─ Je trouverai un moyen de te sauver, affirma Pénélope.
Enée ouvra la bouche. Refléchit. Puis la referma.
Elle ne protesta pas. Elle avait juste envie d'y croire.
─ Si le sort fonctionnait encore je serais déjà morte, pensa-t-elle.
Pénélope fit mine de réfléchir.
─ Si tes sentiments sont sincères, alors oui.
─ Ils le sont.
Pénélope hocha la tête en essayant de comprendre. Elle avait une hypothèse.
─ Tu m'as bien dit « tous les héritiers qui tombaient amoureux de moi mourraient » ? s'assura-t-elle.
Enée acquiesça sans conviction parce qu'elle avait déjà retourné le problème dans tous les sens.
─ Les sorts font ce qu'on leur demande. Il n'a pas dit les « héritières ».
C'était la seule option à laquelle Enée n'avait pas pensé et elle semblait tout à fait plausible. La magie encranienne ne fonctionnait qu'avec les mots. Les bons mots. Cet idiot n'avait pas pensé que sa sœur succomberait au charme de sa future épouse. L'idée ne lui avait sans doute jamais effleurée l'esprit. Et même si elle l'avait fait, il n'y aurait pas prêté attention. Comme s'il s'agissait d'une histoire impossible.
L'espoir lui redonna des couleurs et elle se leva d'un bon pour étreindre Pénélope dans ses bras. Elles s'écartèrent un instant pour se contempler puis Pénélope leva son bras avec la main d'Enée dans la sienne pour que l'héritière fasse un tour sur elle-même.
─ J'ai rêvé de voir ta robe voler toute la soirée, chuchota-t-elle.
─ J'ai rêvé que tu n'avais pas de robe tout le dîner, réitéra Enée.
─ J'aime exaucer les rêves des princesses, ajouta Pénélope.
Enée approcha doucement ses lèvres de celle de son amante. Leurs souffles s'emmêlèrent.
─ Il faut qu'on y retourne, maugréa Pénélope.
─ Je sais, souffla tendrement Enée. Comment va-t-on faire ?
La question n'était pas précise mais Pénélope l'avait parfaitement comprise. Comment allaient-elles faire pour s'aimer pendant le tournoi ? Comment allaient-elles le cacher ? Pénélope devrait laisser une chance à toutes. Au moins pour le jeu. Et puis elles s'aimeraient en secret, quand il n'y avait rien à prouver. Enée approuvait cette possibilité. Ce n'était pas si malhonnête car aucun contrat n'avait interdit aux héritières de donner leurs cœurs pendant le tournoi. Et les sentiments de Pénélope pour Enée ne lui garantissaient pas la victoire. Elle devait participer aux épreuves et en gagner le plus possible. C'étaient les règles qu'aucune histoire d'amour ne pouvaient contourner.
Pénélope colla son oreille à la porte pour affirmer que la voie était libre. C'est dans un tintement de talons pressés qu'elles gambadèrent jusqu'à la taverne pour se remettre à table avec le sourire.
─ Tout va bien ? demanda Belladonna de sa voix impassible.
Lavinia écoutait attentivement tandis que Nova échangeait avec Eula et que Griselda faisait connaissance avec une villageoise dans un coin de la salle.
─ J'avais simplement oublié quelque chose dans ma chambre, répondit Enée avec une confiance nouvelle. J'aurais dû vous en informer avant de me lever parce que j'ai importuné Pénélope qui est venue vérifier que j'allais bien et je vous ai visiblement inquiétée.
Belladonna sembla se satisfaire de cette explication.
La soirée se terminait et les héritières rentrèrent les bras chargés de cadeaux et de provisions pour la route. Et la tête pleine d'encouragements qui balayaient les remarques déplacées de ceux qui aimaient trop la tradition. Ou ceux qui n'aimaient pas aimer.
Enée était interpellé à chaque pas pour une accolade ou un petit mot. Elle prit le temps de répondre à chaque personne et de s'intéresser aux enfants glissant quelques phrases de politesses du mieux qu'elle pouvait.
Le matin fut plus calme. Le maire les attendaient à l'arrière de la Sirène pour les raccompagner jusqu'au départ.
Tariq, Octavia et Eula ramenèrent les chevaux avec la bonne humeur des hôtes irréprochables. Les héritières partirent après avoir remerciés assez de fois pour que les Bardes réfléchissent aux répétitions qui menaceraient le rythme du récit. Elles étaient un peu plus chargées qu'à l'arrivée de vêtements, de savon, de nourriture et de souvenirs. Des images précieuses qu'Enée se repassait en boucle. Quand pourraient-elles poursuivre leur histoire ? Enée avait une nouvelle raison de chercher la victoire et elle était bien plus puissante que la précédente. Plus elles avançaient, plus l'ombre du deuxième sommet se penchait au-dessus de leurs têtes comme un géant défendant son territoire.
Elles chevauchèrent la montée tout la journée jusqu'à être trop fatiguées pour continuer. C'est au beau milieu de nulle part qu'elles s'installèrent pour la nuit accompagnées des Bardes et des élèves les plus persévérants.
Enée ne put s'empêcher de poser ses couvertures à côté de Pénélope en feignant l'indifférence. Comme s'il s'agissait du plus grand des hasards. Après avoir mangé des petites spécialités d'Antasion elles s'allongèrent en regrettant le confort de la Sirène.
Enée espérait tenir éveillée après tout le monde. Juste pour qu'elle et Pénélope puissent chuchoter quelques paroles imprudentes.
Mais elle fit le compte. Seule Lavinia ne dormait toujours pas.
Ne pouvant plus attendre, elle se tourna face à Pénélope. Elle ferma les yeux avant de les rouvrir pour la détailler pendant au moins une heure. Pénélope fit de même. Elles avaient le temps d'étudier les moindres détails de leurs corps que la nuit ne dissimulait pas. Elles avaient repoussé les couvertures à leurs chevilles pour avoir encore plus à observer et même le froid ne put les dissuader.
Enée parcourut les courbes de l'héritière avec précision. Elle vit ses poils se dresser, suivit le rythme de sa respiration parfois saccadée d'envie, déglutit, fit des allers-retours de sa poitrine à ses jambes pour être certaine d'avoir bien vu et finit par apprendre par cœur tous les muscles de ses épaules.
Pénélope suivit son regard avec délectation. Elle le sentait s'étaler sur elle avec une chaleur croissante. Puis vint son tour d'apprécier les formes rondes, creuses ou généreuses d'Enée. Elle commençait par ses jambes, s'attarda un peu plus haut en se mordillant la lèvre inférieure, prit son temps pour continuer le long de ses hanches jusqu'à sa taille, son petit ventre qui dépassait, et le tissu de son décolleté posé assez bas mais toujours trop haut.
Elles auraient pu continuer mais le matin était bien trop pressé.
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Le trône des héritières
FantasyLe roi doit contrer une menace en donnant la main de sa fille à un héritier. Mais les héritiers sont tués. Il ne reste plus que les héritières.