Le Test ( Hans )

510 17 9
                                    

14 mai 1936, Berlin, Allemagne.

Trois merveilleuses années que l'Allemagne se relève petit à petit de l'humiliation que lui a offerte la France. Adolf Hitler est venu, il a essayé, il a progressé face à Hindenburg qui n'a pas su comment diriger un pays, et Adolf Hitler a réussi.
C'est un homme doué pour avoir toute une nation à ses pieds. Il nous a relevé, nous lui rendrons la pareille. Le Fürher proclamé doit être choyé comme il le mérite. Il est là depuis 3 ans, et depuis plusieurs années sauf que personne a su voir ses volontés les plus fabuleuses pour l'Allemagne.

《LEYERS !!!! 》

C'est mon entraîneur.
Je suis actuellement en train de passer l'espèce de certification pour être membre de la Schutzstaffel dans la Waffen SS. L'homme qui me forme se nomme Marinus Strauss-Kahn, un grand gaillard de 38 ans, il est Obersturmbannfürher SS, un des gradés les plus élevés. On est dans sa salle de sport de luxe, avec diverses machines, légèrement délabré par le temps.
C'est extrêmement rude, j'ai 16 ans et j'ai passé ma vie choyée par mes parents. Me retrouver à faire 70 tractions d'un coup, c'est physique.

《Ja ?
- T'es devenu une fiote ou quoi ? Allez je te rajoute 10 kilos sur les jambes !!
- Ja. ai-je répondu avec essoufflement. 》

Cela va me faire 15 kilos sur les rotules en plus de mes 65 kilos. J'ai contracté tout mon corps et me suis soulevé en l'air, transitant tout entier, inondé par la sueur dégoulinant sur mon visage et mon torse.

《68... 69... 70... Allez mon gars prend une pause avant les étirements.
- D'accord, ai-je acquiescé en me lâchant sur le sol. 》

J'ai pris une serviette sur le banc pour m'essuyer mon affreuse chevelure châtain ébouriffée par les efforts physiques. C'est enfin fini !

《Dites...
- Ne parle jamais Leyers sans qu'on t'en donne l'autorisation. 》

J'ai hoché la tête, assez vexé par cette réponse. Je sais que Strauss-Kahn est un homme sérieux dans son travail, investi dans ma formation mais une réponse respectueuse ne va pas le tuer tout de même ! Je me suis rhabillé d'un vulgaire tee-shirt large blanc, remis mon pantalon en attendant les prochaines instructions.

《As-tu une famille Leyers ? Des parents, une petite femme toute mignonne ?
- J'ai mes deux parents vivants, avec un grand frère et un petit. Au sujet de la femme, je me focalise plus sur l'Allemagne que sur des divertissements à vrai dire.
- Une belle petite famille que vous avez là, votre grand frère, est-il dans la SS ?
- Oui, il s'est fait enrôler à Sachsenhausen en 1934.
- Adolf Leyers, c'est ça ?
- Exact Herrn.
- Allez, restez pas ici garçon. Partez. Le Reich vous enverra une lettre pour voir si vous êtes digne d'être mon élève dans la SS. 》

Je me suis retiré avec un léger sourire, Marinus Strauss-Kahn n'a pas l'air si méchant que ça après tout ! Je sors tranquillement, ébloui par une vive lumière du jour. Je commence tout doucement à me réhabiliter aux bruits de Berlin. Les foules, les trains, les musiques dans les bars... Cette ville a retrouvé de la vie depuis que le Fürher est là.

J'ai marché durant quelques minutes, observant ma ville renouant avec sa puissance.

《Hans !! Hans Leyers !!! 》

Je me suis retourné les sourcils froncés pour m'être fait interpeller ainsi dans la rue. C'est Freya Shamberlein. Ma meilleure amie depuis toujours.
Je crois qu'elle a un an de moins que moi mais notre complicité est la même.

《Freya comment vas-tu ?
- Je vais très bien, comment s'est passé ton entretien ? me demande-t-elle en me prenant le bras amicalement.
- Je pense que j'ai fait du bon travail.
- Je le savais ! s'exclame-t-elle. 》

Freya est le genre de fille de 15 ans à mettre de la joie partout où elle passe. Je la connais depuis que j'ai 8 ans, nos mères sont les meilleures amies du monde alors nous le sommes devenus également.
J'ai fait la route avec elle jusqu'à un carrefour sur la place de Berlin.

《 Hans, dis moi.
- Oui ?
- Tu serais libre pour un restaurant ?
- Oui bien sûr. Mardi soir à 18h40 sur la place ?
- J'y serai, conclut-elle en s'éloignant d'une démarche pimpante. 》

J'ai continué mon chemin jusqu'à une petite maison, un espèce de chalet suisse citadin pas loin du Reichstag.

《 Qui est là ? hurle soudainement ma mère quand j'ai ouvert la porte.
- C'est moi Maman.
- Hans ! 》

J'ai attendu en me posant sur le canapé en cuir, le temps que ma pauvre maman Olga descende les escaliers. Elle n'a que 43 ans, mais elle est beaucoup plus âgée mentalement. Ma mère a subi l'impossible pour que mes frères et moi puissions vivre. Elle a tout sacrifié pour Adolf, Herman mon petit frère et moi.

Je souris quand elle m'embrasse sur le front en recoiffant mes cheveux ébouriffés tout en s'installant sur le sofa.

《 Papa n'est pas là ?
- Non, il travaille à l'usine pendant la semaine pas loin de Düsseldorf.
- Adolf et Herman sont pas là non plus ?
- Adolf est parti en visite je ne sais où en Allemagne avec des collègues à lui. Herman est à l'anniversaire d'un ami. Mais dis donc tu peux tout de même passer du temps avec ta mère hein !
- Je n'ai pas dit non Maman, ai-je souri en lui caressant l'épaule.
- Bon alors, as-tu montré à ce Strauss-Kahn que tu étais digne d'être dans la SS ?
- Je pense que je me suis débrouillé face à lui.
- Y'a intérêt mon petit, tu sais que ton père serait capable de te mettre dehors car tu n'es pas dans cette organisation.
- Je sais oui... 》

J'ai dégluti avec peine en pensant à mon père. Frietz Leyers, il a 48 ans. C'était un pilote de l'armée aérienne pendant la Grande Guerre face aux français. Ce petit peuple frontalier qui a réussi à nous offrir l'humiliation d'un pays. Mon père a de nombreuses séquelles depuis son retour des tranchées. C'est un patriote excessif, et un homme violent. Ma mère a raison. Je ne peux pas me permettre de le décevoir.
Je ne le décevrai pas, je sais au fond de moi que je serai membre de la SS.

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant