L'aube arriva. Le sommeil manquait. Il y avait une lourdeur comme s'il fallait porter l'air sur ses épaules. Il n'y avait rien de plus lourd que l'air quand on y pensait. L'air entremêlé de mots pensés ou de mots prononcés. De soupirs. De découragement.
C'étaient des mouvements plus lents, traîner des pieds, et chercher un sens.
─ Rappelez-vous pourquoi vous êtes là, amorça Belladonna. Répétez-vous les raisons pour lesquelles vous devez gagner. Et surtout celles pour lesquelles vous ne voulez pas perdre. Elles tournent en boucle dans vos esprits, n'est-ce pas ? Elles vous rongent jusqu'à vous faire croire que c'est impossible ? Il n'y a qu'un moyen de les faire taire. Tout donner sans rien leur laisser.
Elle avait déjà tenu ce genre de discours par le passé pour remotiver ses soldats. Si la paix entre les Cinq Maisons demeurait intacte depuis très longtemps, cela n'avait pas toujours été le cas au sein d'une même Maison secouée par des conflits internes. Ses mots avaient eu pour effet d'estomper l'attitude maussade de ce début de journée.
Elle ne l'avait pas fait par charité, mais pour ne pas avoir à traîner un groupe comme un boulet à ses chevilles. Il était presque impossible de voyager seule puisqu'ils allaient dans la même direction. Et prendre de l'avance ne serait pas si simple.
Le chemin était pareil à celui d'hier et à celui du premier sommet. Un tapis de terre séchée déroulé au milieu des vallées.
Enée se forçait à rester à quelques chevaux de Pénélope se contentant d'admirer sa chevelure qui se balançait en avançant. C'était démoralisant de courir après les épreuves sans savoir quand elles allaient apparaître. Le seizième sommet était un point de repère auquel s'accrocher.
Les collines défilaient à droite, à gauche, mais la prochaine leur fit face à l'endroit où le chemin se divisait en deux pour la contourner. Mais ils partaient dans des directions bien opposées, assez pour comprendre qu'il ne se rejoignaient pas à l'arrivée.
─ Comment choisir ? s'épouvanta Lavinia.
─ Au hasard, proposa Nova.
Les élèves commençaient à débattre au sujet d'un cours auquel ils avaient assisté l'année précédente. A cet endroit l'herbe était haute et chatouillaient les chevilles de ceux qui étaient descendus de leurs montures. Enée resta bien accroché à Parodos parce qu'elle n'était pas certaine de pouvoir remonter si l'humeur de celui-ci déclinait.
Elle s'impatientait face à l'indécision collective puisqu'elle avait déjà fait son choix. Elle s'engagerait sur le même chemin que Pénélope, que ce soit celui de gauche ou celui de droite. Qu'il y ait des loups ou des dragons.
Elle avait aussi eu des cours interminables sur le Mont Hélicon, comme toutes les héritières, hélas les manuels ne donnaient pas la solution aux impasses. Ces terres étaient trop imprévisibles. La théorie était large et dense mais pas assez pour s'appliquer aux contrariétés de l'action.
─ On dit que personne n'emprunte celui de gauche, dit un élève qu'Enée ne reconnut pas.
─ Très bien, c'est celui que je choisis ! trancha Pénélope.
Les héritières se toisèrent un instant.
─ Est-ce une autre épreuve ? demanda Griselda d'un ton qui ressemblait plus à de la curiosité qu'à de l'implication.
─ Nous devons suivre la princesse peu importe la route qu'elle prendra, poursuivit Belladonna. N'est-ce pas le devoir d'un héritier ?
Enée se demanda pendant une seconde si Pénélope était effectivement dans la confidence avec les Narrateurs et qu'elle devait tester les héritières pour voir jusqu'où elles étaient prêtes à la suivre. Si c'était le cas, elle se sentit un peu trahie malgré le fait de savoir qu'un traitement de faveur n'était pas raisonnable. Elle en bénéficiait déjà assez en réalité.
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Le trône des héritières
FantasíaLe roi doit contrer une menace en donnant la main de sa fille à un héritier. Mais les héritiers sont tués. Il ne reste plus que les héritières.