Lui ( Marinus )

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20 octobre 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Un peu plus d'un mois s'est écoulé, un long mois de plus où je me force à être quelqu'un que je ne suis pas.
Certaines fois, très souvent d'ailleurs, je n'en peux plus de jouer l'horrible général du village, d'acclamer un empire qui a assassiné ma femme et mon fils, tué des gens qui n'ont rien demandé...
Le peu que je me suis promis de faire c'est de les venger, venger les deux amours de ma vie d'une manière ou d'une autre et je sais comment je compte m'y prendre.

Je ferai à ce connard d'Heinrich Himmler ce qu'il m'a fait subir de 1934 à 1935. Je tuerai sa femme sous ses yeux, et je malmènerai ses enfants jusqu'à la mort la plus dure et la plus longue. Il ne mérite pas plus que ça. Je veux le faire payer. Tout mon plan est déjà planifié. Je me rendrai à Berlin pour l'anniversaire du Reichsfürher SS, j'emmènerai le Colonel Leyers avec moi c'est comme un fils de cœur, j'emmènerai mes hommes et les siens. Nous nous rendrons à Berlin pour faire la fête avec eux, et quand tout le monde aura le dos tourné, je serai là. Je serai là-bas, au cœur du Reichstag, le 7 octobre 1944 sera pour l'Allemagne le début de sa fin que je programmerai de mes mains.
Ce dossier que je monte tout seul est classé dans mes tiroirs les plus calfeutrés et cachés de la nouvelle Kommandantur. Si quelqu'un le voit et le balance à Himmler ou pire au Fürher, je ne suis bon qu'à la guerre face aux Soviétiques dans la neige épaisse et pénétrante.

Je suis en train de marcher dans de petits sentiers de randonnées à l'extérieur du village, ça ressource énormément. Être au milieu de la nature me permet d'être au point sur moi-même, de ne pas m'abandonner au désir de la vengeance et à la cruauté qui a causé la mort de Maria et Klaus.
J'ai aperçu une grande cour sablonneuse pas très loin, seulement habitée de quatre arbres assez larges pour y ligotés quelques personnes.
Je frissonne à l'idée que quatre personnes se sont faites tuer ici.

Avoir dû cautionner et ordonner toutes ces atrocités commencent sérieusement à me peser sur le moral, je ne savais pas vraiment sur quoi reposer la puissance déclinante du Reich Allemand. Maintenant je le sais, il repose sur la mort et la destruction de l'autre.
Je ne vais pas le nier, j'aime beaucoup être Allemand, j'en suis très fier mais l'allemand d'aujourd'hui est vraiment très vulgaire, sans scrupule et immoral.

La preuve, le Capitaine Jäger qui s'est senti pousser des ailes, a fait arrêter dans le plus grand des secrets l'ancien militaire français handicapé, Léon Dechambord. Son arrestation aurait été violente et agressive, digne des populations arabes. Quel genre d'allemand civilisé peut ordonner ça sur un handicapé seul et sans défense ?! Je l'ai puni, je l'ai puni pour la simple et bonne raison qu'il s'en est pris à grand-père d'Eve Dechambord, femme dont Leyers est follement amoureux. Je l'ai aussi puni car ce n'est pas digne d'un soldat ça, c'est juste le comportement qu'aurait un gamin avec les hormones en effervescence et jaloux. Il est parti sur le Front de l'Est vers Stalingrad pendant six mois, j'espère juste que Emmrich Jäger reviendra vivant, mais avec les idées un peu claires malgré tout.

Me voilà devant le bar des Dubois, regardé et épié par certains français. Je suis lassé de cette Occupation, c'est long, éreintant et accablant de ne pas se sentir à sa place depuis presqu'un an maintenant.
Aucun allemand ne souhaite rester en France ça se sent, on est tous fatigués de semer l'ordre, un ordre sur lequel de plus en plus de gens se rebellent. Nous sommes impuissants face à la Résistance qui se lève de tous les côtés, on y arrive plus, c'est impossible, on ne pourra pas gagner face à la volonté de vivre libre.
Sauf que la volonté d'Himmler et celle du Fürher sont apparemment plus logiques et importantes que la vie et la santé mentale de leur soldat.

《 Général Strauss-Kahn ?
- Ja ? 》

Je me suis retourné face à cette voix féminine que je n'avais pas entendu depuis un bon moment. C'est Helena.
Elle s'approche vers moi avec un sourire amical, me révélant.

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant