6 juillet 1944, Mauthausen, Gusen, Haute Autriche, Autriche.
Adolf Leyers était là face à moi. Il était là et je n'ai pas su quoi faire à part le regarder, essayant de lui transmettre ma foi en Dieu pour qu'il garde espoir de se sortir de là. Je sais quoi faire, je sais que cela va paraître fou et inimaginable mais pour mon meilleur ami je le ferai.
Depuis que j'ai été transféré à Mauthausen, j'ai tout observé dans les moindres détails. Le mode de fonctionnement, les différents grades, les différentes plaques sur le pectoral des détenus, pourquoi ils viennent ici... J'ai appris à tout savoir de ce sinistre lieu.
J'ai réussi à résister comme je le fais toujours, j'ai créé un nouveau petit réseau de Résistance avec un autre français photographe. J'arrive à les diffuser hors du camps grâce à un soldat SS n'ayant pas plus de 19 ans. Je l'ai soudoyé dans le plus grand des calmes, je l'ai obligé à me fournir des renseignements en le torturant au milieu des excréments et de la boue, quand tous les Boches étaient occupés avec la pièce de théâtre faite par les détenus.Des petits groupes ont commencé à se diviser, laissant leur uniforme sur des bancs, bien pliées et rangées. Dire que dans quelques minutes seulement, ils seront tous morts sauf un seul d'entre eux. Je vais nous faire évader avec Adolf lorsque ce stupide kapo aura le dos tourné. Il y a un réseau souterrain immense, cela nous servira je n'en doute pas.
《Tenez enfilez cet uniforme. 》
J'ai essayé de me comporter de manière neutre, au lieu de lui demander de se déshabiller simplement, je lui ai offert l'uniforme des Sonderkommandos. Adolf se fera passer pour un des nôtres, personne ne le remarquera. Ces pauvres gens sont tous morts intérieurement, jamais ils oseront le remarquer. Quant au kapo, il sera trop occupé à faire régner la terreur et la violence.
J'ai observé les environs le temps que mon ami se vêtisse en rapidité, tout le monde est occupé ailleurs. C'est parfait. J'ai regardé Adolf et lui ai fait un petit signe de tête, qu'il fasse semblant de travailler pendant que je m'occupe de tout.
Décidément Dieu est avec moi ! Le SS que j'ai soudoyé s'approche du kapo.
J'en ai profité pour aller écouter et en apprendre plus.《Kapo Chlemno.
- Kommandant Skyscanner ?
- Quel est le but de ces exécutions ?
- Il y a un Résistant, pire un Résistant allemand qui se cache ici et personne ne se dénonce alors qu'ils aillent se faire foutre. 》Je suis intervenu à la grande surprise des deux supérieurs qui m'ont regardé avec de grands yeux.
《Je suis le Sonderkommando EVE1942.
- Retourne...
- Laissez le Chlemno et allez vous occuper des autres. Vous vous venez avec moi. 》Bien satisfait, j'ai suivi le SS en rassurant brièvement Adolf d'un regard apaisé.
《Écoutez Sonderkommando, je sais qui vous êtes.
- Ah bon.
- Oui, vous êtes français, un Résistant. Maxence Dubois.
- Exact, ai-je frissonné intérieurement. Pourquoi ?
- Je vous admire Herrn Dubois, pour votre cran ici dans le camps vous avez de la poigne et je pense que la fin de la guerre a besoin de vous. 》J'ai regardé le Kommandant Skyscanner totalement incrédule. Comment après la violence entre nos deux peuples, les conditions de Mauthausen, son rôle ici, comment peut-il me dire des choses pareilles ?
《Pourquoi vous me dites cela Kommandant ?
- Car en ces quelques semaines où vous êtes ici je vous ai tout de suite remarqué. Vous êtes une étoile. Mais malheureusement vous n'êtes pas l'étoile du Reich Allemand, je sais qu'il décline tout le monde le sait. Ah oui aussi, je sais qui est le Résistant allemand. C'est le garçon là-bas à qui vous avez donné une uniforme Sonderkommando n'est-ce pas ?
- Je... Ce n'est pas... me suis-je tétanisé en reculant.
- Si si c'est bien ce que je crois. Je sais que c'est l'ancien colonel de la Gestapo locale du Reich, Adolf Leyers.
- Qu'attendez-vous de moi pour être aussi compréhensif Kommandant ?
- Je vais faire exécuter tout le monde dans les chambres à gaz, tout le monde sauf vous et Herrn Leyers.
- Mais enfin vous êtes un...
