Chapitre 10

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Je m'éclipse du supermarché, et range mes courses dans mon coffre. Les nuages refusent de faire de la place au soleil. Le temps est juste déprimant, et le son que produit le cadis à l'extérieur du magasin m'est insupportable.

Je sens soudain des yeux sur moi, et si c'était lui ? Je jette des coups d'œil à l'horizon, mais je ne repère rien de troublant. Lorsque je remets le cadis à sa place, mon regard tombe à pic sur celui d'Anderson. Je m'immobilise quelques fractions de seconde avant de le rejoindre d'un pas décidé. Il est debout, contre le capot de sa voiture. Je l'observe, et lui me reluque sans un mot. Je fais un pas en arrière, réalisant que la distance qui nous sépare est trop petite. J'abaisse le menton légèrement lorsque je dis : "Anderson." Il use mon intonation et baisse le menton, "Peters." Cet excès de respect superficiel me donne envie de rire.

"Alors ? Vos interrogatoires ont donné quelque chose ?", "Un interrogatoire donne toujours quelque chose." J'amène mes bras en croix contre ma poitrine, il joue au mystérieux, haha. "Vous avez fait quoi pour que Meriem vous apprécie ? Vous avez joué au gentil flic ?" Il sourit à peine, et son attention est portée sur le sol goudronné. "Je suis un gentil flic." Je lui ris au nez, et son sourire s'efface lorsqu'il comprend que je me moque de lui, comme d'habitude. Le voir perdre sa joie fait mon bonheur.

"Vous êtes de garde aujourd'hui ?", il acquiesce d'un mouvement de tête. "J'ai vu ce qui se passe, cette petite fille dont on a retrouvé le bras... C'est lui, non ?" Ses yeux aux nuances noisette abdiquent la terre ferme pour me retrouver. Il bouge sa tête de haut en bas. "Et euhm... vous allez me suivre jusqu'à quelle heure ?" Il penche légèrement la tête à droite, "pourquoi cette question ?", "bah... j'ai peur certes, mais je vois pas l'utilité de rester en bas de chez moi alors que je suis enfermée à l'intérieur." Il frotte sa mâchoire, "il pourrait venir dans la nuit et entrer chez vous. Les portes de votre immeuble n'ont pas l'air franchement solides." Son regard se modifie, il n'est plus aussi serein qu'il en avait l'air il y a quelques secondes à peine. Il semble troublé, presque nerveux. "Pourquoi vous faites cette tête ? Vous avez vu un fantôme ou quoi ?"

"Je... Je pense que vous devriez rentrer chez vous." Je plisse les yeux, "d'accord, mais vous... vous l'avez vu à l'instant ? Il est ici, c'est ça ?" Il s'éloigne pour rejoindre son auto, sans me tourner le dos, "non, il n'est pas là. Ne vous inquiétez pas, c'est rien." Je hausse les sourcils, "je ne m'inquiète pas. Mais vous faites flipper." Anderson me tourne le dos, alors je fais de même et m'en vais. Lorsque je démarre, je remarque qu'il me suit de près.

J'entre chez moi et retrouve mon frère qui m'attendait dans ma chambre, il est assis sur le bord du lit, et fait défiler les pages d'un des nombreux albums photos que je possède. "Ça va ? T'as pas trop attendu ?", il me regarde brièvement avant de retourner à son occupation, "non, j'ai toujours quelque chose à faire chez toi. J'oublie que nos albums sont ici, alors j'ai jeté un petit coup d'œil." Un mince sourire étire ses lèvres, avant qu'il ne me dise : "tu veux parler de l'interrogatoire, c'est ça ?"

"Je sais que t'as suffisamment subi à cause de ce monstre, et que tu n'avais pas envie de remuer le couteau dans la plaie, je suis désolée Nathan..." Il tourne une page puis déclare : "c'est rien, ça va beaucoup mieux depuis les séances avec mon psychologue. En parler avec un professionnel m'a fait du bien. Mais c'est pas grave... le lieutenant était sympa, on a beaucoup discuté. Il m'a posé des questions concernant ma séquestration, et il voulait en savoir plus sur nous deux, notre relation, etc." Je suis soulagée, je sens un poids en moins sur mes épaules, et le noyau dans ma gorge s'atrophie. "Je suis contente que ça se soit bien passé, je te remercie pour ton effort." Il me montre une photo de nous deux, avec notre ancienne famille d'accueil. Nous étions à table en train de déguster un gratin dauphinois. "On mange ça ce soir ? La photo m'a donné envie", il dit le doigt planté sur le plat, en me faisant les yeux doux, "oui, bien sûr. Allons y."

Sa précieuse cibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant