chapitre 56

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Elles n'avaient pas parlé davantage, se contentant de se blottir l'une contre l'autre. Puis Pénélope avait rejoint sa chambre avant l'aube, plus confuse que la veille. En avait-elle trop dit ? Elle n'avait pourtant plus la sensation qu'il s'agissait d'une erreur. Enée devait savoir. Même si cela ferait d'elle une cible. Elle serait là pour la protéger. Quelqu'un frappa à la porte d'Enée. Celle-ci hésita à ouvrir. Elle mit quelques secondes avant de se décider. Une boite était déposée au sol mais il n'y avait personne. Elle se pencha pour la ramasser et s'installa sur le fauteuil pour en découvrir le contenu. Encore une fois, elle hésitait, le cœur battant. Il pouvait s'agir d'un piège après ce que Pénélope lui avait raconté. Elle prit une grande inspiration avant de défaire l'attache en métal doré, puis une autre en soulevant le couvercle en bois. Elle put relâcher l'air de ses poumons en constatant qu'aucun serpent ne lui avait sauté à la gorge. Elle souleva un socle rectangulaire enveloppé dans un tissu pourpre qu'elle retirait avec précaution, les mains tremblotantes. Et la lame brillait dans son écrin sur mesure. La dague que le forgeron lui avait créée était absolument sublime. Elle n'en avait jamais vue de pareille. Elle testait son poids en la déposant à plat sur sa paume. La poignée était divisée en deux petits arcs qui pourraient passer pour des ornements lorsqu'elle la coincerait dans son décolleté. Pour finir, la lame était incurvée des deux côtés pour se loger parfaitement entre ses seins.

Enée n'avait aucune envie de se battre, ce soir. Pourtant elle était déjà dans les coulisses de l'Arène à attendre que les Bardes aient terminé leur prestation pour ouvrir le combat. Toutes étaient en train d'ajuster leurs amures, leurs manchettes, de lacer leurs bottes. Il n'y avait rien à dire, juste à attendre. Le sol tremblait presque sous l'enthousiasme du public dans les gradins. Enée se logeait dans le paradoxe de vouloir briller, de réussir, de gagner et celui de trouver tout ce spectacle absurde. Les paroles de Pénélope venaient contrebalancer ses propres pensées. La balance penchait dans un sens puis dans l'autre luttant pour trouver son propre équilibre.

Une énième vague d'applaudissements plus puissante que les précédentes alerta Enée qui sentait l'approche des combats arriver. D'après ce qu'on leur avait expliqué, celle qui tuerait la créature pourrait se vanter de la victoire. Enée ne savait plus si c'étaient le sol ou ses jambes qui tremblaient. Un peu les deux. Elle tentait de se calmer en s'alignant à côté des autres héritières prêtes à franchir les portes de l'Arène lorsqu'un homme blond au visage dur se plaça à sa droite.

Elle l'observa du coin de l'œil ne sachant pas si elle devait lui demander ce qu'il faisait là. Elle serait bien embarrassée s'il s'agissait simplement d'un soldat venu les escorter au milieu de l'Arène.

─ Nous pouvons vous aider ? l'interpella Belladonna sur ses gardes.

L'homme lui offrit un large sourire.

─ Non, merci.

Avant qu'elle n'ait pu répondre, les portes s'ouvrirent en grand. Les gradins semblaient si loin. Enée se sentait toute petite. Mais il fallait qu'elle gagne. Il fallait qu'elle soit avec Pénélope. Elles avancèrent, le menton levé, jusqu'au centre. Les battements du cœur d'Enée semblaient faire la course avec le rythme du public qui tapait dans ses mains, et elle était en tête de liste.

Elles levaient la tête, pas seulement par fierté mais surtout pour voir l'homme qui, à l'étage du dessus, annoncera le début du combat. Dans une main elles tenaient l'arme que le forgeron leur avait créée, dans l'autre un bouclier. Enée observait l'homme blond qui semblait finalement faire partie des candidats. Pourtant personne n'avait mentionné son nom et il ne s'était pas présenté. Tout comme Iryssa. Qui était-il ?

Des coups retentissaient, du métal, et un cri guttural. Comme s'il sortait du fond des abysses.

Le bruit provenait de derrière elles. La créature qu'il fallait abattre. Mais elle n'était pas encore là. Il y avait une porte en métal aux rouages encore plus élaborés que celle du forgeron. Enée était certaine qu'il en était à l'origine. Elles se retournèrent pour observer les hommes armés jusqu'aux dents chargés de déverrouiller le mécanisme de métal afin de libérer la créature. Ils étaient plusieurs pour soulever une barre de métal qu'ils déposèrent indélicatement plus loin puis ils se divisèrent en deux groupes pour tirer sur les double-portes. Elles étaient si lourdes qu'ils grimaçaient en reculant.

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant