Jour de congés ( Nikolaus )

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10 mai 1944, Kiev, Ukraine, Union Soviétique.

Eliza et Saskia sont devenus au fil des mois ma raison de vivre à chacun de mes réveils pour me battre. Peut-être est-ce idiot de s'attacher ainsi à des femmes ukrainiennes quand tu es un pauvre général déchu sur le Front. Mais je suis sûr que je ne les ai pas rencontrées au hasard. Cette mère et sa fille m'ont marqué, plus profondément que je n'aurais pu le croire. Je me rappelle encore cet hiver 1943, quand elles étaient dans cette même ferme délabrée. C'est là que j'ai commencé à leur apporter un peu de nourriture et d'eau en cachette ainsi que quelques vêtements chauds, j'ai fait ceci évidemment sans qu'aucun soldat ne le sache. Ces hommes deviennent tellement fous qu'ils seraient capables de les tuer sous le simple motif qu'elles sont ukrainiennes.
Personnellement, Eliza et Saskia, je les aime beaucoup. Nous avons commencé à vraiment tisser un lien au fil des mois, ces magnifiques femmes se sont ouvertes à moi, je leur ai prouvé que je suis digne de confiance, que je ne suis pas le genre de soldat vulgaire comme les autres. Alors j'avoue que je ne sais pas si j'aurais la force de me lever face aux Soviétiques tous les matins si je n'avais pas mes deux rayons de soleil qui m'attendraient chaque soir.

Encore un jour, où je me lève couché dans les fluides corporels en putréfaction des autres soldats, soviets ou allemands d'ailleurs. Cette odeur infâme ne nous affecte même plus, nous avons tous appris à vivre avec une hygiène misérable où la mort nous accompagne à chaque instant. Nous n'y prêtons pas cas au risque d'éprouver une quelconque sorte de sensibilité à l'égard de tous ces militaires morts, pleurer chacun d'entre eux nous rendrait tous fous de chagrin, au sens propre comme au figuré.
Je me suis rapidement lavé le visage avec de l'eau et une éponge rendant l'âme, laissant la gentillesse aux sous officier de nettoyer la base allemande jonchée par les cadavres.
J'ai regardé l'heure sur une petite pendule de fortune dans ma poche.

Il n'est que 5h, et personne n'est levé, personne n'attaque l'autre. Rien. Il pèse un calme quasiment effrayant sur le front de Kiev. J'ai longuement écouté les petits bruits les plus anodins pendant quelques secondes. Seul la petite brise de l'été se fait entendre en cognant les ruines, mais sinon il n'y a rien d'alarmant. J'ai regardé une dernière fois les allemands, tous plongés dans un sommeil de plomb.

Je vais aller voir les filles. Est-ce que c'est risqué ? Bien entendu que c'est risqué comme toute cette idiote de guerre, mais ma relation avec Eliza et sa jolie petite fille en vaut largement la peine. Si le devoir venait à m'appeler, je sais exactement où je dois aller et combien de temps il me faut pour m'y rendre. Alors avec toute ma discrétion habituelle, j'ai détalé vers la fameuse ferme qui a changé ma vie le plus vite possible. Je veux pouvoir passer le plus de temps possible avec elles, les savoir protégées en ma présence, les voir sourire, que j'oublie les horreurs que je suis contraint à voir chaque jours.
Je suis arrivé. J'ai regardé au travers d'une petite tente de la porte en bois pour voir si elles sont toujours là. Dieu soit loué, elles sont là. J'ai souri avec difficulté à cause du froid, j'ai toqué et suis rentré en faisant de petits gestes pour rassurer Saskia traumatisée par le Front de l'Est. Une fois qu'elle m'a reconnu, la petite est venue dans mes bras en courant, coiffée d'un sourire rayonnant qui remplit le cœur de je ne sais quoi.

《Klaus !!!
- Comment vas-tu ma belle Saskia ?
- J'ai trop faim mais ça va.
- Tiens, j'ai de la charcuterie avec du pain. Prends.
- Merci !
- Mais tu en laisses pour ta mère hein !
- Oui ! 》

J'ai regardé sa mère justement, à chaque fois que mes yeux se posent sur elle je flanche littéralement. Moi, Nikolaus Schumacher totalement impuissant face à la beauté de cette fabuleuse femme.
Malgré la violence de la guerre qu'elle encaisee chaque jours, seule avec sa fille de 9 ans, Eliza reste toujours aussi magnifique.
Sa chevelure quasiment blanche, ses grands yeux bleus pétillant toujours de la même étincelle d'espoir de survie, sa silhouette bien qu'amaigrie reste aphrodisiaque à mes yeux. Je ne sais pas si c'est parce que je suis un pauvre général en manque d'affection perdu au milieu de l'Ukraine, mais cette femme est tout ce que j'ai pu rêver.

Programmés pour tuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant