chapitre 12

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Séraphine se leva de sa chaise pour regarder par la fenêtre. Enée suivit des yeux la directrice qui portait une longue robe blanche dont le tissu paraissait si léger qu'il semblait flotter autour de ses courbes.

─ Je vais accueillir la nouvelle venue, dit-elle finalement. Vous devez être fatiguée. Je vais vous conduire à la bibliothèque. J'y ai interdit l'accès pour vous. Des gardes seront devant la porte. Il y a des fauteuils, de quoi vous reposer et vous occuper l'esprit si vous le souhaitez.

Elles sortirent du bureau pour refaire le chemin en sens inverse. Séraphine s'arrêta devant une double-porte, plus petite que celle de l'entrée et fit signe à Enée d'entrer. Les gardes ouvrirent les portes pour laisser entrer l'héritière. Séraphine lui intima de se mettre à l'aise et repartit aussitôt. Les gardes refermèrent la porte derrière elle.

Enée se laissa tomber sur un canapé en bois, le même que celui du bureau, recouvert de coussins bleus pales. Elle s'appuya sur l'accoudoir inconfortable et posa sa tête contre sa paume. Ses paupières étaient lourdes, elle n'aspirait qu'à dormir pour se réveiller chez elle. Mais ce ne fut pas le cas. Elle n'avait même pas envie de se balader à travers les étagères remplies de livres. C'était bien la preuve de son état déplorable. Elle s'était un peu trop assoupie car elle sursauta quand les portes s'ouvrirent de nouveau. Dans l'embrasure, Séraphine indiquait à Pénélope de passer devant elle. L'héritière d'Encrion salua Enée d'un signe de tête avant de s'assoir à l'autre extrémité.

─ J'ai quelques affaires à régler, dit Séraphine sans entrer. Si vous avez besoin de quoi que ce soit je serai dans mon bureau. Mademoiselle Besseta sait où il se trouve.

Mademoiselle Besseta, voilà un moment que personne n'avait appelé Enée comme ça. Ça datait de l'époque où elle voyait encore ses professeurs. Enée se força à sourire en guise de réponse.

─ Comment va ton bras ? demanda Pénélope.

Enée ne s'attendait pas à cette question. Elle passa instinctivement ses doigts sur la cicatrisation.

─ Tout va bien, répondit-elle. Il semble cicatriser comme il faut.

Pénélope acquiesça puis un silence s'installa.

Finalement, Enée reprit :

─ Si nous étions restées chez toi, nous n'en serions pas là, grommela-t-elle comme si cela pouvait l'aider à évacuer une partie de sa frustration.

Pénélope était penchée en avant, ses avants bras appuyés contre ses cuisses comme si elle réfléchissait.

─ Je sais, fit-elle. Mais ce n'est que pour quelques temps. Le tournoi reprendra bien assez vite.

Enée ne comptait pas mettre son plan en pause.

─ Il ne s'est jamais arrêté. Académie, ou pas académie, je continuerai à chercher le meurtrier de Bram, contra-t-elle.

─ Je vais finir par croire que tu veux qu'on se marie, lâcha Pénélope, un rictus collé aux lèvres.

─ On l'est déjà, lui rappela Enée. Je remplace juste mon frère.

Pénélope se tourna vers son interlocutrice :

─ A ce sujet, Theron est en mission pour arrêter ce groupe de malfrats ce qui explique son absence. C'est la version officielle.

Enée acquiesça en se demandant combien de temps allait durer cette mascarade.

Quelques heures plus tard, les portes s'ouvrirent en grand. Enée essayait d'ouvrir les yeux mais ses paupières étaient encore plus lourdes. La lumière provenant de l'embrasure était aveuglante. Les contours de quatre silhouettes se dessinaient petit à petit. Une chevelure flamboyante prit forme pour s'ancrer dans l'esprit d'Enée. Séraphine ! Ce nom l'extirpa immédiatement de son sommeil, elle se redressa aussitôt. Être assoupie, avec de la bave au coin de la bouche n'était pas l'image flatteuse qu'elle voudrait donner à la directrice. Une respiration rauque parvint à ses oreilles.

Elle passa discrètement sa main autour de sa bouche, mais en tournant la tête sur sa gauche elle vit Pénélope affalée dans un état de somnolence tout aussi pathétique.

Elle lui tapotait la jambe dans l'espoir de la réveiller rapidement tout en souriant aux quatre femmes qui entraient. Heureusement Séraphine parlait, ce qui ralentissait les dégâts. Pénélope ne bougeait pas, alors elle claqua sèchement sa cuisse. Mais un bruit s'échappa de ce geste. Elle se pinçait les lèvres, agacée. Pénélope releva la tête, les sourcils froncés.

Enée indiqua la porte du menton, et Pénélope se redressa d'un bon. Elle tenta de reprendre une contenance. Elles n'avaient aucune envie de gâcher l'image des Maisons auprès de la directrice d'une académie aussi importante.

Quand Séraphine, Nova, Belladonna et Griselda entrèrent dans la pièce, elles n'étaient plus en contre-jour. Il serait possible de savoir si elles avaient été témoins de la scène à leurs expressions. Mais soit elles faisaient comme si elles n'avaient rien vu, soit elles n'avaient rien vu. Alors Enée et Pénélope tentaient d'agir normalement, sans avoir l'air coupable de n'avoir fait que dormir.

Enée avait la bouche pâteuse et pria pour ne pas avoir à parler.

─ Vous allez bien ? s'enquit Griselda en s'accroupissant face aux deux dormeuses.

Elles mirent quelques secondes avant de comprendre à quoi Griselda faisait mention.

─ Oui, merci, répondit Pénélope. On ne peut pas en dire autant des gardes...

─ C'est affreux, s'exclama Nova, je suis désolée que cet incident se soit produit sur mes terres. Mais je suis heureuse que vous n'ayez rien !

Enée acquiesça.

─ Où est Lavinia ? demanda Pénélope en regardant vers l'entrée.

─ Elle arrivera plus tard, répondit Séraphine. Elle vient de loin. Peut-être qu'il fera nuit.

Les héritières prirent place dans les fauteuils restants ou sur le canapé d'en face. Les discussions s'installaient naturellement. Séraphine s'éclipsa de nouveau dans son bureau.


***

Hello, comment allez vous ?

Et si vous êtes encore au lycée, comment s'est passée votre rentrée ?

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant