Le trône des héritières

chapitre 4

Le lendemain, les invités étaient rentrés chez eux. Enée était monté dans sa chambre pour rassembler ses esprits. Le bruit des vagues contre la falaise qu'elle entendait quand elle laissait la fenêtre ouverte lui avait déjà manqué. Elle réfléchissait aux paroles de Corbin.

Retrouver le meurtrier, et trouver une nouvelle recette d'Encran pour sauver le monde.

Le Narrateur d'Encrion allait demander à Theron de sauver le monde ? Un prince devait se montrer aussi doué qu'un héro mais ce n'était pas son frère qui allait réussir à sauver qui que ce soit.

Enée éclata d'un rire rempli d'amertume.

Par où allait-elle commencer puisqu'elle savait déjà qui avait tué Theron. Ses propres mains. Et sa propre dague.

Elle se mit à rire de plus belle.

Peut-être fallait-il qu'elle se dénonce pour gagner le tournoi.

Elle pleurait de rire à cette idée.

En revanche, le meurtre de Bram était un mystère. Qui aurait pu commettre cet acte ? Elle n'en avait aucune idée. Par où commencer était la question qui revenait en boucle dans ses pensées. Peut être devait-elle retourner à l'endroit où Nova l'avait trouvé pour chercher un indice. Mais s'il y avait quoi que ce soit, les gardes l'aurait déjà signalé.

Se rendre à Légencre pour poser des questions à Nova sur Bram restait la meilleure solution qu'Enée avait. La première étape qui lui indiquerait, avec un peu de chance, où chercher. Elle se leva pour observer les vagues depuis sa fenêtre, mais une silhouette au loin attira son attention. Il n'y avait jamais de promeneurs. Jamais personne. 

Elle cachait une partie de son visage derrière l'épais rideau blanc aux broderies dorées. Une autre silhouette apparut au fur et à mesure qu'elle remontait la petite colline. Enée devina immédiatement leurs identités. Nova, Lavinia. Les deux héritières avaient sans doute eu la même idée qu'elle. Lui poser des questions sur Theron comme elle voulait en poser à Nova sur Bram. Mais elles avaient été plus rapides. 

C'était la dernière chose dont Enée avait envie : parler de son frère. 

N'en serait-elle donc jamais débarrassée ? Il était mort mais semblait présent. 

Elle n'avait plus du tout envie de rire. 

Il fallait qu'elle joue à la sœur éplorée comme si les deux derniers jours n'étaient pas suffisants. Enée observa de nouveau les deux silhouettes maintenant qu'elles étaient plus proches. Elle étaient vêtues entièrement de noir. Elle enfila rapidement la seule robe noire qu'elle avait pour jouer le jeu et descendit les accueillir. 

─ Je suis contente de vous voir, mentit-elle. 

─ J'aurais pu rester toute la journée à pleurer dans mon lit mais il fallait que je me change les idées, avoua Nova. 

─ Tu as bien fait, entrez !

Finalement elles décidèrent de s'assoir dans le jardin. Sur une fine couverture rose pâle, déjà tâchée par les pique-niques passés. 

─ Comment tu vas ? osa demander Lavinia.

Enée se posait elle-même la question et finit par répondre qu'elle ne réalisait pas encore la situation et que c'était sans doute ce déni qui la faisait tenir debout. 

Le soleil filtrait à travers les feuilles de l'arbre sous lequel ils jouaient tous au trône d'Encran étant enfants. Enée repensait au sourire de Jairus, mais chassa cette image au plus vite.

─ Vous êtes venues me poser des questions sur Theron ? 

─ Oui, dit Lavinia. C'était l'objectif mais on n'est pas obligées si tu...

─ Non, il n'y a pas de soucis. A vrai dire vous risquez d'êtres déçues, je ne sais pas trop quoi dire, ajouta Enée. 

Elle lissa un bout de couverture qui s'était replié à cause d'un léger vent. 

─ Sais-tu ce qu'il faisait dans la salle de bains ? commença Lavinia, les mains posés sur ses genoux. 

Nova avait replié ses genoux contre sa poitrine et avait posé sa tête dessus comme si elle ne pouvait plus en supporter le poids. 

Enée était adossée au tronc, les jambes allongées, face à l'océan. 

 ─ Vous savez quoi ? J'ai une meilleure idée. Il se rendait souvent à la taverne Encran du port. Il y retrouvait ses amis. 

Lavinia semblait intéressée. 

─ C'est une bonne idée, il faut bien commencer quelque part. Ses amis ont peut-être remarqué quelque chose. Un changement dans son attitude, de nouvelles fréquentations, répondit elle. 

 Enée acquiesça et Nova semblait dans son monde. Elle les suivrait de toutes façons. 

Lavinia se demanda si elles étaient censées s'entraider. Quand elle posa la question, Enée lui répondit qu'elles n'avaient pas vraiment le choix pour commencer. 

Elle savait que le tournoi les forcerait à devenir rivales au bout d'un moment. Mais pour l'instant, il n'y avait pas besoin de s'entretuer.

─ Vous pouvez m'être utiles, je vous tuerais plus tard, plaisanta Enée.

Lavinia sourit en lui assénant un coup de coude alors qu'elles se levaient pour se faire escorter jusqu'en ville.