Le trône des héritières

chapitre 32

Après des heures en montée, un paysage plus plat se dessinait devant les participantes.

Il n'y avait plus de spectateur, les plumes des Bardes griffonnant les parchemins demeuraient seules témoins. Avec quelques élèves de l'Académie qui avaient eu la chance d'avoir l'autorisation de vivre cet évènement légendaire.

Sur le chemin, les arbres étaient de plus en plus proches les uns des autres jusqu'à former une forêt sans issue.

Quand ils levaient la tête, il n'y avait plus que branches et feuillages, et quelques trois par lesquels le soleil s'infiltrait. Sans prévenir, le cheval d'Enée s'agita avant de tourner les talons et de partir dans une direction totalement opposée. L'héritière en eut le souffle coupé, et son cœur battit à tout rompre. Le choc la paralysa totalement pendant une minute qui paru durer trop longtemps. Et soixante secondes, à cette vitesse, c'était déjà assez pour s'éloigner bien plus qu'il ne le fallait pour se perdre.

Si le cheval était magique, la selle et les rênes ne l'étaient pas. Elle tira un coup sec sur celles-ci afin de stopper le cheval mais celui n'obéissait qu'à sa propre volonté.

De l'autre côté, Pénélope dut mobiliser toutes ses forces pour ne pas partir à sa poursuite. Elle n'avait pas le droit d'aider les héritières.

─  Son cheval est étrange, dit Lavinia.

Cette remarque cachait des questionnements auxquels Pénélope aurait pu répondre.

Les deux Bardes d'Antasion s'étaient élancés à la recherche de leur héritière pour ne pas manquer à leur devoir. Sinon, il manquerait un bout d'histoire.

C'est après une attente qui avait semblée interminable à Pénélope, que le bout du museau du cheval d'Enée réapparut d'entre les feuillages. Pour la première fois, elle poussa un soupir de soulagement en public ce qui lui valut une œillade de la part de Belladonna.

─  Je n'aurais pas aimé qu'on soit retardés dès le début, se justifia prudemment Pénélope d'un ton accusateur envers Enée.

Celle-ci caressa la crinière de sa monture d'un air de défi mais sans plus attendre, tous se remirent en route. Pénélope se blâma d'avoir laissé transparaitre son émotion.

Cela n'arriverait plus.

Le ciel commençait à rougir, le soleil à s'attendrir. Enée aurait voulu le retenir. Son voile de chaleur était le seul réconfort qu'elle parvenait à tirer de la situation. Mais le rouge se fondait dans l'orange, malgré l'ombre des branches. Et si la forêt continuait de s'étirer, ils n'en seraient pas sortis avant minuit. Les bruits provenant d'animaux reconnaissables ou de créatures inconnues se confondaient et se multipliaient.

─ Nous allons devoir camper, dit Pénélope.

─ Ou continuer jusqu'à trouver un endroit décent pour passer la nuit, proposa Belladonna.

Personne ne sait où se situe la limite de la forêt, protesta Pénélope. Ça pourrait prendre encore une journée.

Le cheval d'Enée fit un tour sur lui-même. La jeune femme serra les dents et les cuisses. Elle craignait qu'il se remette à courir dans une direction hasardeuse. Ce serait encore pire dans le noir. Ses poils se dressèrent à cette idée. Elle se frictionna les bras pour se détendre.

─ Il nous reste deux heures de cheval pour sortir de là, intervint Lavinia.

Les regards se tournèrent dans sa direction mais personne n'émit d'objection car tous avaient envie de la croire.

─ Très bien, concéda Pénélope, ceux qui veulent camper n'ont qu'à rester les autres peuvent continuer.

Les quelques étudiants de l'Académie hésitèrent.