chapitre 11

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Enée contempla la scène qui s'offrait à elle. L'Académie était un bâtiment en U, tout de pierres blanches, de voûtes et de colonnes décorées de moulures. L'entrée principale était une immense double porte au centre. Le tout était entouré d'une pelouse s'étendant presque à l'infini. Il y avait aussi des bancs et la statue de Polymnie trônant milieu de la cour. Du lierre et des fleurs lui grimpaient dessus. C'est tout ce qu'Enée eut le temps d'observer avant qu'une grande femme aux cheveux roux s'approche.

Elle avait un air assuré. Elle occupait un poste important à en juger par sa posture semblable à une muse. Elle avait le teint d'opale et de grands yeux marrons qu'elle plissait comme pour mieux discerner à qui elle avait à faire. Il émanait d'elle quelque chose de rassurant comme le poids de l'expérience. Elle devait bien avoir quarante hivers derrière elle.

─ J'espère que vous avez fait bon voyage, amorça-t-elle d'une voix presque grave.

Enée acquiesça sans ouvrir la bouche, trop occupée à détailler avec discrétion cette inconnue.

─ Oh, j'enverrais quelqu'un chercher vos bagages. Suivez-moi, ne tardons pas.

Enée obéit. Elle n'avait pas d'autre choix. Elle se sentait prisonnière, pourtant elle se trouvait de l'autre côté de l'île. Celle où il n'y a pas de barreaux. Tout le monde savait que l'île de Mytilène était divisée en deux. Au nord il y avait la prison. Au sud, l'Académie. Enée frissonna à cette pensée. Elle marchait à hauteur de la femme, ne voulant pas rester en retrait. Elle n'avait aucune envie de passer pour une élève. Elle avait déjà reçu son éducation. Que ça reste dans le passé !

Les deux femmes traversaient l'étendue d'herbe presque devenue jaune. Il n'y avait pas eu de pluie depuis quelques temps. Sur leur passage, des élèves tournaient la tête avec curiosité. Enée ne prit pas le temps de les regarder.

Contrairement à ce qu'Enée avait anticipé, elles ne passèrent pas par la porte centrale mais contournèrent le bâtiment.

─ Je ne veux pas que votre présence provoque un rassemblement, expliqua la femme.

Enée hocha la tête. Elles marchaient d'un pas pressé si bien qu'elle ne put appréhender ce qui l'entourait. Tout n'était qu'enchaînement de murs et de colonnes. Elle aurait malheureusement le temps de s'imprégner des détails les semaines suivantes. Son hôte ouvrit une porte sans prétention, c'était facile de ne pas la remarquer. La suite ne fut que labyrinthes de couloirs. Enée tentait de ne pas montrer son agacement. Elle était énervée et fatiguée, et maintenant elle était obligée de suivre cette femme à travers des lieux inconnus. Après quatre étages d'escaliers en colimaçons, elles s'engagèrent dans une petite pièce dont l'esthétisme ne contrastait pas avec tout ce qu'Enée venait de voir : pierre blanche, marbre bleu clair, et finitions dorées sans oublier les moulures. La femme prit place derrière le bureau en bois, son bureau, qui trônait au milieu de tout le reste.

─ Asseyez-vous, dit-elle avec un sourire chaleureux en désignant l'un des deux fauteuils qui lui faisaient face.

─ Merci, marmonna Enée.

─ Maintenant que nous sommes au calme, je vais pouvoir me présenter. Je suis Séraphine, la directrice de l'Académie. Suite à la lettre urgente que nous avons reçu de votre père, nous avons pris des dispositions pour vous accueillir. D'ailleurs les autres ne devraient pas tarder. Quand vous serez toutes présentes, je vous ferai visiter les lieux.

─ Bien, répondit Enée.

─ En attendant, racontez-moi quelle est cette menace ? J'ai cru comprendre que vous aviez fait face à une attaque récemment.

Enée se surprit à avoir hâte que les autres héritières arrivent pour retrouver un air familier. Elle avait du mal à réfléchir mais se força à se remémorer l'attaque.

─ Avec Pénélope nous étions en route pour rendre visite à notre amie Nova. Quand nous sommes arrivées à Légencre, un groupe d'hommes nous ont attaqué. Ils ont d'abord touché deux de nos gardes avec leurs flèches.

Séraphine écoutait avec une attention particulière.

─ Comment étaient-ils vêtus ?

Enée était surprise par la question.

─ Ils avaient des capes noires, et des capuches qui nous empêchaient de distinguer leurs visages.

Séraphine semblait prendre l'information très au sérieux, là où les Narrateurs avaient simplement pensé à un groupe de malfrats.

─ Très bien, nous ne laisserons personne ressemblant à votre description entrer sur l'île.

La sécurité était donc la raison de son intérêt.

Quelqu'un frappa à la porte. Séraphine le laissa entrer.

─ Un bateau approche, dit l'homme.

Séraphine le remercia avant de le congédier. 

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant