Lavinia était concentrée. Son regard vert pétillant laissait transparaitre l'excitation de montrer son potentiel.
« Madame, votre aura tempétueuse imprègne mon être et je me sens secouée de vertiges. Il y a mille façons d'être, mais j'aimerais que vous soyez celle qui me dirige. Je ne serais pas votre reine tant que vous serez la mienne. Je serais vôtre et votre cœur mon arène. Maintenant, laissez-moi baissez les armes, juste le temps que vous m'acceptiez comme femme. »
Cette déclaration laissa le temple silencieux. Lavinia gardait désespérément un genou à terre mais rien ne se passa. Sa technique était pourtant irréprochable. Elle avait choisi la bonne distance et son choix de mots était audacieux. Il s'agissait d'une déclaration qui figurerait sans doute comme exemple dans les prochains manuels de toutes les Académies. Mais qui pouvait prévoir ce qu'Erato attendait des héritières ?
Lavinia décolla finalement son genou abîmé par la pierre pour se relever sans parvenir à cacher sa déception.
Ses iris revêtirent une ombre plus marécageuse.
Belladonna prit sa place, face à Pénélope. Sa présence illuminait n'importe quel endroit. En se penchant, une mèche dorée lui glissa sur le front. Elle la repoussa délicatement derrière son oreille en détaillant Pénélope d'un regard plein d'affection. Enée le remarqua avec curiosité. Les Bardes étaient sur le qui-vive.
« Madame, je ne saurais vous dire si je me bats pour votre main ou votre cœur. La première appartient à votre père qui peut m'en faire l'honneur. Mais le second n'est qu'à vous, il me semble plus précieux. Ce n'est qu'avec lui que notre histoire peut s'écrire, demain. Gardez-le, je n'en veux pas. Si vous me faites une place à vos côtés, je deviendrais une de vos côtes pour que jamais vous ne me l'offriez. C'est au fond de votre poitrine qu'il me plaît. Mais si votre main vous me tendez, n'oubliez pas votre corps tout entier. »
Une atmosphère particulière s'éleva mais Pénélope restait attachée et endormie.
Belladonna se redressa avec un sourire parfait sur les lèvres, satisfaite de sa prestation. Elle était à la fois classique et personnelle. Que fallait-il de plus ?
Griselda accueillit sa sœur avec une tape sur l'épaule.
Nova semblait répéter un discours dans sa tête. Enée la jaugea mais aucune des deux ne fit le premier pas.
Griselda décida de se lancer comme s'il s'agissait d'une conversation sans importance. Elle fit une révérence désinvolte avant de toucher le sol à son tour.
« Madame, commença-t-elle comme si elle saluait une amie proche, j'ai un peu peur de l'engagement. Peut-être pourrions-nous apprendre à nous connaître avant ? »
Harper eut du mal à étouffer un rire nerveux. Jehona était plus forte à ce jeu.
« Laissez-moi imaginer ce que j'oserais vous dire si vous étiez une inconnue dans une taverne et que nous nous étions croisées un soir. Et laissez-moi garder ces mots comme un secret que je vous révèlerai au creux d'un lit si vous me laissiez une chance. »
Elle se releva sans attendre qu'il ne se passe un miracle et recula pour laisser la place.
Belladonna semblait avoir une remarque à lui faire mais elle se résigna.
Une odeur de roses sucrées leurs piqua les narines.
Enée avait la sensation que son corps se transformait en marbre tant elle était tendue et à la fois engourdie. Encore une fois, elle mit ses peurs de côté pour s'agenouiller devant la princesse un peu hésitante comme si elle n'avait pas initié le mouvement.
La beauté de Pénélope fut ce qui la frappa en premier. Jusqu'à maintenant, elle ne s'en était jamais aperçu. Ses cheveux aussi noirs que l'Encran de Seiche enroulés autour de ses épaules saillantes. Ses cils épais mais courts. Ses yeux de sirènes. Ou plutôt ce qu'elle imaginait être des yeux de sirènes. Aussi doux qu'une caresse mais assez sombres profond pour en avoir le souffle coupé. Ses pommettes hautes, et son assurance de déesse.
─ Par Horatio ! Il est possible que nous nous trompions depuis le début et que nous faisons toutes ces déclarations dans le vide ! s'exclama Belladonna.
Enée fut vexée d'une telle intervention juste avant son passage. Lavinia s'était remise à farfouiller, le bruit ressemblait à un bourdonnement dans les oreilles de l'héritière. Elle se lança sans aucune idée des mots qui allaient franchir la barrière de sa mâchoire serrée.
« Madame, je ne demande pas non plus votre cœur. En revanche, vous avez déjà le mien. Pouvez-vous le rendre à ma poitrine ? Car je vous aime, et je veux entendre ses battements qui vous sont destinés. »
Un cliquetis résonna ce qui fit sursauter Enée. Les chaines de Pénélope tombèrent en claquant sur le sol pendant qu'elle se réveilla. L'odeur de fleurs s'épaissit et les torches s'allumèrent inondant le temple d'une lueur dorée. Enée ne sut si ses joues brûlaient à cause des mots qu'elle venait de prononcer ou s'il s'agissait des flammes qui crépitaient.
Pénélope lui prit les mains.
─ Nous avons la gagnante de la première épreuve.
Les Bardes écrivaient tellement qu'Enée se demanda s'ils n'étaient pas déjà en train de raconter ce qui n'était pas encore arrivé.
Les héritières applaudirent.
Enée se perdit dans les yeux de celle à qui elle venait d'avouer ses sentiments. Etaient-ils réels ou ne s'agissait-il que de l'effet du temple ? Le temple pouvait-il être leurré par un beau discours ?
Elle s'en voulut de ne pas avoir relu quelques classiques avant le tournoi.
─ Tu es la seule à avoir utilisé le mot « aimer », justifia Pénélope.
Ce devait être à cause des effets secondaires de la fausse Marque, se rassura Enée.
Lavinia trépigna en se blâmant de ne pas y avoir pensé.
Mais Erato acceptait tous les « je t'aime » même s'ils n'étaient pas sincères, n'est-ce pas ?
Son cœur se mit à battre plus vite.
─ Nous sommes dans le temple d'Erato, et si déclaration il y a, la porte de sortie est un baiser, déclara Lavinia.
Elles s'étaient déjà embrassées. Et Enée sentit le besoin de retrouver ses lèvres qu'elle connaissait déjà.
Pénélope porta sa main à sa bouche pour y déposer un baiser avant de se pencher plus près du visage d'Enée.
─ Tout à coup je suis prête à tout pour gagner les prochaines épreuves ! s'extasia Griselda.
Un souvenir sulfureux rejaillit de la mémoire de Jehona mais elle ne se laissa pas distraire. C'était le cas à chaque fois qu'elle devait décrire un baiser de l'héritière. Elle secoua la tête avant de décrire :
La petite veinarde refait des siennes.
Pénélope prit la taille d'Enée entre ses deux mains pour l'attirer contre elle. Elle l'embrassa tendrement puis plus rapidement.
Doucement ma belle. Elle a mis la langue ?
Le temple d'Erato semblait avoir l'effet particulier de décupler la passion.
Les mains de Pénélope glissèrent pour chercher les hanches d'Enée. Le baiser ne s'essoufflait pas jusqu'à ce que le temple disparaisse comme s'il n'avait jamais existé. La nuit était tombée et le vent faisait danser leurs cheveux autour de leurs visages. Elles avaient réussi. Pourtant leurs lèvres ne se décrochaient pas.
Les élèves profitaient du spectacle avec stupéfaction.
Quelqu'un leur dit ?
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Le trône des héritières
FantasyLe roi doit contrer une menace en donnant la main de sa fille à un héritier. Mais les héritiers sont tués. Il ne reste plus que les héritières.