chapitre 49

2.4K 197 2
                                    

Elles rentrèrent à l'auberge. Lavinia semblait avoir retrouvé un peu d'énergie portée par cette soirée agitée. Belladonna gambadait dans tous les sens, euphorique et rayonnante. Elle avait dû faire la conversation à chacune des personnes présentes dans la salle qui étaient sensibles à son charme. C'était généralement ce qu'il se passait quand elle se trouvait quelque part. Les gens se sentaient attirés. Griselda s'amusait un instant de ces conventions mais restait plus à l'écart. Sa sœur faisait bien le travail pour deux ce qui n'était pas pour lui déplaire. 

Enée fut la dernière à emprunter les escaliers. Elle tentait de ne pas perdre Pénélope de vue entre ce mélange d'étoffes, de costumes, d'accessoires et de coiffures qui les séparait.

Les parfums se mélangeaient, du lilas, au boisé, du cuir des bottes des Bardes à l'ambré. Quand Enée posa un pied en haut des escaliers, Pénélope avait déjà disparu. Elle hésita un instant à ouvrir toutes les portes pour la retrouver. Puis elle se rappela que quelques jours de marches les attendaient avant d'arriver à Encrion, le prochain lieu où elles pourraient trouver un lit. Alors elle s'engouffra dans sa chambre, retira soigneusement la robe qu'elle devait rendre à Nova, et se jeta sur son lit en roulant sur le côté.

Le soleil baignait les chambres de toute sa splendeur. Tout était plus lent que la veille. Mais le moment du départ arriva bien assez tôt au milieu d'un cercle d'habitants qui avaient retrouvés leur émerveillement. Belladonna s'étaient encore prise dans des filets de discussions qui s'allongeaient. Les héritières l'attendaient sur leurs montures. Enée avait donc retrouvé Parodos. C'était bien lui, le sentiment étrange qu'elle avait ressenti s'était dissipé. Elle avait aussi retrouvé son sac. Elle jeta un regard par-dessus son épaule pour voir où en était Belladonna avec ses fans puis elle envisagea l'horizon et ses grandes montagnes.

Quand elles purent enfin avancer, l'héritière d'Elégion, leur racontait ce qu'elle avait découvert au fil des conversations.

─ Il paraît que le désert de Légencre est splendide ! lança-t-elle. C'est dommage que nous ne puissions pas visiter toutes les merveilles dont on m'a fait part.

─ Personne ne t'en empêche, répliqua Lavinia.

─ Si j'y allais, ma puce, je ne serais pas là pour te barrer le passage au pied de la victoire.

Lavinia lui octroya un regard plein de défi.

─ Je vous inviterai avec joie faire le tour de mon royaume lorsque la compétition aura pris fin, tempéra Nova.

Elles mirent une journée entière à atteindre le haut du troisième et dernier sommet de Légencre. La lune était bien ronde et reflétait sa lumière argentée sur les contours d'Encrion. Pénélope était assise dans une étendue d'herbes souples à observer son royaume. Enée prit son courage à deux mains pour la rejoindre sans se préoccuper de ce que les autres pourraient en penser.

L'herbe crissait sous ses pas. Elle s'arrêta une seconde pour admirer la vue avant de s'assoir, les jambes rassemblées d'un côté.

─ D'ici on peut voir mon château. Il nous reste deux sommets avant de l'atteindre. Père a dû organiser un bal, révéla Pénélope comme si elle pensait à voix haute.

Enée méditait ses paroles en s'imaginant fouler le sol de marbre en ondulant dans une robe excessivement bien travaillée. Ce ne serait pas si facile. Elle en avait conscience. Mais elle savait aussi que ce beau moment qu'elles partageaient était en train d'être retranscrit par les quatre artistes aussi discrets qu'une ombre tapie dans leurs dos.

Ce n'était pas une mauvaise chose. Le public adorerait entendre le récit des instants privilégiés entre les deux héritières tant qu'ils restaient platoniques ce qui feraient gagner des points à Enée. La démonstration de sentiments pourrait en revanche être prise comme une trahison. En aimer une avant la fin du tournoi ne serait probablement pas bien vue. Dans cette Alliance il y avait bien plus en jeu que l'amour. Il s'agissait également de pouvoir. Bien que le public soit friand des histoires d'amour impossibles, mieux valait ne pas user de cette possibilité qui poserait sans doute plus de problèmes que de solutions à l'arrivée. Enée pensait aussi à la fin du tournoi. Que se passerait-il si elle ne gagnait pas ? Et si elle gagnait ?

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant