Solitude ( Nikolaus )

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24 décembre 1943, Kiev, Ukraine, Union Soviétique.

《 Oh toi là ! Envoie les munitions !!! 》

Mes doigts commencent à se nécroser par le froid, essayant d'être le plus efficace possible, j'ai donné les munitions aux tireurs d'élites.
Tout à coup, j'ai roulé dans la neige, assailli par un soldat soviétique. Il est là au dessus de moi, les mains férocement serrées autour de ma gorge. J'ai cherché mon revolver dans la poche de mon pantalon. Un de mes collègues est venu, a démonté le russe avec une pelle dans le dos. Rien ne le fait lâcher prise. Il est toujours accroché à ma gorge comme un chien le serait à un bout de bois.

J'ai senti un objet glacé dans ma poche, les yeux écarquillés, me rendant compte que la mort essaie de me prendre là, elle me veut. La mort me veut en son sein.
J'ai sorti le révolver et j'ai tiré dans le crâne du russe. Non pas une fois non, des dizaines de fois. Je ne me suis pas arrêté. J'ai toussé en me relevant, éclaboussé par son sang. Son sang impur de communiste de merde !

《 Schumacher !
- Ja ?
- On y retourne ! 》

J'ai suivi l'homme sans hésitation. Nous avons chacun pris une mitraillette, saisissant les munitions sur les dépouilles allemandes.
J'ai tremblé face à l'arme, une arme à laquelle je n'avais jamais pensé toucher. J'ai regardé autour de moi mes collègues, se faisant terrasser, tuer, décapiter, éventrer, égorger, écraser pat la barbarie russe qui nous regarde souffrir, le sourire aux lèvres. Comment un homme peut-il en faire souffrir un autre de la sorte ?

《 Schumacher qu'est-ce que tu attends ?! BUTE LES !!! 》

J'ai acquiescé, mis mon œil entre les deux traits du viseur et appuyé sur la détente, observant des dizaines de Soviétiques tomber au sol dans un soubresaut intense. J'ai apprécié de les voir mourir, il faut qu'ils meurent, sinon c'est nous qu'on moura. C'est ainsi, c'est la loi de la nature.
J'ai crié en sentant une balle me transpercer les côtes, je me suis effondré dans la neige, vomissant du sang, secoué violemment par mes collègues tentant de me réveiller.

Je me suis revu dans la même faiblesse lorsque ma mère est morte, tout aussi fébrile, lâche... Au milieu des bombardements, des cris et des sifflements aigus des balles, j'ai empoigné la main de mon collègue, oubliant le sang chaud qui me coule le long du flan.
J'ai repris mon poste, derrière un monticule de neige épais, visant les russes entre les deux tranchées.

Je ne sais pas combien de temps ça a duré, peut-être que cinq minutes tour comme des dizaines d'heures, je perds la notion du temps. Je crois même que je commence à perdre la tête. Il y a un cessez-le-feu, c'est un SS qui me l'a dit. Ils se sont tous calés contre un muret de neige, exténués, avec leur cigarette à la bouche. Mon Dieu quel horreur... J'ai participé aux soins des blessés. L'infirmier, Karl Prisco m'a ordonné d'appuyer mes doigts sur le trou d'un moignon de jambe.
J'ai bien failli vomir en sentant la peau a découvert, avec cet affreux mélange de sang et de je ne sais quoi. Le blessé a hurlé à pleins poumons, essayant en vain de me repousser, suppliant Dieu de l'achever.

《 Ça va aller mon gars, ai-je peiné à dire. Ça va aller. Tu vas rentrer chez toi. 》

Je lui ai tendu mon autre main, qu'il a saisi avec fougue quand l'infirmier a versé de l'alcool sur la plaie. Ma gorge s'est serrée face à tant de violence et de souffrance. J'ai également été soigné, très rapidement mais j'ai reçu des soins qui m'ont paru divins et instantanés.

Quelques heures plus tard. Vers 18h.
C'est peut-être bien la première fois depuis que je suis sur le Front de l'Est en Ukraine qu'une pause de combat a été aussi longue. Certains des soldats dorment dans des petites maisons délabrées, d'autres boivent des fioles volées sur les cadavres russes, d'autres trouvent la force d'écrire, et les plus hauts placés les grands expérimentés du Front comptent les morts.

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant