Retour aux sources ( Marinus )

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1er mars 1945, Front de l'Est, Varna, Bulgarie, URSS.

《 3... 2... 1... Tirez ! a hurlé Nikolaus. 》

J'ai tiré, nous avons tous tiré en cœur dans l'armée russe avançant face à nous. J'ai souri en les voyant tomber comme des mouches, d'autres luttant, rampant le corps ensanglanté. Les russes prennent tous les jours un peu plus d'avance, ils sont enragés, littéralement enflammés par ce feu que les soldats de mon fils n'ont plus.

《 Attention ! Tanks !!! j'ai soudainement crié, épris d'une vague d'investissement bien surprenante. 》

J'ai couru et me suis jeté sur Nikolaus, tous les deux bien enfoncés dans la neige, j'ai serré les dents pendant plusieurs minutes le temps que le tank s'en aille. Lorsque nous nous sommes retournés, j'ai vu le corps d'un allemand totalement aplati, résultat d'un mélange visqueux sanglant et purulent. Je me suis remis à mon poste, essayant d'effacer cette image atroce de mon esprit.

Tout à coup, j'ai été tiré en arrière, roulant comme une poupée de chiffon dans la neige ensanglantée. Je me suis jeté sur le russe sans réfléchir, ne Le laissant pas se relever jusqu'à ce qu'il hurle.

《 Je sais qui tu es Marinus !!!
- Sale Ruskof ouais va te faire voir !
- Tu as tué ma sœur c'est toi qui l'a faite mourir !!!
- Ta gueule bordel ! ai-je feulé sachant très bien que j'ai affaire au frère de ma pauvre Maria.
- Je vais te tuer. 》

Je suis resté pétrifié de me retrouver face à cet homme, le frère de ma pauvre épouse. Pendant cet instant de paralysie, il en a profité, je l'ai vu sortir de sa poche, muni d'un grand sourire, un couteau mais je n'ai pas bougé. J'ai essayé de me sortir de l'étreinte brutale et étouffante du frère à Maria, je me suis débattu en roulant dans la neige, hurlant, remuant comme un taureau. J'ai senti le froid me pénétrer tout le corps, j'ai crié tel un sauvage quand il s'est mis à me ruer de coups dans les côtes.
Sans le vouloir, je me suis retrouvé maîtrisé au sol, le soviétique perché au dessus de moi, les yeux écarquillés et rouges, un large sourire dégoulinant de salive.

《 Tu vas le payer Strauss-Kahn !!! Tu as tué ma sœur ! 》

Sur ces mots, j'ai empoigné son couteau qu'il a tenté d'approcher d'un de mes yeux. J'ai serré les dents en sentant la lame percer ma peau. J'ai redoublé d'effort quand le jeune frère a encore plus mis de hargne, voyant la lame à quelques centimètres de mon œil droit. J'ai tremblé, le corps dégoulinant de sueurs et j'ai commencé à y voir trouble. J'ai senti mon œil exploser littéralement, exploser au visage du frère, un liquide purulent est sorti en violents jets. J'ai hurlé, le corps saisi de spasmes irréguliers, ma respiration devenant haletante et saccadée, je me suis crispé jusqu'à sentir mes os craquer.
Tremblant de tout mon être, j'ai passé mes doigts sur l'œil droit. C'est laid, chaud, profond et visqueux, à la limite d'un acide naturel. J'ai vomi le peu que j'avais dans le ventre seul au milieu des obus.

"J'ai promis de te protéger au nom du Reich, maintenant je tuerai le Reich pour toi", ai-je dit à Leyers quelques mois plus tard. Sauf que je tuerai tout le monde si c'est pour le retrouver le plus tôt possible. Je dois me relever, je n'ai pas le choix que de me lever. J'y arriverai. Je crois en moi, Maria, Nikolaus et Leyers ont cru en moi.

J'ai retrouvé l'équilibre sur mes deux pieds, vacillant légèrement, saisissant une mitraillette, peinant à appuyer sur la gâchette. J'ai senti des larmes incontrôlables s'échapper du seul œil qu'il me reste, c'est dur. Très dur.
J'ai jeté l'arme sur le crâne d'un soviétique, qui est lamentablement tombé au sol dans un bruit assourdissant.

《 Marinus !!! Marinus venez ! 》

C'est Nikolaus. Où est-il ? J'ai paniqué silencieusement, agitant mes mains dans tous les côtés en espérant trouver appui quelque part, autre part que sur des cadavres ou des armes.
Tout à coup, quelqu'un m'a empoigné par le bras avec fougue, je me suis débattu, agitant les mains dans tous les sens.

《 Marinus Calmez vous ! C'est moi, votre fils, m'a-t-il rassuré en posant sa main sur ma joue.
- Nikolaus... j'y vois plus rien... je suis inutile...
- Ce n'est pas votre faute Marinus. Je vais vous accompagner aux baraquements sanitaires. 》

Je n'ai pas eu le temps de protester que je me suis vu monté en l'air, sur l'épaule de mon fils qui court comme un malade, suivi de près par je ne sais quel russe. J'ai hurlé quand Nikolaus m'a posé sur la table, hurlant, saisi d'une crise de folie. Je me suis crispé, rejetant et insultant les médecins qui s'approchent.

《 Nikolaus !!!
- Marinus, j'ai des hommes à protéger. Vous êtes entre de bonnes mains croyez-moi.
- Laissez-moi vous !!! 》

Ils sont venus par binômes, l'un me tenant par les bras, les deux autres par les chevilles. J'ai crié, extenuant toute ma haine envers ce monde, les insultant et menaçant de les tuer s'ils ne me lachaient pas. Je les ai tous observé dans leur moindre détails. En leur uniforme blanche, tâchée de sang, munis de leur long gants de la même couleur, le visage sérieux malgré leur masque le leur couvrant de moitié.

《 Comment vous appelez-vous Monsieur ?
- Marinus Strauss-Kahn.
- Quel âge avez-vous ?
- 43 ans.
- Où êtes-vous né et quand ?
- 17 novembre 1901 à Munich.
- Ça suffit les questions. On pique !
- Quoi ? NON !!! Lâchez moi ! Aidez-moi !!!! 》

Je me suis réveillé quelques heures plus tard dans cette salle, l'estomac noué par je ne sais quoi. J'ai relevé la tête, observant avec grande surprise mon fils Nikolaus dormant profondément sur un fauteuil à côté de moi. J'ai passé la main sur mon œil avec grande appréhension, je soupire de soulagement en constatant que je n'ai plus cette cavité purulente mais un carré blanc collé par dessus.

Je surprends mon fils en train de se réveiller, tout doucement avec la même allure qu'un bébé en manque de sommeil. J'ai souri oui, c'est bête mais j'ai souri en voyant Nikolaus à côté de moi comme ça.

Je ne veux pas voir cette salle où je suis, mon champ de vision est plus que restreint et sur le coup, ça m'arrange bien. Je veux juste remercier le sinistre destin, la roulette russe de la guerre de m'avoir épargné. Profiter un peu de pouvoir respirer.

《 Que fais-tu là Nikolaus ?
- Vous êtes mon père, et j'ai fait mon devoir de fils. 》

Il m'a transpercé de ses yeux bleu maternel, j'ai vu Maria en ses prunelles. Klaus m'a souri avec compassion, se retenant et étant privé de montrer une quelconque marque de sympathie à mon égard. Je sais qu'il l'aurait fait sinon. Peut-être me pardonne-t-il de celui que j'étais avant ?
Peut-être que le destin m'a envoyé sur le Front de l'Est pour que je croise Klaus et qu'on recommence une relation d'un bon pied ?

Être à l'agonie, c'est quelque chose que je connais bien, je ne peux pas le nier. Mon âme a toujours été à l'agonie depuis qu'on m'a arraché Maria de façon si cruelle... Mais là c'est bien la première fois que je souffre comme un chien sans que Leyers soit là pour me calmer inconsciemment.
D'ailleurs, j'espère qu'il va bien là où il est, j'ai une confiance aveugle en lui, je sais qu'il s'en sortira car pendant huit ans je l'ai formé à ce moment fatidique où l'on nous séparerait. Leyers est un Chef né, un chef né qui n'a pas encore laissé son démon intérieur pour détruire l'Ennemi, mais en étant seul sans ses frères, sans moi, sans Eve... Je crains que cette guerre n'est réveillé une puissance plus forte que toutes les autres réunies. Le Grand Reich Allemand peut avoir peur, car lorsque nous nous retrouverons, nous y reviendrons.

Marinus, victorieux et fier sur le Front...

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant