Programmés pour tuer

Prise en main ( Hans )

3 mai 1943, Saint Nazaire de Ladarez, Hérault, Languedoc-Roussillon, France.

Je n'ai rien fait d'utile au Reich depuis des jours et des jours. Je n'ai passé que du bon temps avec Eve Dechambord, nous sommes beaucoup sortis pendant les soirées. Et lorsqu'on est seuls chez elle, on parle énormément. Cette femme est très timide, je n'arrive pas à la cerner et à savoir ce qu'elle veut. Je la veux à elle, je la veux toute entière, je ne veux pas une autre femme. Je ne me vois pas désirer une autre française, tout comme une autre allemande qu'elle. Elle m'a vraiment sorti de ma tristesse infernale. J'aimerais aller vers elle, l'embrasser au milieu du salon mais j'ai une peur bleue de la brusquer et qu'Eve ne revienne plus vers moi. Alors j'attends de voir si elle vient vers moi, le temps j'ai décidé de me concentrer plus sur ma mission de départ ; assurer la prospérité du Grand Reich Allemand.

Je suis avec Marinus à la Kommandantur du village, on travaille sur les dossiers des déportés, des morts civils, on réquisitionne des lettres envoyées pour les modifier en fonction de ce qui est dit de négatif sur notre puissante nation.
Il faut que je parle à mon mentor, j'ai pleins de questions à lui poser, auxquelles je n'arrive pas à répondre seul. Je sais que je suis Standartenfürher SS mais j'ai souvent besoin de l'avis de Marinus.
C'est un homme pour qui je porte un respect incommensurable, c'est lui qui m'a tout appris.
Il m'a appris à devenir plus fort, à savoir donner les coups mais les recevoir sans  flancher. Il m'a enseigné les valeurs que mon père et mon frère n'ont pu m'apprendre. C'est grâce au général plénipotentiaire du village que je suis devenu fort, depuis 1936 il me forme pour que je devienne le meilleur de moi-même. C'est lui qui m'a rendu fier d'être allemand. J'admire cet homme. Ce type qui m'a malmené, insulté, félicité, encouragé... pour qu'au final je devienne colonel de la Schutzstaffel.
Herrn Strauss-Kahn me dit souvent que je ferai de grandes choses pour le Reich allemand, que je serai puissant, que je réussirai à accomplir plus que ce que mon père le pense. J'essaie tous les jours que cet homme de la quarantaine soit fier de moi, qu'il se dise qu'il m'a bien formé.

Je l'ai regardé travailler, le stylo plume s'acharnant sur la feuille. Il est énormément concentré que je n'ose pas le déranger pour avoir mes réponses souhaitées.

《 Leyers que veux-tu ?
- Comment savez-vous que...
- J'ai un sixième sens petit, puis ta discrétion laisse à désirer quand même. 》

Je suis resté surpris face à l'instinct de Marinus, je ne sais pas comment il fait pour être si rude, si robotique et fort sans flancher une seule fois. C'est dingue, il ne se laisse pas une seule erreur.

《 J'aimerais que vous m'aidiez à répondre à quelques questions.
- Selon ce que c'est, je ne pourrai pas t'aider Leyers.
- Savez-vous pourquoi mon frère a été envoyé sur le Front de l'Est ?
- Oui je le sais.
- Pouvez-vous me le dire ?
- Leyers, sache que c'est une information ultra confidentielle. Si je te le dis, si ça vient aux oreilles de Himmler, on va à Auschwitz ou ailleurs.
- D'accord, ai-je répondu la gorge serrée par la réponse.
- Adolf Leyers a beau être Colonel de la Gestapo locale du Grand Reich Allemand... il ne mérite pas ce titre. Ton grand frère a trahi le Reich de la plus horrible des manières en aidant des Juifs à fuir.
- C'est vrai ? me suis-je ahuri.
- C'est vrai. Il aidait des Juifs à fuir à travers les Alpes bavaroises pour les faire traverser la frontière germano Suisse. 》

Je n'en reviens pas. Adolf, mon grand frère, mon modèle qui me protégeait avec Herman est en réalité un traître qui aidait les Juifs ? L'Ennemi du Reich ?!
J'ai remercié Marinus avant de me remettre au travail, l'estomac noué par cette nouvelle. Je ne pensais pas cela...
Mais malgré ma surprise, une petite partie de moi ne peut s'empêcher de penser que mon frère est un héros incompris d'avoir sauvé des vies malgré l'interdiction radicale de ses supérieurs.
Je ne sais pas quoi penser, je ne sais pas ce qu'il va advenir d'Adolf, s'il est un traître ou un héros.