- Un nazi ? Oui bien sûr mais avant d'être un nazi je suis un allemand un vrai de vrai. Je m'inquiète pour mon pays, je m'inquiète pour vous également Monsieur Dubois. me dit-il en posant sa main sur mon épaule.
- Pourquoi...?
- Votre destin n'est pas à Mauthausen, vous serez bien plus utile en vous battant pour votre pays comme Adolf le fera pour l'Allemagne. Je sais que c'est offrir un homme fort à la France mais profitez que je vous apprécie pour fuir avec Herrn Leyers. Profitez de cette fuite pour vous ressourcez. La guerre vous rattrapera bientôt.
- D'accord...
- Allez fuyez ! Vous connaissez la sortie de toute manière, dites que vous allez chercher du bois pour le Kommandant Gustave Skyscanner. 》Je n'ai pas su que faire d'autre alors j'ai observé le Kommandant hurler je ne sais quoi en allemand. C'est alors que quelques secondes après, tous les détenus dévêtis sont entrés dans les chambres à gaz. Me souvenant de la détresse de mon ami, je ne m'en suis pas préoccupé et je suis allé le chercher.
《Suis moi, lui ai-je dit en français pour que personne comprenne. 》
Je lui ai indiqué de se faufiler en vitesse au bout du couloir, je l'ai suivi la gorge serrée par ce qui doit se passer entre ces quatre murs.
L'incompréhension, la sueur épouvantable, la chaleur, le début d'une toux sans fin, la mort lente et douloureuse qui viendra les attraper, les cris, le crissement des ongles contre les murs... J'ai fermé les yeux, essayant en vain d'avoir une image un peu plus chaleureuse dans la tête. L'homme est cruel, mais c'est la pire espèce quand il s'agit de faire souffrir son prochain pour des intérêts personnels.J'ai serpenté avec Adolf pendant facilement vingt minutes, à pas de loups, observant chaque mouvement des SS, des kapos ou des autres détenus. Chacun de nos pas peut, soit nous mener à la mort, soit nous rapprocher de la liberté.
《Attends Adolf. 》
J'ai stoppé mon ami par le bras, légèrement engourdi par cette lumière du jour. Nous sommes devant la dernière ligne droite. Les grillages de fils barbelés, les SS accompagnés de leur chiens mangeur d'hommes, les kapos hurlant, et un peu plus en haut, les miradors. Tous tournés vers l'extérieur je crois bien... Ah non finalement, ce n'est que le fruit de mon imagination.
Un garde, âgé d'une cinquantaine d'années s'est approché de nous l'air menaçant.《Que faites-vous ici ?!
- On a l'ordre du Kommandant Skyscanner d'aller chercher du bois, lui ai-je dit en lui tendant le papier.
- Soyez revenus d'ici 15 minutes. 》Nous avons acquiescé les yeux baissés, observant le garde transmettre l'information aux miradors en utilisant la langue des signes pour les nazis je suppose.
Un frisson glacial m'a traversé le dos en apercevant les grandes portes en métal s'ouvrir face à nous.《Allez sortez et dépêchez vous.》
Adolf m'a légèrement tiré par le poignet, voyant mon incapacité à réagir face à cette liberté à portée de main. Je crois que j'ai tellement été emprisonné entre quatre murs que je ne sais pas si j'arriverai un jour à me remettre de cette expérience.
Nous avons marché dans le plus grand des calmes, se retenant l'un comme l'autre de s'enfuir en courant. Pour finit criblés de balles... Autant jouer le jeu des deux détenus soumis et ruinés par Mauthausen.Les portes se sont refermés avec fracas derrière nous, j'ai jeté un regard derrière nous.
《Ne te retourne pas Maxence. 》
Et il a totalement raison, il ne faudra jamais se retourner avant d'être certain que nous soyons hors d'atteinte. Jamais le passé ne pourra nous rattraper, après tout ce qu'on a traversé, on sera plus forts que le passé.
《Maxence ?
- Oui ?
- Je voulais te remercier. Je ne pensais pas que tu aurais été capable d'un tel acte et un tel contexte.
- Tu es mon meilleur ami. Ne me remercie pas tu aurais fait la même chose en sens inverse, ai-je souri en lui donnant une petite tape sur l'épaule.
- Où allons-nous exactement ?
- On retourne là où est notre place. 》
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Programmés pour tuer
Historical FictionDès ses 15 ans, Hans Leyers, jeune allemand des pauvres banlieues berlinoises s'engage dans la SS avec le général plénipotentiaire Strauss-Kahn, homme dur mais d'une justesse infaillible. Tout oppose les deux personnages, de la mentalité jusqu'au p...