Découvrir ( Hans )

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17 juillet 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Un jour comme les autres débutent aujourd'hui, dans mon bureau et celui de Marinus à la Kommandantur.
Mon mentor est parti en Allemagne, il doit fournir des rapports au Fürher lui-même. J'aurais aimé pouvoir aller avec lui mais le général plénipotentiaire n'a pas voulu, il a jugé que je ne suis pas prêt alors j'attends mon tour.
Je travaillerai seul sur les dossiers des suspects, ceux coupables de Résistance et d'opposition au Grand Reich Allemand. Une fois que j'aurais donné mon avis aux autres soldats et à Marinus en priorité, on pourra les faire arrêter, ou les envoyer vers Drancy selon les délits commis.
Avec la situation en Allemagne qui dégénère légèrement, on ne peut pas se permettre d'arrêter et de tuer tout le monde, cela empirerait les soucis  je pense.

《 Entrez ! ai-je crié aux coups violents abattus sur la porte.
- Guten Tag Standartenfürher Leyers.
- Guten Tag. 》

C'est un SS-Hauptscharführer, ou plus simplement un capitaine. Nous avons passé notre concours ensemble, il s'appelle Emmrich Jäger. Notre complicité amicale s'est violemment dégradé depuis que je suis Standartenfürher SS, colonel à mon âge, c'est le rêve de tous.

《 Standartenfürher, je viens te dire quelque chose d'assez personnel.
- Appelle moi Hans quand même je suis toujours ton ami !
- Nein.
- Ah bon ? me suis-je étonné, très surpris.
- Je ne suis pas ami avec les faux allemands.
- Attention à ce que tu dis, l'ai-je menacé le regard furibond. 》

J'ai observé Emmrich fermer la porte à ses aises et venir s'installer en face de moi, les mains fermement posées sur le bureau en bois massif.

《 Je ne suis pas ami avec les Colonel qui baisent les françaises, reprend-il fou de rage.
- Oh ! ai-je ri ironiquement. As-tu des preuves mon cher Emmrich de ce que tu annonces ?
- Bien sûr, regarde moi ces magnifiques photos. 》

J'ai saisi les photos, me retenant de me liquéfier de me voir embrassant Eve sur sa terrasse à plusieurs reprises.
D'où Diable a-t-il réussi à avoir ces photos ?
J'ai essayé de rester calme, de ne pas céder aux provocations du capitaine Jäger. Je sais que ce type n'osera jamais me dénoncer malgré sa volonté d'être le plus haut sur l'échelle hiérarchique de l'aristocratie du Reich Allemand.

《 Qu'est-ce que tu comptes faire de ces photos hein Emmrich ?
- Je vais te faire arrêter par le général Strauss-Kahn, pour viol du traité de lois de la Waffen SS ! Car tu sais très bien Hans que tu n'as pas le droit d'avoir une relation sérieuse avec une française  à part pour un soir !
- Et tu crois sérieusement que ce sont ces photos ridicules qui prouveront au général que je suis un traître ? Rappelle moi, c'est qui le Colonel entre toi et moi ? me suis-je énervé d'un ton assez arrogant.
- Tu as beau être Colonel Leyers, n'oublie pas la réputation qu'a ta jolie petite famille à Berlin. Sans oublier ta petite Freya hein ! Entre le grand frère qui aide les communistes et juifs à fuir, ton père violent, ta mère qui a été aperçue en train de faire les trottoirs... mais attends j'avais oublié la Fräulein Shamberlein qui s'est faite tringler jusqu'au cou par un Bougnoule* !
- Fais gaffe à ce que tu dis !
- Mais c'est la vérité. Tu fais partie d'une famille de traître, tu es un traître et tu le resteras toute ta vie !! Strauss-Kahn me croira plutôt à moi. Je suis le seul qui mérite le titre de Colonel, tout comme je mérite d'être allemand.
- Écoutes tu le verras bien Emmrich, mais je pense qu'il en faudrait plus au général pour faire de telles conclusions sur Eve et moi.
- Ah ! rigole-t-il. Le problème le plus grave, c'est pas que tu baises une française en rentrant chez toi, qui ne le fait pas mais tu ne remarques rien toi sur cette Eve ?
- Que devrais-je remarquer ?
- C'est une Résistante bordel Leyers ça crève les yeux ! Il est passé où le soldat loyal et honnête avec qui je travaillais hein ? Fais lui écarter les cuisses et bute la, sinon on s'en chargera nous mêmes.
- Ferme ta grande gueule Emmrich !!! Fräulein Dechambord n'a rien à voir avec la Résistance elle vaut mieux que ça.
- Elle doit être bonne au lit pour que tu voies rien comme ça. Le général Strauss-Kahn t'a bien envoyé chez elle pour l'espionner à la base n'est-ce pas ? insiste-t-il.
- Ja, c'est exact.
- Est-ce que le général s'est déjà trompé sur ce genre de sujet ? Nein nein und nein !!! Et tu ne penses pas que le vieux là qui a plus de jambes, tu crois que c'est une coïncidence ce qu'il t'ait donné ?
- Comment sais-tu tout ça bordel Jäger ?!
- Parce que tu l'as dit à Strauss-Kahn je t'ai entendu. Il t'a donné sa bénédiction pour que les deux puissent bien te la foutre à l'envers quand tu le verras pas. Sérieusement Leyers, il faut vraiment que tu ouvres les yeux sur cette femme car si tu ne le fais pas vous serez tous les deux morts. L'un sera fusillé pour trahison et l'autre se fera violée et jetée dans un fossé parce qu'elle a utilisé un SS et est Résistante ! 》

