parvenue à la même conclusion.
Quand le cours se termina, elles sortirent les premières puisqu'elles n'avaient pas d'affaires à ranger. Elles voulurent presser le pas pour s'éclipser en discrétion mais d'autres élèves passaient de tous côtés pour aller d'un cours à un autre et elles se retrouvèrent désorientées au milieu de tout ce mouvement.
Roman les rejoignit directement.
─ Mesdames, commença-t-il en regardant autour de lui, souhaitez-vous que je vous accompagne au deuxième cours ?
Non, vraiment pas, pensa Enée mais elle entendit Pénélope répondre que ce serait très gentil de sa part.
Elle serra les dents et suivit le groupe dont elle aimerait tant se défaire. Mais elle avait des obligations à respecter. Et mieux que ça, une promesse qu'elle s'était faite.
─ C'est un cours d'Ethos, pour renforcer le corps et ses mouvements, expliqua Roman en jetant un regard en arrière tout en marchant d'un pas vif.
Un cours de sport, traduisit Enée.
Le cours devait se dérouler en extérieur puisqu'ils sortaient de l'Académie tout en traversant le jardin.
─ Nous allons dans l'arène, dit finalement le jeune homme qui leur servait de guide.
En plus de devoir suivre cet horrible cours, il fallait qu'il se trouve à l'autre bout du campus.
Plus les heures passaient, plus la colère d'Enée s'intensifiait.
Suivre les autres, obéir, ne pas décider ce qu'elle faisait de son temps, étaient autant de raisons qui faisaient bouillir son sang. Encore une fois, elle serra les dents et suivit le mouvement. Parce que c'était son rôle. Parce qu'au bout du compte, elle avait quelque chose à y gagner.
L'architecture ovale se dressait devant les héritières. Elles observaient l'arène d'un air de défi, comme pour se motiver à ne pas faillir à leur devoir. Les élèves continuaient d'avancer. De l'autre côté de l'entrée, elles se retrouvèrent sur l'étendue de sable, terrain sur lequel il y eut de nombreux tournois. C'était palpable. Comme si les cris et les mots résonnaient à l'infini se heurtant à la pierre sans pouvoir sortir de l'arène.
Les gradins entouraient le terrain. Un homme et une femme sortirent de l'ombre pour se placer au centre des élèves. Les professeurs regardaient l'assemblée d'un air absent comme s'il pouvait s'agir de n'importe quel public et que cela ne changeait rien pour eux. Ils n'avaient pas remarqué les héritières, qui préféraient la discrétion. Et même si ils les avaient remarqués, il était probable qu'ils ne les reconnaissent pas.
─ On va pas perdre de temps, commença l'homme. Faites quatre fois le tour du terrain en guise d'échauffement.
Énée serra la mâchoire en fusillant l'homme du regard. Mais elle se tut et commença à trottiner à la suite des élèves, entourée par Pénélope, Lavinia, Nova, Belladonna et Griselda.
Les deux sœurs devinrent vite dernières mais elles n'avaient pas l'air de s'en soucier puisqu'elles étaient en train de parler même à bout de souffle. Pénélope gagna quelques places en remontant la file des étudiants. Énée l'observa. Nova commençait à traîner et fut finalement rattrapée par les deux sœurs. Lavinia et Énée gardaient une cadence correcte, désintéressées par l'exercice. Énée était rassurée de constater qu'il y avait au moins une chose qui ne piquait pas la curiosité de Lavinia : le sport.
Énée était partagée entre l'envie de s'arrêter pour suivre le cours depuis les gradins car son statut lui en donnait le droit. Mais le devoir de rester et de montrer l'exemple, tout en prouvant qu'elle était capable de réussir tous les exercices comme son statut l'exigeait. Ces contradictions lui donnaient la migraine. Elle se rassura en se disant qu'il s'agissait de faire un effort le premier jour et qu'elle serait plus libre le lendemain.
C'est ce qui la fit tenir les deux tours suivant alors que les élèves, qui savaient pertinemment qui elles étaient, leurs jetaient des œillades tandis que d'autres agissaient comme si elles n'étaient pas là. Roman donna une information à Pénélope et celle-ci acquiesça. Enée était trop loin pour l'entendre mais le jeune homme ralentit jusqu'à sa hauteur ainsi que celle de Lavinia.
─ Je suis navré, les professeurs ne se sont pas présentés à vous. Il faut savoir qu'il ne connaissent pas la moitié des prénoms de leurs élèves. Ne prenez pas leur comportement pour une offense, termina-t-il avec un soupçon d'inquiétude dans la voix.
Lavinia secoua la tête avec bienveillance.
─ Ce n'est rien, assura Enée en essayant de toutes ses forces de ne pas haleter. Nous n'attendons aucun traitement de faveur.
C'était faux, mais elle essayait de s'en convaincre.
Roman leur lança un regard entendu et poursuivit :
─ Il s'agit de monsieur Intevar et madame Raenisa. Je me suis dit que connaître leurs noms pourraient vous servir pour les appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit.
Les deux héritières le remercièrent et il ralentit un peu plus pour attendre Belladonna et Griselda afin de leurs transmettre les mêmes informations.
─ Revenez au centre ! cria le professeur.
Les élèves l'encerclèrent aussitôt.
─ Vous savez que les jeux approchent ! Cet hiver vous serez évalués et seuls les meilleurs resteront !
Il criait comme s'il fallait qu'un public situé dans les gradins l'entende. Mais il n'y avait personne dans les gradins. L'élève le plus éloigné du professeur était à cinq mètres de celui-ci tout au plus.
─ Deuxième exercice, poursuivit Raenisa en balayant le cercle du regard. Tiens, toi tu vas nous montrer l'exemple ! s'écria-t-elle en pointant Enée du doigt.
─ Non, je...
Un souffle d'air frais sembla traverser l'arène.
Les élèves se raidirent.
Un jeune homme devant émit un rictus.
─ Excuse-moi ? reprit la professeure.
─ Je suis nouvelle, je préfère laisser la place à quelqu'un d'autre.
Roman semblait nerveux.
─ Je ne me rappelle pas lui avoir demandé son avis ! s'esclaffa Raenisa en regardant les autres.
Belladonna et Griselda se retournèrent pour soutenir Enée.
─ Tu es nouvelle ? continua Raenisa en prêtant de nouveau attention à l'héritière. Et comment tu t'appelles avec ta petite voix de souris ? On ne t'entends pas bien...
Enée hésita à donner son véritable nom. Cela humilierait directement les professeurs qui n'avaient pas reconnus les héritières. Et ce n'était pas bon pour les relations. Elle devrait rester polie. D'un autre côté, les professeurs dépassaient les limites et leur comportement n'étaient pas tolérables. Le temps qu'elle réfléchissait, Raenisa était passée à autre chose et désigna un autre élève pour montrer l'exemple.
C'était ce qu'Enée croyait. Mais le cours ne faisait que commencer.
***
Bonsoir, comment ça va ?
Je m'excuse pour l'attente pour ce chapitre, j'ai été assez occupée ces dernières semaines. Et j'ai notemment été invitée à la soirée des captives. C'était trop bien !
Merci pour votre patience, je vais essayer de poster plus souvent et si jamais vous faites des Tiktoks sur Le trône des héritières, n'oubliez pas de m'identifier pour que je puisse voir :)
Bisous,
Solène.
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Le trône des héritières
FantasíaLe roi doit contrer une menace en donnant la main de sa fille à un héritier. Mais les héritiers sont tués. Il ne reste plus que les héritières.