Le trône des héritières

chapitre 31

─ Tu seras où pendant le tournoi ? demanda Harper à Pénélope.

─ Je suivrais les héritières, comme vous. Les Narrateurs ont décrété qu'il serait plus intéressant que la principale intéressée soit présente. Je les soupçonne de me réserver quelques surprises.

Il ne restait plus que quelques heures avant le début de la première épreuve. Le voyage jusqu'Antasion avait été moralement éprouvant. Toutes s'étaient torturé l'esprit ne sachant pas à quoi s'attendre.

Seule Belladonna semblait conserver son enthousiasme alors que le voyage depuis Elégion était bien plus long.

Les Narrateurs, les Bardes, et les héritières étaient désormais réunis au pied du premier sommet du Mont Hélicon.

La cérémonie de lancement allait bientôt commencer. Pour l'instant il ne s'agissait que d'une agitation désordonnée qui attendait de prendre forme.

Pénélope ne pourrait pas s'approcher d'Enée avant que l'épreuve ne soit lancée. Il y avait trop de monde et elles étaient toutes surveillées.

On laisserait bientôt le peuple d'Antasion et des voyageurs venus exprès pour l'occasion s'approcher pour assister, encore une fois, au plus près de l'évènement.

L'installation n'avait pas été aisée entre les arbres isolés éparses, et le sol irrégulier.

Une estrade de bois était en train d'être montée pour les Bardes.

L'odeur de la terre fraiche emplissait les narines d'Enée. Allait-elle survivre ne serait-ce qu'une minute dans ce tournoi ? Il n'était pas mortel pour les autres. Elle était différente. Son secret pourrait bien être aussi aiguisé que la lame d'une épée qui transperce la chair.

Elle se triturait les mains, le regard perdu dans le vide, suppliant d'être engloutie par une autre réalité.

Elle croisa les yeux de Pénélope et elle ne remarqua pas immédiatement que sa bouche s'était entrouverte comme pour laisser échapper des questions. Elle déglutit, tout en se détournant de l'héritière d'Encrion, faisant mine d'inspecter les préparatifs.

Il y avait un secret plus grand que le sien, elle pouvait le sentir.

Il emplissait l'air, comme un brasier prêt à étendre ses bras de flammes.

Peut-être était-ce toujours la peur qu'Ashera avait ravivé qui picotait le nez.

Ou bien l'angoisse du tournoi qui lui faisait perdre la tête.

Elle eut froid, mais la tenue aussi bleue que la nuit qui tombe qui lui avait été confectionnée ne se cordonnerait pas avec un manteau. Contrairement à l'incroyable tenue de Belladonna. Elle avait pensé à tout. Son manteau aux manches évasées était conçu pour s'assembler avec sa robe. Si bien que l'ensemble ne semblait faire qu'un. Une seule pièce, autour de laquelle elle avait pu nouer une ceinture.

Elle se tenait droite, l'air serein.

Enée tentait de l'imiter, pour se convaincre qu'elle avait sa place. Mais ce n'était qu'un leurre. Elle n'a jamais eu de place, elle devait sans cesse dégager le passage devant elle.

Griselda n'avait pas la même soif de reconnaissance que sa sœur mais son allure n'était pas moins radieuse. Enée se demandait pourquoi elle ne pouvait pas se prélasser dans un bain de certitudes, elle serait sans doute plus apaisée. Elle rayonnerait peut-être.

Chacune des héritières étaient un rayon autour d'un même soleil, Enée devait être la lune.

Harper et Jehona attendaient aussi en retrait en train de répéter leur prose entourées des autres Bardes officiels. L'Académie était présente, avec Séraphine. Les élèves plus âgés aidaient à la préparation. Les professeurs donnaient des indications.