Je l'ai regardé, à deux doigts de lui sauter à la gorge. Le pire dans toutes les conneries qu'il m'a raconté, je sais au fond de moi qu'il y a une part de vérité. En y réfléchissant tout concorde, finalement Emmrich a peut-être raison, est-ce bien sincère qu'une française est réussie à me faire tomber amoureux, et que ce soit réciproque ?
Toutes les femmes du village ne sont jamais sorties avec des allemands, mise à part Rose avec Pino, mais c'est une exception. Aucune d'entre elles, elles attendent toutes leur maris, leur conjoint, leur fils. Mais aucune ne s'est faite prendre aussi facilement.
Elles sont toutes restées fidèles aux français. Dans les premiers jours que nous sommes arrivés ici, je pensais qu'Eve était la partenaire de Maxence Dubois. Un duo de français, dans la logique des choses. Alors c'est vrai que ça peut porter à confusion ces photos...

À mon grand soulagement, Emmrich Jäger est sorti de mon bureau avec ce sourire en coin de personne sadique ayant obtenu ce qu'il méritait.
Il faut que j'arrive à prouver l'innocence d'Eve, et que je démente en public que jamais je ne trahirai le Reich avec une probable Résistante. Je sais que Marinus peut couvrir mes arrières, mais il ne connaît pas les rumeurs sur ma Fräulein Dechambord. S'il le savait, il se ferait un plaisir de la dénoncer sans comprendre l'entière histoire.

Agacé au plus haut point, bouillonnant de l'intérieur, fulminant de colère d'avoir été humilié et déstabilisé par simples photos et paroles d'un capitaine écervelé je suis sorti fumer une cigarette à l'extérieur.
J'ai posé la tête sur le mur, faisant des petits ronds avec la fumée relaxante.
J'en ai fumé trois d'affilées, profitant d'un peu de tranquillité avant que le général revienne.

《 Alors Hans comment ça va ?
- Pino !! Ça va on fait aller et toi ?
- Super, me répond mon ami en me volant une cigarette.
- Qu'est-ce que tu racontes alors ?
- Tu veux que je te dise un truc de dégénéré ?
- Dis moi tout Saviano.
- Tu vois le poster de Propagande qu'il y a dans la vitrine du dock ?
- Celui avec le soldat allemand et les trois mouflets qu'il a dans les bras ? ai-je demandé, ne voyant pas du tout de laquelle il parle.
- Celle-là ouais. La vitrine a été cassée, et une personne avec l'initiale E a marqué une phrase du genre : et puis quoi encore ? II y avait également un drapeau de la France avant Pétain collé à côté.
- Ah bon... ai-je soupiré, me rendant compte que c'est peut-être Eve qui a fait ça. Je ferai transmettre cette information à Marinus il saura comment punir cet affront. 》

J'ai laissé mon ami aller boire un pichet de bière chez les Dubois puis je suis rentré chez les Dechambord.
Étonnamment, avec tous ces petits événements, Jäger qui déblatère sur la Résistance, la vitrine brisée signée E... J'ai senti au fond de moi mon estomac trembler, je sens que toutes ces rumeurs peuvent s'avérer être réelles. Comment le prouver ?

Souviens toi que tu es colonel maintenant, m'avait dit Marinus.

Je pourrai avoir la certitude qu'Eve ne fait pas partie de cette race immonde de Résistance qu'en fouillant comme les autres soldats le font quand cela leur chante. Malgré mon petit attachement à cette femme, je n'oublie pas le fait que ce n'est qu'un objet pour moi à la base. Je ne dois jamais l'oublier, je ne dois pas plus l'apprécier, c'est déjà assez honteux de l'apprécier après ça, mais si je continue je vais faillir à tout ce que je m'étais promis.
Je ne pourrai pas supporter de rester dans l'incertitude après tout ce que j'ai entendu aujourd'hui, je ne veux pas aimer encore plus une femme Résistante contre ma nation et mon peuple. Je veux découvrir la vérité. Je la découvrirai peu importe le prix.

 Je la découvrirai peu importe le prix

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