chapitre 48

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L'Opéra était un théâtre des plus luxueux aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les héritières étaient installées sur la première rangée de sièges en velours dorés qui s'étendaient jusqu'aux balcons sur deux étages. Ce devait être passionnant le métier de Bardes. Chaque représentation était unique, ce n'était jamais le même lieu ni le même public. Il suffisait d'un endroit comme celui pour que les mêmes paroles raisonnent d'une autre façon.

─ Regardez ! Nous sommes assis derrière les heritières ! murmura une voix indiscrète provenant du rang de derrière.

─ Pénélope est magnifique, répondit une voix plus grave.

Enée devinait qu'il s'agissait d'un groupe d'amis.

─ Tu devrais tenter ta chance, répliqua une seconde jeune femme. Elle ne trouvera sans doute pas son bonheur parmi ses amies si tu vois ce que je veux dire.

Il pouffa, elle poursuivit dans son élan :

─ Quelle idée saugrenue ! Tout cela parce qu'il n'y a plus d'héritiers !

Les trois amis rirent en se délectant de leur conversation.

─ Je leur proposerai mon aide une fois qu'elles seront mariées, renchérit l'imbécile.

Une main sur le ventre et l'autre sur la bouche, les deux autres étaient sur le point de s'étouffer de rire.

Enée cherchait la meilleure réponse cinglante parmi toutes celles qui se proposaient à son esprit en ébullition mais le calme prit le dessus et les rideaux s'ouvrirent sous une lumière éblouissante, alors elle serra les poings. Les acclamations étaient distinguées. Comme s'il était impoli de trop crier. Les Bardes avaient des costumes étincelants. Teague et Arlo avaient revêtu un costume bleu par-dessus une chemise blanche au col bien ajusté avec le blason d'Antasion brodé de fil d'or. Pareil pour ceux des autres Maisons. Harper et Jehona étaient les seules femmes et avaient optées pour des robes rouges aux broderies dorées. Elles étaient assorties. Les chants avaient commencé lentement pour s'envoler jusqu'au plafond. Tous les faits et gestes des héritières étaient transformés en exploits. Mais grâce aux Bardes de Pénélope, certains chapitres étaient effacés dont elles étaient les seules gardiennes. Harper joint sa lyre aux autres par-dessus un fond musical tapis par un orchestre exceptionnel.

La dernière note s'arrêta brusquement pour donner cet effet de suspension avec lequel chacun devait s'arranger pour redescendre. Comme une inspiration qu'il fallait expulser. Des lèvres entrouvertes.

Les rideaux se refermèrent. S'en suivit une ribambelle de personnes se ruant vers les héritières simplement pour les saluer, parfois pour discuter de sujets pouvant aller de l'encouragement jusqu'aux questions de cour.

Enée se désintéressa rapidement de cette mascarade mais tentait de répondre du mieux qu'elle le pouvait. Elle congédia une femme et avant que quelqu'un d'autre n'apparaisse, elle repéra le groupe d'amis avec qui elle avait envie de faire connaissance.

Ils étaient debout, un peu plus loin en train de commenter l'histoire qu'ils venaient d'entendre. Le jeune homme afficha une mine séductrice sous ses boucles blondes, étant posté contre le mur un pied nonchalamment appuyé contre celui-ci, il était le seul à voir Enée arriver contrairement à ses deux amies qui étaient de dos. L'une portait des gants qui lui montaient jusqu'aux coudes. Celle de gauche se retourna pour comprendre ce qui attirait l'attention de son comparse.

─ Mesdames, les salua Enée avec éloquence.

Elle s'en félicita intérieurement.

─ Monsieur, ajouta-t-elle en détournant son visage du regard hypnotisant de la brune.

Il devait croire qu'elle venait pour lui.

Il avait raison.

Mais pas comme il le pensait.

Si elle voulait gagner ce tournoi, il fallait qu'elle commence à donner de quoi faire couler de l'Encran. Elle attendit patiemment que Teague et Arlo la rejoignent pour se poster derrière elle pendant qu'il languissait.

─ Je suis simplement venue vous dire que je comptais gagner ce tournoi. Et que je n'aurais pas besoin de vos services pour faire plaisir à ma femme. Si vous voyez ce que je veux dire.

Son teint devint livide, la malice se transforma en colère dirigée par la honte. A ma droite, la jeune femme porta une main gantée à sa bouche grande ouverte, surtout choquée par le fait qu'Enée ai entendu leur débat que par empathie pour lui, tandis que celle de gauche pouffa. Il lui lança un regard assassin.

─ Mesdames, si vous voulez bien m'excuser, termina-t-elle d'une voix langoureuse.

Elle tendit une main à celle de droite, celle-ci déposa la sienne par-dessus et Enée glissa un baiser aussi doux qu'amer sur la soie. Elle répéta le même geste avec la brune et tourna les talons pour regagner sa place. Ils ne seraient peut-être plus amis après ça, mais au moins ils avaient saisi l'idée. Et comme elle était retranscrite, le public suivant pourrait en profiter. Elle aurait juste besoin d'air au moment d'assumer. Pour le moment, elle continuait de répondre aux questions qu'on lui posait. Malheureusement, beaucoup étaient en lien avec Theron. D'une oreille distraite elle entendait aussi Pénélope converser.

─ Choisir une héritière par dépit n'est-ce pas un trop gros sacrifice ? lui demanda une femme avec une ride d'inquiétude entre les sourcils.

─ Un sacrifice ? répéta Pénélope pour savoir dans quel sens prendre la question.

─ Je veux dire que vous résigner à épouser une femme pour le bien de votre peuple est un acte courageux.

Le reproche était masqué sous les couches de politesse.

─ Un sacrifice c'est lorsque que l'on ait contraint. Je veux épouser une héritière de mon plein gré.

─ Vous voilà bien galante avec ces dames. C'est gentil de votre part.

─ La gentillesse n'a pas sa place là où résident les sentiments, reprit Pénélope avec son plus grand sourire courtois. J'aime les femmes. Et de manière très impolie.

La dame lui asséna un regard accusateur empli d'incompréhension.

─ Ecoutez, j'aurais été gentille si j'avais épousé un homme alors que mes sentiments pour eux sont incapables d'éclore. Je dirais même que j'aurais été idiote. Mais vous n'êtes pas obligée de partager mon avis.

─ En effet, trancha la dame avec une perplexité persistante. Mais les héritières le partagent-elles ?

─ L'intérêt n'est pas étranger à ces tourments. Certaines préfèrent les héritiers mais encore plus le pouvoir.

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant