la Flamme ( Hans )

70 7 9
                                    

26 octobre 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Je me suis reculé, la gorge serrée par ce désir immortel de l'embrasser comme j'en ai envie. Je veux la désirer et qu'elle me désire, je veux l'entendre prononcer mon prénom, me regarder. Je veux pouvoir passer mes mains sur son corps, je veux avoir les siennes sur le mien. Mais là, avec tout le désir du monde, je ne peux pas me permettre de céder à ses avances.
Je veux être sur qu'Eve ne me regarde plus comme le monstrueux colonel nazi du village. Je veux être moi. Hans Leyers, tout simplement. Alors j'attendrai.

《 Je comprends, m'a-t-elle répondu.
- Eve tu sais très bien que j'ai envie de toi, de ton corps et de ton cœur. Mais laisse le temps au temps. 》

J'ai eu une sacrée impression d'être un vieillard trop long à la détente. Elle n'a pas l'air de persister à céder à ses propres pulsions de désirs. J'aime beaucoup cette femme, elle est douée pour cacher sa douleur mais aussi douée pour comprendre les autres. Eve m'a laissé ma chance auprès des Résistants, ce qu'elle a fait pour moi n'a pas de prix.
J'ai baisé sa main tel un bon allemand, les yeux rivés dans les siens. Cette charmante française a souri, cachant sans doute la rosée sur ses joues.

Malheureusement, j'ai dû couper ce retour de flammes inattendu par des recherches à la Kommandantur.
Eve m'a accompagné jusqu'à la place de l'église et à bifurqué sur la route de Béziers pour cueillir des châtaignes.

Il faut que je trouve Nikolaus, le fils de Marinus. Celui-ci l'a fui après lui avoir annoncé leur lien de parenté. Je ne sais franchement pas pourquoi, je veux dire... Pourquoi fuir lorsque l'on peut profiter d'un miracle si grandiose ?
Je me dois de le retrouver et le ramener à son père.
Je n'ai jamais vu le général Strauss-Kahn dans un état pareil. Du point de vue extérieur, il est à nouveau le général que moi j'ai connu, froid, terriblement froid, imposant, sérieux et impitoyable. Sauf que maintenant je sais que ce n'est qu'une carapace tout ce cirque. Je l'ai vu moi, ivre mort sur son canapé, répétant sans cesse que c'est sa faute, qu'il ne pourra jamais rattraper le temps perdu avec le général Schumacher.
Je ne peux pas laisser passer, c'est en partie ma faute si Marinus et Nikolaus en sont là. Si je n'étais pas allé voir Barbie à Lyon, les choses seraient bien différentes.

《 Standartenfürher Hans Leyers ? 》

Je me suis retourné avec agacement, décidément je ne pourrai donc pas faire cent mètres sans être interpellé ? J'ai ravalé ma colère en me retrouvant nez à nez avec Maxence Dubois.
Cet homme me hante l'esprit, le revoir là, toujours poli et souriant malgré nos antécédents me rend malade. Comment fait-il ? J'ai décidé d'engager la conversation avec froideur.

《 Vous savez Maxence que si vous êtes là, c'est simplement parce que le général Strauss-Kahn vous tolère.
- Oh ! Vous êtes bien placé pour parler de tolérance ! sourit-il. Je ne dois rien à tout ce monde qui a infesté mon village et mon pays.
- Pourquoi vouliez-vous me voir ?
- Eve m'a tout dit hier soir vous savez.
- Ah oui ? ai-je demandé, curieux de savoir ce qu'elle a pu lui raconter.
- Elle m'a raconté qu'elle est venue avec vous alors qu'elle ne le voulait pas forcément. Mais je connais Eve et je sais qu'elle a menti sur votre sujet. Vous n'êtes pas le vilain colonel de service avouez le, sinon ma meilleure amie ne se serait jamais offerte à vous. 》

J'ai dégluti avec peine, comment a-t-il fait pour savoir que je ne suis plus corps et âme avec la Schutzstaffel ? Devrais-je être honnête ? Honnête face à cet homme qui m'a planté ?
Peut-être que cela me ferait du bien, je me sentirai peut-être mieux de révéler à cet homme que j'ai fait torturé que j'ai changé, que j'ai tourné la veste pour suivre la voie de la liberté. J'ai beau être allemand, je suis bien conscient que le Fürher transforme le pays en une véritable usine à tuer.
En vérifiant qu'il n'y ait personne qui pourrait me trahir, j'ai saisi le bras du français pour lui indiquer d'aller ailleurs, sur les bordures d'une rue.

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant