La Vérité ( Marinus )

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5 novembre 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Aucun des soldats n'a donné des nouvelles de mon fils. Ils commencent sérieusement à me pomper le moral. Ce n'est tout de même pas si compliqué de retrouver un général allemand ! Je n'en peux plus d'attendre, je suis à deux doigts d'aller en Allemagne moi aussi. J'en ai tellement assez de devoir mentir comme ça, j'aimerais tant pouvoir clamer haut et fort l'identité de mon fils. Je ne pourrai jamais le faire tant que le Grand Reich Allemand sera sur pieds, il y aura toujours le Reichsfürher SS à nos trousses, toujours prêt à avoir un peu plus de vengeance que ce qu'il en a eu.

Ma vengeance va bientôt arriver, j'ai tellement hâte de pouvoir les venger. J'espère juste que j'en aurais l'occasion, que je pourrai me venger avec mon fils. J'ai toujours rêvé d'avoir mon fils à mes côtés, un fils qui m'aimerait que j'aimerais. Mais des fois je reconnais que je doute savoir si je suis bien apte à aimer qui que ce soit...
J'en ai assez de me contenir, je voudrai tellement lâcher prise, défouler toute cette haine à l'égard des hauts dignitaires nazis, d'Himmler, et de tous ces hommes qui ont pris le bonheur que j'avais tant galéré à me construire et à me préserver.

Je passe mes jours et mes nuits à la Kommandantur, essayant par tous les moyens de ramener Nikolaus au village. J'ai beau ne pas aimer la France, mon petit sera toujours plus en sécurité avec moi que seul en Allemagne. Je ne trouve pas, toutes mes réflexions me ramènent inévitablement à la mort. C'est usant. Je veux juste à nouveau connaître mon fils, c'est tout ce que je veux et pour ça je serai capable de tuer le Fürher s'il le faut.

J'en ai vraiment  marre, certaines fois je reconnais que je doute beaucoup de moi-même. Suis-je réellement aussi puissant que ce que je le laisse paraître ? Peut-être que si j'étais quelqu'un de fort, je n'aurais jamais laissé mon fils s'en aller, ma femme ne serait pas porte dans les bras, Nikolaus serait toujours au village. Lorsque je doute, le Standartenfürher est toujours présent pour moi. C'est dingue comme ce minot de 23 ans a changé ma vie, il a prouvé sa valeur et est sans l'ombre d'un doute le soldat le plus valeureux que je n'ai jamais eu. Ce Hans Leyers, même si je ne le dis pas souvent, est un vrai ange gardien pour moi, robuste général qui veut hurler sa peine. Ce petit est une vraie bénédiction, j'espère juste qu'il s'en rend compte, je voudrai faire voir sa valeur à tout le Grand Reich Allemand, qu'il voie à quel point il est bien plus qu'un colonel sorti des banlieues de Berlin.

Je me suis fait interrompre par l'arrivée du chauffeur italien, Pino Saviano.

- Général Strauss-Kahn, me dit-il en me saluant.

- Pino ! Que se passe-t-il pour que tu sois aussi à bout de souffle ?

- Deux choses. La première, Standartenfürher aura un peu de retard, je l'ai amené avec sa concubine dans un petit hameau vers la route de Laurens. La seconde, j'ai une lettre du général Schumacher sous le bras.

- Bon alors, je ferai la sourde oreille pour Leyers, donnez-moi la lettre je vous prie Pino.

- Tenez Général.

J'ai saisi l'enveloppe marquée de la croix hitlérienne, laissant le rital partir.

J'avoue que je suis resté hébété face à ce morceau de papier, le tenant entre mes mains tel un enfant effrayé de commettre une erreur. C'est la lettre de Nikolaus, de mon fils. La vie est mal faite, je ne voulais pas qu'il s'en aille en Allemagne tout seul, dans une poussée de colère sans moi... Je venais à peine d'apprendre que c'est mon enfant, et voilà que quelques heures après il s'est envoyé dans la gueule du loup. J'ai pris mon courage à deux mains, j'ai ouvert la lettre. Voilà ce que j'ai lu :

Mon général ou Papa, à vous de choisir,

Il fallait que je vous écrive après avoir fui comme un lâche.

Je ne sais pas par où commencer, j'aurais vraiment aimé que les choses soient différentes, que pour une fois nous ayons droit à notre bonheur. Je vous avoue que lorsque je suis arrivé au village, je ne voulais qu'une chose. Vous faire du mal comme vous m'en avez fait sans vous en rendre compte. Je voulais vous frapper, et vous crier au visage tout ce que j'ai ressenti lorsque Maman est morte. Je n'ai pas osé oui, je n'ai pas pu car bien que je ne vous apprécie guère une partie de moi vous respecte et vous admire. Je tiens à m'excuser pour avoir écrit ces mots à votre égard, mais je ne sais pas comment je dois faire pour vous considérer à nouveau comme mon père, cet être cher qui m'a manqué pendant cette décennie où j'ai fui jusqu'à Fribourg et Lyon. Le but de cette lettre ? C'est vous adresser mes plus sincères regrets mon général, je n'aurais jamais dû partir ainsi, sans vous laisser de nouvelle. Je ne serai pas aujourd'hui dans une situation si dérangeante.

Si je suis parti pour la capitale allemande, ce n'est pas pour vous fuir vous mon général, c'est pour aller mettre en oeuvre la vengeance que j'organise pour nous depuis que j'ai fui de vous. Je suis arrivé à Berlin, tout arrogant et fier jusqu'à Himmler je le reconnais, j'ai essayé de l'amadouer et lui mentant. J'ai lamentablement échoué, il s'est renseigné sur moi et a tout découvert. Le Reichsfürher est au courant de tout, que je suis le fils de l'Oberstgruppenfürher et de la jolie russe Maria, que je me suis fait passer pour mort, que je travaille avec vous... Il le sait. Je sais aussi qu'il ne me laissera pas repartir en France, je suis foutu général. Je suis actuellement en route pour le Front de l'Est. Je ne sais pas où je vais, ce que je vais devenir mais je vais être honnête avec vous. Je suis pétrifié par la peur, il fait froid, ce froid il vous transperce les os, les tétanise... Je ne vous souhaite pas cela. Mais sachez que le Reichsfürher SS s'est comporté comme il l'aurait fait avec tout autre général. J'ai essayé de le poignarder, à plusieurs reprises. Je voulais tellement le tuer, je l'ai insulté, humilié... Alors le Fürher a ordonné, malgré mon puissant statut que je sois envoyé au Front pour ce manque de respect et cette violence envers un supérieur. Je voulais nous venger. Sauf qu'encore une fois, c'est Himmler qui a eu ce qu'il voulait. Nous voir souffrir. Voir les Strauss-Kahn souffrir est devenu son péché mignon, mais il faut que ça change. Ça changera à mon retour.

Si mon destin est de mourir face aux armées rouges de Staline, ainsi soit-il je suis prêt à mourir en tant qu'héros, je n'ai pas peur de cela. Cette absence de peur face à l'amour du peuple et de la nation, c'est vous qui me l'avait enseigné, que je le veuille ou non ; vous m'avez beaucoup appris de choses biens. Je regrette simplement de ne pas avoir pu repartir d'un bon pied avec vous, j'ai senti quelque chose de différent, vous avez changé. Le destin n'a jamais été avec nous depuis le début. Passez le bonjour à Hans, prenez en soin car il vous aime peut-être plus que ce que je pourrai vous aimer. J'espère que nous nous reverrons, même dans une autre vie.

- Votre fils, Nikolaus Schumacher.

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant