chapitre 18

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─ J'ai eu vent de l'incident qui s'est produit en cours de sport, commença la directrice avant de se retourner pour s'assoir dans un fauteuil près d'une bibliothèque.

Elle passa une jambe sur l'autre et plaça ses avant-bras sur les accoudoirs.

─ Entrez mesdames. Je ne voulais pas vous faire peur. J'ai simplement une nouvelle à vous annoncer.

Les héritières s'avancèrent au milieu du salon qu'elles n'avaient pas eu le temps d'appréhender.

─ Quelle nouvelle ? demanda Griselda d'un ton chaleureux.

La directrice les jaugea du regard avec un sourire en coin.

─ Il est évident que les professeurs et les élèves ne savent pas comment agir avec vous. Nous avions préféré la discrétion pour vous accueillir mais nous nous sommes trompés. Faire comme si de rien n'était n'est pas une solution. Nous allons organiser une réception comme il se doit pour vous souhaiter la bienvenue à l'Académie. Vous pourrez faire connaissance avec tout le monde comme il se doit. Et la soirée sera placée sous haute surveillance.

Enée fut soulagée. Elle n'avait aucune envie que l'incident du cours de sport se reproduise dans d'autres classes, avec d'autres professeurs.

─ C'est une très bonne idée, répondit Pénélope sur le même ton que Griselda.

Elle se tourna vers les autres héritières pour savoir ce qu'elles en pensaient.

Pénélope qui fait attention à l'avis des autres, c'est une première, pensa Enée.

Toutes étaient unanimes sur la réception. La directrice reprit :

─ Elle est prévue pour demain soir. Le plus tôt sera le mieux pour vous éviter les désagréments comme il a pu s'en produire aujourd'hui.

Elle faisait encore référence au cours de sport.

Enée ne voulait plus y penser.

─ Je vous laisse vous installer, termina Séraphine en se levant.

Les héritières la remercièrent et elle sortit de l'appartement.

─ Il y a trois logements vides, on doit s'installer par deux, commenta Lavinia.

C'était ce que Séraphine leur avait indiqué quand elle leur avait fait visiter la résidence.

─ Nous avons qu'à rester ici, dit Belladonna à sa sœur.

Celle-ci acquiesça. C'est ainsi que le premier duo se forma naturellement.

─ Aucune de vous ne voulait cet appartement en particulier ? s'assura Griselda.

─ Non, vous pouvez le garder, répondit Pénélope.

Elle sortit talonnée par Enée, Nova et Lavinia qui tenaient leurs bagages.

─ Il reste celui juste à droite, et celui à l'étage du dessus, remarqua Lavinia. On prend celui de droite Nova ?

Enée sentit comme une lame se planter dans son dos.

Nova acquiesça, désintéressée de tout.

Enée ressentit une amertume qu'elle n'avait pas vu venir. Comment n'avait-elle pas anticipé cette situation ? Belladonna et Griselda avaient l'habitude de dormir ensemble, mais elle n'avait pas vu Nova et Lavinia se rapprocher. Ce qui ne lui laissait pas le choix que de partager l'appartement du dessus avec la femme qu'elle détestait de toute son âme. Son défi était de ne pas la tuer avant le bon moment. Le moment qu'elle avait choisi. Pourtant elle était dans la gueule du loup. Elle lui était offerte sur un plateau. Dans le même appartement, dans la même chambre. Pire ! Dans le même lit. S'il s'agissait de la même disposition que le logement de Belladonna et Griselda, il n'y aurait qu'un lit double.

Elle avait tenu jusqu'à maintenant pour ne pas lui sauter dessus malgré les nombreuses occasions, mais sa patience était mise à rude épreuve. Les occasions se faisaient de plus en plus nombreuses, et faciles.

Il fallait tenir.

Sa patience serait récompensée.

Sa vengeance serait assouvie.

Elle devait continuer à faire semblant de vivre comme elle l'avait fait jusqu'à présent. Ce n'était qu'une question de temps. C'était même une chance. Elle pourrait rêver les yeux ouverts de la façon dont elle consumerait sa vengeance.

C'est un peu mitigée qu'elle suivit Pénélope dans les quelques marches qui les menaient à l'appartement du dessus. Pénélope ouvrit la porte. Il n'y avait rien de différent avec l'appartement du dessous pour le peu de temps qu'elle avait eu pour en distinguer les détails. Dans l'ensemble, l'agencement était le même. Les mêmes teintes beiges et marrons, des moulures, des vases avec de légers détails de marbres bleu et doré. Elles entrèrent directement dans le salon et déposèrent leurs affaires par terre. Il y avait la même bibliothèque vide, le même fauteuil dont le bois était un peu plus usé. L'ancien locataire s'en était plus servi. Peut-être aimait-il lire. Il y avait un grand canapé contre le mur d'en face. Et une petite table basse. Tout était décoré par les dernières tendances. Ce n'était sûrement pas le cas des appartements étudiants qu'elles avaient vu en passant.

Elles se toisèrent quelques secondes avant de faire le tour des pièces. La chambre, avec un lit double et un chevet blanc de chaque côté. Cette pièce était moins décorée, plus sobre. Mais quand elles ajouteraient leurs affaires, elles manqueraient de place. L'armoire qui couvrait tout un mur était sûrement trop petite pour deux héritières. Elles laissèrent ce problème pour plus tard et terminèrent par la salle de bains. Les tons étaient plus doré, plus chaleureux, avec une baignoire blanche au centre de la pièce ainsi qu'un lavabo en marbre et un grand miroir.

─ Il faut qu'on demande un double des clés, dit Pénélope. Sinon l'une de nous devra faire en fonction de l'autre.

─ On demandera à Séraphine demain, assura Énée qui ne comptait pas demander la permission à Pénélope pour entrer et sortir.

─ Je vais défaire mes bagages.

Plus d'une heure plus tard, elles avaient disposé leurs affaires. Contrairement à ce que pensait Énée, l'armoire n'était pas pleine à craquer. Pénélope n'avait pas de tenue très volumineuse ce qui lui laissait de la place. Il était déjà tard. La nuit était tombée depuis un moment. Énée s'enferma dans la salle de bains pour mettre sa robe de nuit.

Quand elle ressortit Pénélope regardait par la fenêtre.

Et Énée la regardait, elle.

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant