chapitre 17

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─ Montre nous ce que tu sais faire, ordonna Raenisa à l'élève désigné à la place d'Enée.

Il était brun aux yeux verts, l'air vainqueur et un sourire en coin. Il savait qu'il était bon et c'était très énervant. Encore un qui rentre parfaitement dans le cadre, s'agaça Enée. Rien de plus déprimant. Vas-y fonce, fais ce qu'on te dit. Bon garçon.

Enée n'avait pas écouté la consigne mais elle allait très vite comprendre l'exercice en observant le jeune homme s'exécuter.

Le professeur annonça le départ et le jeune homme démarra en trombe. Du sable s'élevait sous ses semelles. Il courrait à une vitesse folle en direction des gradins. Et en à peine quelques secondes il était parvenu à l'étage le plus haut, avalant les marches comme si le sol était plat et non en montée constante.

Au sommet il cria son nom d'une voix puissante.

"PEARCE ARTUS"

Enée en ressentit la vibration sur sa peau.

─ Prend en de la graine, ça va être ton tour, chuchota Raenisa à son oreille.

Enée frissonna de dégout. Qu'elle aille s'occuper de son cul, non ? Elle avait épargné Raenisa d'une humiliation une fois, mais elle insistait. Enée ne l'épargnera pas une seconde fois.

─ L'objectif est de clamer son nom sans être à bout de souffle tout en étant audible par tout le monde. Puisque tu es nouvelle, c'est l'occasion de faire les présentations.

Raenisa allait rapidement ravaler son ironie si Enée parvenait à crier son nom depuis le haut des gradins. Mais l'héritière n'était pas certaine d'en être capable. Sa voix faible ne lui permettrait peut-être pas d'accomplir cet exercice. Pire ! D'en sortir la tête haute.

Quand Pearce revint, il lui tapa dans la main. Enée comprit que c'était son signal de départ. Tous les yeux étaient rivés sur elle. Pénélope passa devant les élèves pour mieux voir, les yeux plissés comme pour anticiper la situation. Enée ne jouait pas que son honneur. Elle se rappela qu'elle pouvait faire tout et n'importe quoi. Tout ce qu'elle voulait, ou ne voulait pas.

Elle cessa de réfléchir et monta les marches sans se presser. Elle pouvait sentir le jugement des professeurs dans son dos mais n'accélérait pas pour autant. Ses jambes voulaient flancher sous la pression mais, encore une fois, elle chassa toutes les pensées qui l'encombraient et continua à gravir les gradins jusqu'en haut. Quand elle fut arrivée au sommet, il lui fallut oublier les jugements pour se retourner avec fierté. 

C'était le moment qu'elle redoutait le plus. Crier son nom. 

Sa voix n'avait jamais été puissante. 

Pourtant il fallait qu'elle le soit. 

Elle apercevait Pénélope et les autres héritières, attentives à ce qu'elle allait faire. 

Elle voyait vaguement les mines renfrognées des deux professeurs. Et la confusion de la part des élèves autour. Cette vue du haut des gradins lui donnait le sentiment d'être assise sur le trône, et de décider. 

Elle avait le pouvoir entre ses mains. 

Dans son nom. 

Elle n'avait qu'a le prononcer. 

Mais avant qu'elle n'ait le temps d'ouvrir la bouche, elle vit Pénélope se rapprocher des professeurs. Le coeur d'Enée rata un battement, comme si elle venait de se rendre compte de la situation dans laquelle elle se trouvait. Jamais sa voix ne serait assez audible. Ils la verraient remuer les lèvres sans entendre le moindre son. 

Alors qu'Enée faisait face à son public improvisé, Pénélope sembla lire dans ses pensées car elle s'écria :

"JE VOUS PRESENTE ENEE BESSETA, HERITIERE D'ANTASION."

Le visage de Raenisa se figea. Intevar fronça les sourcils. Tandis que les élèves qui avaient conscience de leurs présences depuis le début se mirent à applaudir. Enée salua sans laisser paraître ses émotions. Pénélope venait de la sauver. Ce qui devait être un exercice raté ressemblait à une belle mise en scène de présentations. 

Enée souffla. Elle redescendit en laissant l'adrénaline se calmer. 

─ Pardonnez-moi... bafouilla Raenisa. J'ai beaucoup d'élèves et... peu importe. 

Intevar acquisça et mit fin au supplice de sa collègue. 

─ Le cours est terminé. Veuillez regagner l'enceinte de l'Académie. 

Les élèves se dirigèrent vers la sortie sans se faire prier. Les héritières suivirent le mouvement. Enée reprit une grande inspiration quand elles furent enfin dehors. 

─ Quel horrible cours, s'exclama Belladonna. Comment vas-tu Enée ?

─ Ça va, merci. Je voulais rester polie mais je ne savais pas comment réagir. Merci Pénélope. 

Celle-ci lui répondit avec un regard entendu.

─ Ne me remercie pas, je l'ai fait pour nous toutes. 

Roman se fraya un chemin à l'encontre des élèves pour rejoindre les héritières. 

─ Ne t'excuse pas, ordonna d'emblée Enée. Tu n'es pas responsable du comportement de tes professeurs. 

─ Bien, fit le jeune homme d'un air navré. Les cours sont terminés. Je vais vous raccompagner chez vous. 

─ Merci, répondit Pénélope. Ne perdons pas de temps. 

Enée était impatiente de s'installer dans son appartement afin de ne plus en sortir. 

Elles traversèrent une nouvelle fois le village étudiant, beaucoup plus animé que la première fois. Certains rentraient chez eux. D'autres étaient déjà rentrés et en train de préparer le dîner, Enée le devinait par les odeurs qui se dégageaient de certains appartements. Tandis que d'autres parlaient entre eux au milieu du chemin ou sur le pas de la porte. Mais tous s'arrêtaient quand elles passaient devant.

Quelques minutes plus tard, Roman les laissa enfin devant l'entrée de leur résidence en s'assurant qu'elles n'avaient besoin de rien. Elles entrèrent et quand Pénélope poussa la porte du premier appartement, Belladonna et Griselda poussèrent un cri d'effroi. 

Séraphine se tenait là, debout, à l'intérieur. 

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant