chapitre 27

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Elégion, Sud.

Harper avait récupéré son instrument et avait laissé les deux femmes se dire au revoir en allant passer le temps dans une taverne. Rhoda avait prit Jehona dans ses bras en laissant échapper un rire de joie. Elle prit la Trobairitz par la main en se dirigeant vers sa porte d'entrée.

Jehona s'arrêta brusquement.

Ce n'est pas prudent, protesta-t-elle.

Rhoda s'attendait à cette réaction mais rassura son amante.

─ Il ne rentrera pas avant la nuit tombée.

─ En es-tu sûre ? demanda la chanteuse sur le ton de la confidence.

Oui, je te le promets. Il a beaucoup de travail. Et puis c'est moins risqué que de traverser le village ensemble. Même une tenancière pourrait te reconnaître si nous demandons une chambre. Viens avec moi !

Jehona fut convaincu par ces arguments et n'émit plus de réticence à suivre Rhoda. Elle n'attendait que ça. Se perdre dans ses bras, à l'abris du monde.

Ce sentiment n'était pas vraiment agréable. Dans toutes les villes où elle et Harper voyageaient, elle ne s'était jamais éprise d'une femme. Elle avait des conquêtes. Mais ses sentiments ne s'en mêlaient pas. Pourquoi maintenant ?

Elle en voulait à Rhoda. Pourtant elle n'avait aucun reproche à lui faire. Bien au contraire.

Jehona était déjà venue dans cette maison, et elle avait passé toute son après-midi de libre à se prélasser dans ces draps qui n'étaient pas les siens. Pendant quelques instants elle s'était perdu dans son imagination à se demander ce que ça ferait d'avoir une maison, un endroit fixe. Mais elle aimait sa vie sur les routes. C'était son métier.

Mais son erreur avait été d'écrire une chanson à Rhoda, et de lui offrir le morceau de parchemin car son mari l'avait trouvé.

Peu importe, la Trobairitz aurait dû repartir avec ou sans sa tête mise à prix. Cette erreur précipitait juste un peu son départ.

Rhoda entraina Jehona dans les escaliers en bois qui craquaient sous leurs pas précipités et maladroits. Pourtant Jehona savait parfaitement où cela allait les conduire.

Dans une réalité qu'elles avaient créée ensemble, et dont elles devaient se défaire, parce qu'elle n'était pas compatible avec les caprices du monde. Il suffisait que l'une des deux ouvre ses bras comme un portail. Et la tentation de le franchir était bien plus puissante que le chant des sirènes.

Jehona se fit la promesse d'en faire sa prochaine chanson.

Mais elle était bien trop occupée à plonger sous les draps pour se mettre à écrire en cet instant. Leurs habits avaient rejoint le sol. Elles s'allongèrent hâtivement en s'embrassant. Jehona eut un mouvement de recul quand le parfum du mari de Rhoda emplit ses narines. Elle fronça le nez. Habituellement elle ne s'arrêtait pas à ce genre de détail. Pourquoi y faire attention maintenant ?

Elle ne pouvait s'en vouloir qu'à elle-même. Ce lit n'était pas le sien. Il était à eux. A Rhoda et son mari. Pourtant quand elle plongeait dans le regard vert émeraude de celle-ci, brillant de vivacité et de force, elle avait l'impression d'être la seule personne qui pouvait compter. Comme si elles avaient tout bâti ensemble.

Tu vas bien ? s'assura Rhoda en remarquant son absence.

Jehona la renversa sur le dos, un peu troublée qu'autant de pensées l'assaille dans pareille circonstance. Mais la douceur de la peau de Rhoda était un argument en faveur du moment présent.

La Trobairitz couvrit le corps de Rhoda de baisers en s'attardant entre ses cuisses. Pendant que ses doigts caressaient son intimité. Rhoda exhala de plaisir puis fit remonter Jehona face à elle pour l'embrasser encore avant de la toucher à son tour. Jehona se sentit chavirer quand un bruit trop proche les alerta. Le bois qui avait craqué. Son cœur battit si fort qu'il s'emblait vouloir s'arracher de lui-même.

Le trône des héritièresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant